Dans un autre chapitre du conflit
entre les deux organisations, Pierre Karl Péladeau, le grand patron de Quebecor
(TSX:QBR.B), a averti le président-directeur général de Radio-Canada, Hubert
Lacroix, que s’il persistait à « boycotter » ses diverses publications
pour l’achat de publicités, il pourrait s’adresser aux tribunaux. Il a lancé cet avertissement dans
une lettre datée du 7 septembre 2011, obtenue avec une liasse de
correspondance, en vertu d’une demande d’accès à l’information formulée par La
Presse Canadienne.
Cette lettre fait partie d’un
échange sur ce même sujet entre les deux dirigeants, étalé sur plus de deux
ans, depuis au moins août 2009. Avec cette missive de l’automne 2011, le ton a
toutefois monté. « Si vous persistez à porter
préjudice aux Canadiens en poursuivant cette démarche illégale, nous vous
avisons par la présente que nous pourrions nous adresser aux tribunaux afin de
faire cesser ces pratiques tout aussi mesquines qu’illicites », avertit M.
Péladeau.
Les menaces voilées se poursuivent
dans une lettre subséquente, en décembre dernier. « Nous souhaitons, pour le
bénéfice mutuel des entreprises que nous dirigeons et surtout pour le plus
grand bien des Canadiens, que cesse cet abus de droit et que vous réajustiez le
tir rapidement, afin d’éviter que nous devions nous résoudre à nous engager
dans des avenues nous permettant de protéger nos droits », écrit le
dirigeant de Quebecor, dans une lettre mise en ligne sur son propre site
Internet.
M. Péladeau en déduit que
Radio-Canada a cessé d’acheter des publicités lors des lock-out décrétés par
Quebecor au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il estime qu’il s’agit
aussi de « mesures de rétorsion » pour les critiques effectuées par les
journalistes de ses quotidiens autant au Québec que dans le reste du Canada
par l’entremise des reporters de Sun Media envers la société d’État.
Il estime que ses publications sont
lésées, puisque ce sont en bonne partie les revenus publicitaires qui sont
responsables des profits des médias. Il juge que le diffuseur public, qui est
financé par les contribuables, ne peut se servir d’une telle stratégie envers
un compétiteur, répète-t-il dans plusieurs lettres, auxquelles il joint
tableaux, chiffres et graphiques à l’appui pour mettre en évidence l’important
lectorat de ses journaux, surtout du Journal de Montréal.
La semaine dernière, M. Péladeau
offrait ses voeux de bonne année à M. Lacroix _ dans une autre lettre mise en
ligne sur le site Web de Quebecor _ profitant de l’occasion pour lui souligner
qu’il ne semblait pas avoir pris pour la nouvelle année la résolution
« d’éliminer ses pratiques publicitaires discriminatoires ». Mais Quebecor n’est pas encore
passée aux actes. Aucune poursuite judiciaire n’a été intentée pour le moment.
« Le service juridique de
Quebecor Media est à achever l’analyse du dossier. Puisque nous en sommes
maintenant à la dernière phase de notre analyse, il ne nous apparaît pas
approprié de commenter plus avant », a fait savoir cette semaine Serge
Sasseville, le vice-président, affaires corporatives et institutionnelles de
Quebecor, lorsque questionné sur la concrétisation d’une poursuite judiciaire.
Il répondait ainsi par courriel aux
demandes d’entrevue formulées par La Presse Canadienne _ d’abord pour
interroger M. Péladeau, puis M. Sasseville _ et cela, après avoir exigé
d’obtenir par écrit les questions. Quant à Radio-Canada, elle juge ses
pratiques publicitaires tout à fait légitimes. « On n’a rien à se
reprocher », a déclaré Marco Dubé, porte-parole pour CBC/Radio-Canada. Le diffuseur
public ne montre aucun signe qu’il entend modifier sa stratégie de placement
publicitaire.
Dans ses lettres, M. Lacroix
soulignait d’ailleurs que si peu de publicités sont achetées dans les journaux
de Quebecor, c’est parce leurs lecteurs ne représentent pas le public cible de
Radio-Canada. « Le choix des véhicules
publicitaires pour faire la promotion de la programmation de Radio-Canada se
fait sans égard aux considérations de propriété. (…) Ses choix de placements
publicitaires répondent uniquement aux impératifs de promotion de sa
programmation », écrit M. Lacroix dans une lettre du 29 septembre 2009
adressée à M. Péladeau, qui résume la teneur des propos répétés dans plusieurs
missives.
M. Péladeau rétorque à maintes
reprises que le Journal de Montréal est le quotidien le plus lu au Québec et
que Radio-Canada prive ainsi une bonne partie de la population des informations
sur sa programmation et sa couverture de nouvelles. Dans ses lettres, M. Péladeau
qualifie tour à tour la stratégie de Radio-Canada d' »illicite »,
d' »illégale », de « mesquine », d' »insensée » et de
« pernicieuse », en plus d’alléguer qu’elle est contraire à la mission
du diffuseur public et à la loi canadienne sur la radiodiffusion.
Il avait déjà dénoncé la situation,
notamment publiquement lors de sa comparution devant un comité parlementaire à
Ottawa en octobre dernier. Prudent, Marco Dubé refuse de
qualifier les propos de M. Péladeau de « menaces », mais affirme les
prendre au sérieux, comme toute autre correspondance. « Nous, on voit cela
comme une stratégie commerciale », dit-il au sujet des lettres de Quebecor.
Il insiste que Radio-Canada a acheté
des publicités dans les quotidiens de Quebecor au cours des dernières années,
mais n’avait pas les chiffres pour préciser si ces achats avaient diminué au
cours des deux dernières années, soit la période cernée par le pdg de Quebecor.
Il souligne que Quebecor n’achète aucune publicité à Radio-Canada. Les correspondances entre les deux
hommes ont été également envoyées en copie conforme à quelques reprises à des
membres du gouvernement conservateur, tels que le ministre du Patrimoine
canadien James Moore et même le premier ministre Stephen Harper. M. Péladeau a
même écrit directement à M. Harper pour se plaindre de la situation.
Mais M. Dubé assure qu’il n’y a eu
aucune intervention du gouvernement. « Le gouvernement est au
courant, mais personne au gouvernement n’est intervenu pour influencer nos
décisions à ce sujet-là », a-t-il déclaré en entrevue.
L’INFORMATION REPRODUITE SEMBLE PRÉSENTER UN DEGRÉ POSSIBLE DE MANIPULATION DE L’OPINION PUBLIQUE. ON N’EST JAMAIS ASSEZ PRÉVENU.