« Moi, je dis toujours, dans le
fond, il faudrait que chaque assassin (ait) le droit à sa corde dans sa
cellule. Il décidera de sa vie », a-t-il lancé lors d’un point de presse
impromptu, mercredi matin, à l’entrée de la réunion de son caucus. Ses propos ont suscité un tel
déferlement de critiques que le sénateur a dû publier un communiqué afin de
« retirer publiquement » ses paroles. Les commentaires controversés de M.
Boisvenu s’étaient également étendus à la pertinence de rouvrir le débat sur la
peine de mort, abolie officiellement au Canada depuis 1976.
Tout en se disant contre la peine de
mort, le sénateur Boisvenu avait avancé que la chose devrait être reconsidérée
pour certains cas, quand il n’y a aucune possibilité de réhabilitation. « Dans des cas aussi horribles
que (le tueur en série Clifford) Olson, est-ce qu’on peut avoir une réflexion à
ce niveau-là? Des gens sur lesquels il n’y a aucune possibilité de
réhabilitation, des gens qui ont assassiné des dizaines de femmes? Je n’ai pas
beaucoup de pitié pour ça », a tranché le sénateur. M. Boisvenu a avancé que la peine de
mort dans ces cas-là serait alors désirable pour des raisons économiques. Il a
souligné, par exemple, que les trois membres de la famille Shafia, reconnus
coupables de meurtre cette semaine, coûteront 10 millions $ à l’État canadien.
« Dans certaines circonstances,
je pense qu’on pourrait rouvrir le débat », a-t-il résumé, bien qu’il soit
le premier à admettre que le premier ministre Stephen Harper a promis que ce
débat ne serait pas rouvert, pas plus que celui sur l’avortement. Quant aux Shafia, il ne croit pas
que la peine de mort devrait s’appliquer à eux, mais que d’autres options
devraient être envisagées. « Je pense que les retourner dans leur pays, ce
serait peut-être une sentence plus grave que les tenir dans une prison ici où
le confort est pas mal mieux que dans leur pays », a-t-il suggéré.
« Je suis très loin de dire
qu’on ouvre le débat sur la peine de mort. (…) J’ai des interrogations
là-dessus comme la majorité des gens en ont », a fait valoir plus tard M.
Boisvenu aux journalistes. « Si j’ai pu blesser quelqu’un
dont un proche s’est suicidé, je m’en excuse énormément », a-t-il affirmé,
rappelant le drame du meurtre de sa fille et disant avoir lui-même dû affronter
le suicide d’un membre de sa famille. « J’ai tenu ces propos sur le
coup de l’émotion. (…) C’est une phrase malheureuse. »
INCITATION AU SUICIDE
Les partis d’opposition et certains
groupes de pression ont rapidement condamné de façon unanime les commentaires
du sénateur, particulièrement ceux touchant le suicide. L’Association
québécoise de prévention du suicide a notamment publié un communiqué faisant
valoir que ces propos étaient « inacceptables de la bouche d’un
représentant du peuple », ajoutant y voir un « risque de dérive
dangereuse ».
Deux suicides fort médiatisés ont eu
lieu dans les prisons au cours des dernières semaines au Québec. Paul Laplante,
accusé du meurtre de sa femme Diane Grégoire disparue en 2008, a mis fin à ses
jours dans sa cellule. Kathrine Dufresne, accusée d’avoir tué sa fille adoptive
de 7 ans, s’est également pendue au centre de détention de Hull au début du
mois de janvier.
À la période de questions à la
Chambre des communes, la chef intérimaire néo-démocrate Nycole Turmel a
d’entrée de jeu rappelé au premier ministre que l’incitation au suicide était
criminelle en vertu de la loi canadienne. « C’est exactement ce que le
sénateur conservateur Boisvenu vient de faire en disant qu’une corde devrait
être disponible dans chaque cellule », a-t-elle affirmé. Le premier ministre a contre-attaqué
en évoquant le passé tragique de la famille de M. Boisvenu, dont la fille Julie
a été assassinée en 2002.
« Je pense que nous comprenons tous
que le sénateur Boisvenu et sa famille ont horriblement souffert par la passé
et évidemment nous pouvons comprendre ses émotions à cet égard », a
répliqué Stephen Harper, ajoutant que le sénateur s’était de toute façon
rétracté. Mais cet argument n’a pas convaincu
le chef libéral intérimaire Bob Rae, qui croit que Stephen Harper devrait
retirer à M. Boisvenu le droit de siéger sur le comité sénatorial qui se penche
sur le projet de loi C-10 durcissant la justice criminelle. « C’est difficile pour moi de
voir comment quelqu’un peut rester dans sa place, ayant fait un tel commentaire
sur le système de justice. Ça montre un manque de compréhension de notre
système », a-t-il souligné.
Même s’il n’a pas été élu, M.
Boisvenu fait régulièrement office de porte-parole du gouvernement Harper en
matière de justice, un rôle qui devrait également lui être retiré, selon M.
Rae. À Québec, l’opposition péquiste est
également de cet avis. Quant au ministre québécois de la Justice, Jean-Marc
Fournier, il a évité de se prononcer en répétant que seul son homologue fédéral
était à son avis porte-parole du gouvernement en la matière. M. Boisvenu, qui a fondé
l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues dans la foulée
du meurtre de sa fille, a été nommé sénateur en 2010. Il n’en est pas à sa
première controverse. Il a récemment beaucoup fait jaser en soutenant que le
Québec était « soft on crime ».