Spencer Chaplin (1889-1977) est présenté comme l’un des enfants les plus
célèbres de Londres, des documents secrets rendus publics vendredi par les
Archives nationales révèlent que le service du renseignement intérieur, le MI5,
n’a jamais trouvé de preuve de la naissance du clochard-vedette dans la
capitale britannique le 16 avril 1889. Selon ces
dossiers, le MI5 a mené l’enquête dans les années 1950 à la demande du FBI, qui
soupçonnait « Charlot » de sympathies communistes.
D’après l’historien
du MI5 Christopher Andrew, le chef de la police fédérale américaine, J. Edgar Hoover,
confiait en privé qu’il considérait la star comme « l’un de ces
bolcheviques de salon d’Hollywood ». Mais
l’enquête du MI5 a tourné court: « Il semblerait que Chaplin ne soit pas né
dans ce pays (le Royaume-Uni, NDLR) ou qu’il ait eu un autre nom de naissance
que ceux mentionnés », conclut le contre-espionnage.
Elevé dans
le milieu du spectacle,
Charlie Chaplin a migré en 1910 aux États-Unis, où il est devenu l’une des
premières stars du cinéma alors muet d’Hollywood en mettant en scène le
personnage de Charlot, un clochard roué, débrouillard, maladroit, romantique et
touchant. Des films comme
« Le Kid » (1921), « La
Ruée vers l’or » (1925), « Les Lumières de la
ville » (1931) et l’ont rendu célébrissime mais le FBI s’est inquiété de sa
fréquentation de personnalités de gauche et a commencé à le surveiller dès le
début des années 1920.
En 1952,
quand la peur de l’infiltration d’agents soviétiques aux États-Unis était à son
comble, le FBI a demandé au MI5 d’enquêter sur la personnalité et les opinions
politiques de Chaplin, et notamment sur une rumeur persistante selon laquelle
il s’appellerait en réalité Israel Thornstein. Les
espions britanniques n’ont pas trouvé trace de la naissance d’un Chaplin,
Thornstein ou Harley _ le nom de scène de sa mère _ à Londres, pas plus qu’à
Fontainebleau, en France, où une autre rumeur prétendait qu’il aurait pu avoir
vu le jour.
Le dossier
du MI5 mentionne également la possibilité de racines russes car l’intéressé
aurait parlé un jour de « rentrer en Russie ». Un officier de haut
rang, W.M.T. Magan, évoque l’éventualité d’une famille juive ayant fui les
pogroms (massacres) à la fin du XIXe siècle. « Il
est curieux que nous ne trouvions aucune trace de la naissance de Chaplin mais
je peux difficilement penser que cela ait une quelconque importance pour la
sécurité », conclut en 1952 John Marriott, qui dirige le service
anti-subversion du MI5.
Chaplin
apparaît toutefois dans le recensement de 1891: il est âgé de deux ans et vit
dans le sud de Londres avec sa mère et son grand frère Sydney. Les
allégations du FBI sont jugées « peu fiables » mais l’agence
britannique garde un oeil sur la star jusqu’à décider en 1958 qu’elle ne
représente pas de menace malgré ses opinons « progressistes ». Et des
dossiers rendus publics en 2002 montrent que l’anoblissement de Chaplin a été
bloqué pendant près de 20 ans, jusqu’en 1975, à cause des soupçons américains.
Les
États-Unis n’ont pas été convaincus par le dossier du MI5 et ont empêché
Charlie Chaplin de rentrer aux États-Unis en 1952. Il s’est installé en Suisse
et y a vécu jusqu’à son dernier souffle. La
découverte l’an dernier d’une lettre d’Angleterre dans un tiroir d’un bureau
ayant appartenu à Chaplin en rajoute au mystère: l’auteur, un certain Jack
Hill, écrit que la star est née « dans une caravane appartenant à la reine
des gitans, qui était ma tante », près de Birmingham, dans le centre de
l’Angleterre. Dans son autobiographie, Chaplin écrit que « Grand’mère était
à moitié gitane. C’était le squelette dans le placard de notre famille ».
Preuve à tout le
moins qu’il aimait jouer avec sa légende.