Islandais jonglent, depuis plusieurs mois déjà, avec l’idée de se défaire de
leur faiblarde couronne, la devise nationale ne s’étant jamais pleinement
rétablie de l’effondrement du système financier qui s’est produit il y a quatre
ans. L’une des
suggestions circulant sur la petite île de l’Atlantique Nord serait de se
tourner vers le dollar canadien plutôt que d’adopter l’euro une démarche qui
apparaissait pourtant naturelle puisque l’Islande a entrepris les démarches
préliminaires en vue de son adhésion à l’Union européenne.
L’idée
n’est pas aussi saugrenue qu’elle le semble a priori. Le système bancaire du
Canada, contrairement à celui de l’Islande, est solide, et l’économie
canadienne qui repose notamment sur des ressources naturelles très prisées
sur le marché est l’une des plus stables et prévisibles du monde
industrialisé. À cela
s’ajoute le fait que le Canada n’est pas embourbé dans une crise de la dette
souveraine comme le seront pour plusieurs années les pays de l’Europe, voire
les États-Unis.
Bien que
l’affaire soit loin d’être certaine, le diffuseur public de l’Islande, RUV, a
rapporté que l’ambassadeur canadien au pays, Alan Bones, aborderait la question
ce samedi. Le diplomate doit prendre la parole pendant une rencontre du Parti
progressiste, où il devrait leur dire que les Islandais pourront adopter le
huard s’ils le souhaitent. Selon RUV,
l’ambassadeur devrait s’adresser au parti de l’opposition qui a évoqué l’idée
d’adopter la devise canadienne et lui mentionner qu’Ottawa est prête à
entreprendre les négociations en ce sens si les Islandais le désirent.
Toutefois,
le ministère canadien des Affaires étrangères à Ottawa a diffusé, en fin de
journée vendredi, un communiqué précisant que l’ambassadeur ne participerait
pas à la convention sur la monnaie à Reykjavik, ajoutant qu’il « n’abordera
pas cette question ». Plus tôt
en journée, un porte-parole du ministère des Finances avait indiqué que le
gouvernement ne spéculait pas sur les devises des autres pays. L’économiste
de la Banque
de Montréal Douglas Porter croit qu’une telle idée pourrait se réaliser.
L’Islande devrait s’assurer d’acheter suffisamment de devises canadiennes pour
que le processus fonctionne, ce qui devrait mettre une plus grande pression sur
le huard.
Les
retombées seraient malgré tout plutôt minces de notre côté de l’Atlantique,
ajoute M. Porter, la population de l’Islande n’étant que de quelque 317 000
personnes, tandis que son économie représente moins d’un pour cent de celle du
Canada. Une telle
démarche s’est déjà vue par le passé. Le Salvador et l’Équateur ont tous deux
adopté le dollar américain il y a une douzaine d’années, et le Kosovo
fonctionne avec l’euro. « Très
franchement, je pense que nous devrions prendre cela comme un compliment. Je
sais que tout le monde perçoit l’Islande comme un cas désespéré, mais les
choses commencent à changer », a observé M. Porter. « Le fait que les
gens parlent d’une telle option prouve que nous avons parcouru du chemin depuis
dix ans. »
On aurait
en effet mal imaginé cette démarche il y a dix ans, alors que le huard ne
valait que 62 cents américains, les Canadiens songeant eux-mêmes à se défaire
de leur devise. Dans le
cas de l’Islande, le fait que le pays n’aurait aucun mot à dire sur l’élaboration
de la politique monétaire comme les taux d’intérêts serait problématique.
Tout ajustement nécessaire face à un ralentissement économique ou une inflation
se ferait aux dépens des autres leviers, comme l’emploi et le revenu, plutôt
que l’ajustement de la devise. Il s’agit là d’une piètre option pour plusieurs
pays.
Mais avec
la chute continue de la couronne islandaise, de même que le contrôle de la
devise toujours en vigueur, les Islandais n’ont pas d’attachement particulier à
leur monnaie. L’économiste
de l’Université de Reykjavik Olafur Isleifsson a toutefois mentionné dans un
courriel que les Islandais ne se tourneraient pas forcément vers le huard si
leur couronne devait être délaissée. « Certains
groupes liés à la communauté d’affaires se positionnent en faveur du dollar
canadien. Personnellement, je ne crois pas que ce soit une avenue
réaliste », a-t-il écrit, ajoutant que l’euro était le choix naturel.