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Une manifestation Étudiante historique

Tandis que les organisateurs ont
décrit cette manifestation monstre comme un événement « historique »,
les forces policières ont dressé un bilan « très positif » de cette
marche, à l’issue de laquelle aucune arrestation et aucun méfait n’ont été
signalés. Autant du
côté de la Coalition
large de l’ASSÉ (CLASSE) que de la Fédération étudiante universitaire du Québec
(FEUQ), on parlait d’une foule de « plus de 200 000 personnes ». Le
Service de police de Montréal (SPVM), pour sa part, estime que le nombre de
participants tournait plutôt autour de 100 000,

mais souligne qu’il s’agit
néanmoins de l' »une des plus grosses manifestations des dernières années
au centre-ville de Montréal ». Selon les
organisations étudiantes, 300 000 étudiants étaient en grève, jeudi. La marche,
qui s’est déroulée dans la bonne humeur, a été continue: même devant leurs
traditionnels points de rassemblement, comme le bureau du premier ministre Jean
Charest ou ceux de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec, les étudiants ne se sont pas arrêtés.

Il faut
dire que les policiers à cheval, à bicyclette, à pied et dans divers véhicules
étaient là pour surveiller non seulement la manifestation, mais aussi les lieux
« névralgiques », sans compter les services de sécurité visibles à
l’extérieur et à l’intérieur de plusieurs édifices. D’autre
part, le fait que les organisations étudiantes eurent cette fois consenti à
fournir l’itinéraire de la marche a facilité le travail des forces de l’ordre,
a indiqué le sergent Ian Lafrenière, du SPVM.

« Ça
nous a permis de bien encadrer la foule, de bien fermer les rues et de
minimiser l’impact sur la situation. Le résultat, c’est qu’il n’y a pas eu
d’arrestations, pas de méfaits, une foule record et un dénouement très
positif », a-t-il exposé. Les
leaders étudiants qui ont pris la parole à l’issue de la manifestation ont
exhorté les étudiants à poursuivre la lutte, et ce, même si le gouvernement se
montre intraitable. Et s’il s’est dit « enthousiaste » et
« motivé » de constater l’ampleur de la manifestation de jeudi
après-midi, le coporte-parole de la
CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, a invité la foule à multiplier
et à diversifier les moyens d’action.

« Si
on veut gagner, si on veut faire mentir ceux qui disent qu’on va s’essouffler,
il va falloir collectivement aller plus loin (…). Il va falloir perturber. Il
va falloir occuper. Il va falloir que ça brasse au Québec », a-t-il lancé,
déclenchant un tonnerre d’applaudissements. Et selon
M. Nadeau-Dubois, Jean Charest ne peut plus continuer à ignorer les
revendications des mouvements étudiants. Son gouvernement, a-t-il affirmé en
entrevue, a « une crise politique majeure à gérer », et la
« démonstration de force incroyable » de jeudi n’était que « le
début » de la mobilisation étudiante.

La
manifestation, qui a engorgé le centre-ville de Montréal, était le point
culminant de la campagne contre la hausse des droits de scolarité, qui a commencé
il y a plus d’un mois. En fait, dès le budget du printemps 2011 de Raymond
Bachand où ces hausses avaient été annoncées, les premières protestations
s’étaient fait entendre. Les premières grèves étudiantes ont débuté il y a
environ un mois. Elle a
attiré majoritairement des étudiants du secondaire, des cégépiens et des
universitaires, mais aussi plusieurs familles et quelques personnes âgées.
Faute de marcher à leurs côtés, Christiane Sibillotte, âgée de 95 ans, a
regardé le cortège déambuler à l’ombre de la Grande Bibliothèque,
rue Berri.

« L’éducation,
c’est vraiment l’avenir du Québec, alors c’est impensable de créer des
conditions qui empêchent les étudiants de familles défavorisées de fréquenter
l’université. Tout le système est bancal, mal organisé, et je pense qu’il y
aurait moyen de s’arranger autrement si le gouvernement était plus ouvert. Le
premier ministre Charest est vraiment intraitable », a-t-elle déploré. Leaders
étudiants, manifestants et politiciens ont décoché de nombreuses flèches à
l’endroit du gouvernement Charest tout au long de la journée. Mais un autre
message, celui de l’importance de ne pas baisser les bras, a teinté les
discours qui se sont tenus aux abords de la place Jacques-Cartier, dans le
Vieux-Montréal, où la marche a pris fin.

« On
avait dit qu’on allait commencer un printemps étudiant comme on avait eu dans
le monde arabe. Ce printemps, il est arrivé, et ce n’est qu’un début. À compter
des prochains jours, il va falloir augmenter la pression sur le gouvernement
Charest », a lancé Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ). Le
gouvernement, estime le député solidaire Amir Khadir, affiche un
« mépris » qui « raffermit la volonté des étudiants » et fait
fausse route en choisissant de faire fi des revendications étudiantes. Le
coporte-parole de Québec solidaire, qui a pris part à la manifestation avec
l’une de ses filles, s’est dit fier de voir « qu’autant de jeunes se
tiennent debout malgré l’absence d’écoute ».

Jeudi
matin, la chef de l’opposition officielle Pauline Marois, qui s’oppose aux
hausses annoncée, avait accusé Jean Charest de « faire preuve de
faiblesse » en refusant de dialoguer avec les jeunes. Le premier
ministre fait valoir, de son côté, que les leaders étudiants ont tort d’accuser
le gouvernement de faire la sourde oreille, eux qui avaient claqué la porte de
la « Rencontre des partenaires de l’éducation » en 2010 pour ne pas
débattre de l’augmentation des frais de scolarité.

« Ils
ont choisi de boycotter la discussion, malheureusement. Depuis, nous avons fait
une réflexion. Nous avons fait un choix fondé sur notre volonté d’avoir un
système d’enseignement postsecondaire de calibre mondial et de se donner les
moyens pour y parvenir », a dit M. Charest jeudi matin.

ACTIONS MATINALES

Avant la
manifestation, environ 250 étudiants avaient marché sur le port de Montréal et
bloqué les rues de l’est de Montréal qu’ils sillonnaient sur leur passage, de 8
h 30 à 11 h. Réunis d’abord au métro Berri-UQAM, ils se sont divisés en deux
groupes, le plus gros contingent allant prendre le métro direction est jusqu’à
l’entrée des camions du port de Montréal. Ils ne
sont restés au port que quelques minutes, le temps de provoquer un certain
engorgement, les lourds camions transportant les conteneurs faisant la file en
attendant d’entrer dans le port. Les manifestants ont parfois bloqué toute la
rue Notre-Dame, directions est et ouest.

Après
s’être réunis au port, ils ont marché dans les rues de l’est de Montréal sur au
moins cinq kilomètres, revenant au port de Montréal, puis se redirigeant vers
l’ouest, au centre-ville. Le tout semblait improvisé. Plusieurs étudiants
interrogés ont avoué qu’ils ignoraient eux-mêmes où ils s’en allaient et ne
faisaient que suivre un leader qui montrait la voie. Des
manifestations ont aussi eu lieu à 7 h au Collège Ahuntsic, dans le nord de
Montréal, et une autre à 7 h 30 devant les bureaux montréalais du premier
ministre Jean Charest.

La journée
de jeudi devait prendre fin par des spectacles au Métropolis et au National de
Montréal, qui regroupera des artistes dont Paul Piché, Dan Bigras, Martin Léon,
Jérôme Minière, Paul Ahmarani, Chloé Ste-Marie, Manu Militari, Nomadic Massive,
Ivy et Paul Cargnello. D’autres
manifestations étudiantes doivent se tenir à Montréal et en région dès le 27
mars. Le 4 avril aura lieu un rassemblement dans la circonscription électorale
de Jean Charest, à Sherbrooke, « pour montrer (au premier ministre) qu’on
va le menacer jusque chez (lui) », a lancé Léo Bureau-Blouin.