Les
enseignants, dont les représentant tenaient vendredi une conférence de presse
au Collège Ahuntsic, à Montréal, reprochent surtout à la ministre de leur avoir
transférer la responsabilité de mettre fin au conflit, en refusant le dialogue
avec les étudiants et en exigeant la reprise des cours. « Ce
n’est pas à nous de décider si le conflit doit se terminer, a indiqué un de
leurs porte-parole, Sébastien Paquin-Charbonneau, professeur de science
politique au Collège Ahuntsic.
Ce n’est pas sur nos épaules (qu’on doit faire)
reposer la fin de ce conflit, qui est carrément une tentative de forcer une fin
de conflit, avec l’essoufflement du mouvement étudiant, avec les injonctions et
avec un retour forcé. « D’un
côté, nous avons un contrat de travail dans lequel on peut nous dire clairement
‘vous devez rentrer travailler à telle heure, tel jour’. Et de l’autre côté,
nous avons des votes qui sont pris par des assemblées générales étudiantes qui
sont, elles aussi, légales. (…) La ministre vient de transférer sur nos
épaules un poids immense, c’est-à-dire le poids de décider si on traverse ou
non ligne de piquetage », a-t-il ajouté.
Selon ces
enseignants, le refus de la ministre Beauchamp d’ouvrir un dialogue l’a placée
dans une position où elle ne peut plus reculer sans perdre la face
politiquement, et il est donc nécessaire qu’elle quitte ses fonctions pour être
remplacée par un interlocuteur valable. D’autre
part, les enseignants estiment que le climat de tension qui risque d’être créé
par une obligation de donner les cours et, donc, de franchir les piquets de
grève des étudiants ne permettra pas l’exercice de leurs fonctions dans des
conditions acceptables.
« Les
événements récents nous montrent, que ce soit à Valleyfield, Concordia ou
l’Université de Montréal, qu’on ne peut pas avoir à l’heure actuelle un climat
propice à l’enseignement de qualité qui nous permettrait de faire notre
travail », a déploré Lilian Wolfelsberger, enseignant au Collège de
Saint-Jean-sur-Richelieu. La
ministre Beauchamp continue par ailleurs d’être elle-même la cible des
étudiants. Vendredi matin, ses bureaux de circonscription à Montréal-Nord ont
été saccagés par une quinzaine de manifestants qui s’y étaient introduits par
effraction.
Vers 8 h
30, deux vitrines de portes de son bureau ont été fracassées et les
manifestants, qui avaient ainsi pu accéder aux bureaux, se sont livrés à de
nombreux actes de vandalisme. Les
manifestants avaient pris la fuite lorsque les policiers se sont présentés sur
place, mais ces derniers ont tout de même procédé à l’arrestation « pour
introduction par effraction » de la seule personne qui était toujours sur
les lieux, soit le journaliste Philippe Teisceira-Lessard, du quotidien La Presse. Les policiers
ont du même coup saisi son téléphone, avec lequel il aurait pris des photos.
« Nous
allons regarder les images mais si ce jeune homme n’a absolument rien fait à
l’intérieur et n’a fait que son travail, les images qu’il a faites pourront le
disculper », a indiqué l’agent Daniel Lacoursière, du Service de police de
la ville de Montréal (SPVM). Certains
des manifestants qui avaient fui ont été rattrapés un peu plus loin et six
personnes ont été arrêtées, dont un photographe de La Presse, qui a été relâché
par la suite. Philippe
Teisceira-Lessard a également été remis en liberté mais sous condition, pendant
que l’enquête à son sujet se poursuit.
Le
président de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, Brian Myles, est sorti de ses gonds
face à cette démarche policière, faisant valoir que le journaliste ne faisait
que son travail. « On
enquête sur un journaliste, on le dit sur une scène de crime, on le soupçonne
d’entrée par effraction… C’est du pur délire! » s’est insurgé M. Myles,
qui qualifie d’abusive la saisie du matériel de M. Teisceira-Lessard. « Les
policiers nous parlent souvent de leur pouvoir discrétionnaire mais, pour
appliquer ce pouvoir, il faut faire preuve de discernement et dans le cas qui
nous occupe, il y a un manque flagrant de discernement », a-t-il poursuivi.
À Québec,
pendant ce temps, la ministre Beauchamp a fait savoir, par la voix de sa
porte-parole, qu’elle dénonçait « tout acte de vandalisme et
d’intimidation ». Elle estime que les actes de saccage commis à son bureau
dépassent le mouvement étudiant pour ressembler davantage à des gestes de
« perturbation sociale ». Quant à
lui, le ministre de la
Sécurité publique, Robert Dutil, exhorte tous les leaders
d’opinion à prendre position publiquement pour dénoncer toute forme de
violence.
« Tous
les leaders de la société actuellement doivent se prononcer pour dénoncer la
violence, quelle que soit leur position » sur les hausses de droits de
scolarité, a-t-il commenté lors d’un entretien téléphonique, pointant du doigt
les éléments qui se sont joints aux contestataires étudiants pour créer un climat
de perturbation.