MD – En début de mandat, j’ai reçu une formation pour bien passer dans les médias. Et pendant le conflit, j’ai toute une équipe qui travaille derrière moi. Cela requiert de la pratique, bien entendu, mais quand on est constamment devant les médias, on finit par développer notre propre style.
JM – Les sondages ont-ils été un outil pertinent pour les associations? Avantage ou nuisance?
MD – Souvent un sondage invalidait ou contredisait un autre. Par exemple, un sondage sorti le 22 mars révélait qu’on avait perdu l’appui de la population, tandis qu’en avril, deux autres sondages se sont contredits en moins de 48 heures. Or, bien qu’ils permettent un coup de sonde, on les a observés, mais ils n’ont pas mené la campagne.
JM – Comment arrives-tu à décrocher en ces temps fous?
MD – Je n’ai pas beaucoup de temps pour déconnecter [rires]. Je pense que le dernier livre que j’ai lu – que je n’ai d’ailleurs sans doute pas terminé – date de Noël et doit encore traîner quelque part. Mais, comme j’habite au bord du canal Lachine, j’aime sortir prendre l’air et marcher un peu…
JM – As-tu été confrontée à des conflits idéologiques dans ton entourage?
MD – Comme on n’a pas beaucoup de temps pour nous, on ne passe pas beaucoup de temps avec nos proches. Cela crée des tensions en soi. Quant aux rencontres familiales, il m’a fallu en sauter quelques-unes… J’ai senti des frictions au début du conflit. Mais j’attribuerais plutôt cela à de l’incompréhension. Plus le conflit évoluait, plus je me sentais comprise et épaulée : mes proches ont fini par comprendre quel était mon rôle et pourquoi j’étais là. Maintenant, même mes grands-parents qui habitent dans le Bas-du-Fleuve sont devenus de fervents défenseurs des droits de scolarité!
JM – En une phrase, quel message voudrais-tu livrer à ces trois groupes? La majorité silencieuse?
MD – Je les invite à se manifester dans les discussions et les assemblées générales. Sans descendre dans la rue pour autant, ces gens pourraient profiter des différentes tribunes pour verbaliser leurs idées. C’est toujours constructif d’avoir des débats très animés.
JM – Les profs?
MD – Je veux les remercier pour leur appui précieux tout au long du conflit, et encore. Ils ont été nombreux à se mobiliser, souvent de manière très affichée, même. Sans eux, il aurait été difficile de faire valoir notre point de vue. Ils ont joué un grand rôle dans le conflit en démontrant entre autres qu’il n’y avait pas que les étudiants qui étaient contre la hausse. Et le fait qu’ils aient souvent débattu dans les assemblées publiques a ajouté beaucoup de crédibilité au mouvement.
JM – Les administrations?
MD – Les administrations collégiales ont été, d’après moi, les plus grandes « victimes » dans ce conflit. Beaucoup d’entre elles ont travaillé en collaboration avec les associations étudiantes pour calmer les tensions, mais comme elles ne sont pas à la tête des universités, elles se sont avérées impuissantes. Elles ont subi l’ensemble des contrecoups de la crise, avec les injonctions surtout.
Les
administrations universitaires, elles, sont restées plutôt muettes. Elles sont
sorties de l’ombre quelques fois pour se défendre face à des scandales
financiers; celui de Chicoutimi, de l’Université Laval et de Concordia, par
exemple. Finalement, ça leur a plutôt nui, surtout lors de l’annonce de la
Loi 78… Et comme il faut montrer patte blanche en de telles
circonstances, elles sont vite retournées dans l’ombre. Or, je pense qu’elles
auraient plutôt dû profiter des moments d’accalmie pour sortir sur la place publique
et ainsi faire connaître leurs besoins.