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Les Étudiants et le salut nazi

Des
manifestants ont parfois eu recours au geste controversé lors de récents
rassemblements afin de dénoncer la brutalité des interventions du Service de
police de la Ville
de Montréal (SPVM), qu’ils ont rebaptisé « SSPVM », en référence à la
police d’Adolf Hitler. Des
pamphlets contre les forces de l’ordre arborant des croix gammées ont également
été distribués. Même si
l’objectif des manifestants est d’insulter le SPVM et non d’exprimer leur
soutien au nazisme, B’nai Brith Canada soutient que ce n’est pas une bonne
raison pour reprendre ces symboles du régime hitlérien.

L’organisation
a décidé d’émettre un communiqué contre cette pratique mardi, qui aurait été le
83e anniversaire de naissance de la jeune auteure Anne Frank, décédée dans un
camp de concentration. Selon
B’nai Brith Canada, ces gestes constituent une injure à la mémoire de ceux qui
sont morts durant l’Holocauste, de ceux qui y ont survécu et de ceux qui se
sont battus contre les nazis durant la Deuxième Guerre
mondiale. « Nous
condamnons vivement cet inexcusable étalage de haine lors des manifestations
étudiantes au Québec qui a scandalisé la communauté juive et montre à quel
point le débat public dans les rues de Montréal est tombé bas », a déclaré
le chef de la direction du groupe, Frank Dimant, dans le communiqué.

« Les
gestes des manifestants, qu’ils visent à insulter la police ou à attirer
l’attention sur leur cause, constituent une injure à la mémoire des victimes de
l’Holocauste et rappellent avec quelle rapidité l’antisémitisme et la haine
peuvent se retrouver sur la place publique. » Des photos
de manifestants faisant le salut hitlérien ont circulé sur les médias sociaux,
choquant et indignant de nombreux internautes. Les clichés ont été mis en ligne
dernièrement, souvent sans mise en contexte, ce qui en a poussé plusieurs à se
demander pourquoi les étudiants québécois exécutaient le salut hitlérien.

Un
touriste allemand de passage à Montréal durant le week-end a confié à un
journaliste de La
Presse Canadienne qu’il avait été choqué de voir des gens
faire le salut nazi sur la rue Crescent. Dans
certains pays, comme l’Allemagne et l’Autriche, le geste lui-même et les autres
symboles du nazisme sont illégaux. L’an dernier, un Québécois a d’ailleurs été
arrêté après avoir fait le salut sur les marches du Reichstag à Berlin
pour une photo. Le salut
hitlérien n’est pas illégal au Canada.

Sur son
compte Twitter, la CLASSE
a demandé que cesse cette pratique. « Même
s’il s’agit de blagues, les références aux nazis lors des manifestations
doivent cesser », a écrit l’organisation reconnue comme étant la plus
radicale. La Fédération des étudiants universitaires du
Québec (FEUQ) a aussi manifesté son inconfort en communiquant directement avec
le B’nai Brith. « Nous
avons offert nos excuses parce que ça créait un malaise de part et
d’autre », a confirmé la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins. « Je leur ai dit
que pour nous, ça ne représentait pas les valeurs québécoises et canadiennes et
nous pensons, effectivement, qu’il s’agit d’une erreur de jugement que d’avoir
utilisé ce signe. »

Le Centre
consultatif des relations juives et israéliennes estime pour sa part que le
recours à ce geste durant les manifestations montréalaises ne relève pas de la
haine mais bien de l’ignorance. « Il
ne faudrait surtout pas penser que ces saluts nazis expriment de la sympathie
pour le nazisme ou de l’antisémitisme », a indiqué le porte-parole David
Ouellette. « Je
crois qu’ils témoignent plutôt d’un manque de connaissance de l’histoire et
surtout de la rhétorique exagérée et hyperbolique qui caractérise ce conflit
depuis plusieurs mois. »

D’après
Audrey Licop, la porte-parole du Centre commémoratif de l’Holocauste à
Montréal, le salut fasciste était utilisé par les nazis dans les années 1930 et
obligatoire pour tous les citoyens de l’Allemagne nazie. Mme Licop
a précisé qu’il était toujours en vigueur au sein de plusieurs organisations
néo-nazies. « Le
geste est choquant parce que nous sommes des historiens et que nous savons
qu’il ne s’agit pas du même contexte historique ou politique », a-t-elle
expliqué. « Mais le problème est que son utilisation constitue un profond
manque de respect pour les victimes du nazisme et le génocide des juifs durant la Seconde Guerre
mondiale. »

M. Dimant
a résumé la chose de manière encore plus directe. « On
parle ici de la police de Montréal, pas des nazis », a tranché le dirigeant
de B’nai Brith Canada en entrevue. « Et
essayer d’établir une comparaison entre les deux, c’est ridiculiser
l’Holocauste. »