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Guilda, la reine des travestis s’Éteint

Au moment d’écrire ces lignes, le 28 juin on ignorait
encore la cause de son décès. Rappelons qu’il a été hospitalisé dimanche dernier.
Jean-Claude Germain a déjà dit à son propos qu’à l’âge d’or des cabarets, il
était la plus belle femme de Montréal. Sa vie durant, l’artiste parlait de son
personnage à la troisième personne. Au point de créer un certain problème
identitaire qui ne sera pas facile à assumer jusque dans sa vie privée. Il est
né à Paris en 1924 sous le nom de baptême de Jean Guida de Mortellaro.

Il avait
du sang bleu dans les veines, puisqu’il était fils de comte. Un milieu familial
aisé. Sa grand-mère était propriétaire d’une chaîne d’hôtels de renom. C’est
une famille bourgeoise avec des principes rigides en matière d’éducation. Qui
provoquera chez le jeune adolescent une réaction de rébellion, au point que, dès l’âge de 14 ans, il abandonnera sa famille pour se faire embaucher dans une troupe de
ballet de Monte-Carlo. Notons pour la petite histoire qu’il prendra des cours
de peinture et d’art dramatique avec nulle autre que Françoise Rozay.


TRAQUÉ
PAR LA GESTAPO

Sa vie est un véritable roman. Au cours de la Seconde guerre mondiale,
sa tête sera mise à prix par la
Gestapo parce qu’il cachait des juifs. À la fin des
hostilités, il retournera vivre à Paris et se mettra alors à faire des figurations.
C’est ainsi qu’il se trouvera sur le plateau des « Enfants du paradis »
de Marcel Carné. C’est à ce moment que lui vient le goût du déguisement.
Tellement que pour ce film, il changera douze fois d’aspects. Autant de
figurations à lui seul. Même qu’il sera demandé pour doubler des comédiennes.
Et la réaction des gens l’enchante. Ce sera le début d’une carrière à nulle
autre pareille dans la peau d’une femme.

AVEC
MISTINGUETT

La grande Mistinguett lui fait la faveur de
l’admettre dans la troupe de ses revues. Une collaboration qui durera six ans, au cours de laquelle une tournée sera entreprise, qui va le conduire aux
États-Unis et au Québec. Nous sommes en 1952. Ce n’est que deux ans plus tard
qu’il s’installera chez nous pour de bon. Dans les cabarets, outre le fait
qu’il stupéfiait les spectateurs en étant la plus belle qui soit, il usait d’un
langage assez cru. Mais il savait enrober son propos de tournures faites avec
finesse qui en faisaient un artiste de classe. Avec lui la vulgarité était de
couleur rose. Les femmes n’en revenaient pas de voir un homme prendre la peau
d’une si jolie femme et les hommes un peu éméchés ne savaient plus trop faire
la différence. Guilda est aux anges.

UNE
VIE PRIVÉE COMPLEXE

Guilda ne voulait pas être strictement
identifié au milieu homosexuel, ce qui ne l’a pas empêché de se produire dans
des boîtes gaies après la fermeture des cabarets. Et d’ailleurs, sur le plan de la
vie affective, il a longtemps entretenu le mystère, gai, hétéro, bi…?  Tantôt il affirmait s’être marié trois
fois… avec des lesbiennes, parfois c’était quatre unions maritales. Ce n’est que
beaucoup plus tard qu’il reconnaîtra que sa vie amoureuse n’aura pas été un
grand succès. Guilda avait ce problème qu’il s’entichait d’hommes hétérosexuels
qui eux, s’attachaient à la femme qu’il représentait! Jolie casse-tête. Il
multiplia la complexité de sa vie amoureuse en adoptant un de ses danseurs,
Yvan, avec qui il eut une liaison. Ce dernier mourra quelques années plus tard
du sida, ce qui le laissera dévasté.

STAR
AU THÉÂTRE DES VARIÉTÉS

Gilles Latulippe le disait souvent, il a
fait ses plus belles soirées du Théâtre des Variétés lorsqu’il recevait Guilda
et les siens. C’était à guichets fermés. Le public revivait les heures de
gloire de ce transformiste de génie et si spirituel. Tout comme Guilda sera
ravi de l’invitation qui lui sera faite par le réalisateur Jean Boisvert de
Radio-Canada, à venir participer à l’émission « Les Grands Esprits »
animée par Edgar Fruitier, où il incarnera le Chevalier d’Éon. Comme il savait
lancer des réparties comme d’autres respirent, sa présence sera grandement
remarquée.

ARTISTE
PEINTRE

Dans les dernières années de sa vie, fort
des enseignements reçus dans sa jeunesse, il se consacrera à la peinture,
organisant ça et là des expositions. À l’âge de 75 ans, son cœur fera des
siennes et il espacera ses sorties. Un an plus tard, il fera son coming out.
Peut-être voulait-il ainsi soulager sa conscience avant le grand départ. C’est
un grand professionnel qui nous fait ses adieux et qui aura marqué plusieurs
générations de spectateurs. C’est la mort de Guilda et de son double.

FUNÉRAILLE DE GUILDA 

Mise à jour Vendredi le 6 juillet

C’est
ce matin à 11 h, en l’église Saint-Viateur d’Outremont, qu’auront lieu les
funérailles de Jean Guilda, le plus célèbre travesti de l’histoire du monde du
spectacle au Québec.

Ce sera l’occasion de rendre un dernier
hommage à ce personnificateur de génie. Le pianiste Richard Abel n’est pas près
d’oublier la dette qu’il a envers lui, à cette Guilda qui lui a donné sa
chance. « Guilda à l’occasion d’un changement de costume qui s’étirait
dans le temps, m’avait demandé de jouer une pièce en solo. Et c’est comme ça
que j’ai eu l’opportunité de me faire valoir à mes débuts ». Par après il
aura la chance de l’accompagner durant une année.


VÉRITABLE ÉCOLE DU SPECTACLE

Richard s’empresse d’ajouter que contrairement à ce que l’on pourrait penser,
Guilda après les spectacles, ne menait pas une vie dissolue. Bien au contraire.
« Lorsqu’on allait en tournée en province, après les shows, Guilda se
retirait dans sa chambre avec un bon livre. Il lisait énormément d’ouvrages
historiques. Il était très cultivé et déplorait l’absence du plaisir de la
connaissance chez plusieurs ». Et en évoquant les tournées dans des cabarets
souvent mal équipés, est-ce que l’artiste laissait libre cours à ses caprices ?

« Jamais de la vie, ajoute le pianiste. Avec le temps il s’était fait à
l’idée. Il s’assurait toutefois que le spectateur puisse jouir d’une
présentation de qualité. »  En fouillant
dans ses souvenirs, il se souvient que Guilda, fait rare, réussissait à capter
l’attention des spectateurs des cabarets, réputés inattentifs, par le seul fait
de la belle femme qu’il offrait à leurs yeux. Du coup les gens écoutaient ses
réflexions souvent d’un assez haut niveau. Comme quoi il avait le public bien
en main.


SON
DERNIER SPECTACLE

De son côté le journaliste et producteur
Roger Sylvain, revendique à juste titre d’avoir été le dernier à l’avoir
présenté sur une scène. « Guilda a fait son dernier spectacle à vie avec
moi. C’était en 2006 à Mirabel pour les Chevaliers de Colomb. Et je n’oublierai
jamais qu’à un moment donné de sa prestation, il s’est arrêté tout net et a
balayé longuement la salle du regard. Et il a ajouté « Vous vous demandez
sans doute pourquoi je vous regarde ainsi, c’est que je sais que c’est pour la
dernière fois ». Un grand moment d’émotion.

Il précise qu’autant la Guilda pouvait être
« bitch » dans son personnage de femme fatale, autant l’homme à la
ville causait très peu. Guilda nous a ému plusieurs fois en carrière. Sa
dernière émotion elle nous la réserve pour ce dernier rendez-vous d’amour.
Sachons être nombreux à lui dire merci ce matin pour toutes ces belles années à
nous divertir.

LES FUNÉRAILLES DE GUILDA

VENDREDI 6 JUILLET 11 H

ÉGLISE SAINT-VIATEUR D’OUTREMONT

Une heure avant la
cérémonie, la famille recevra les condoléances à l’église. Le grand public est
invité. Jean Guida de Montellaro,
qui se faisait appeler Guilda, est décédé le 27 juin
dernier à l’hôpital Notre-Dame de Montréal. Il était âgé de 88 ans. Il était né à Avignon
(France), le 21 juin 1924. C’est
après s’être installé au Québec au milieu des années 1950 que Guilda s’est fait
connaître dans les cabarets et au petit écran pour son habileté à imiter les
femmes.

Il laisse dans le deuil sa
fille Gaye, ses petits-enfants Pierre et Leia et ses arrières petites-filles
Christina et Sara. Guilda laisse aussi dans le deuil ses sœurs Hélène,
Mireille, Christiane et Simone. L’église Saint-Viateur
d’Outremont est située au 1175 avenue Laurier Ouest, à Montréal (Outremont).

SE RENDRE

SAINT-VIATEUR-D’OUTREMONT

183, av.
Bloomfield
Outremont, Québec
H2V 3R5

Veuillez noter que l’entrée
principale de l’église se situe au 1175 Laurier Ouest.

tel.: (514) 495-2773