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Commission charbonneau : systÈme de ristournes au fonds de solidaritÉ

Un système de pots-de-vin facilitant l’accès aux dirigeants et au capital d’investissement de ce fleuron de l’économie québécoise est au coeur de l’enquête, a appris Le Devoir. Au cours
des derniers jours, une équipe de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion
des contrats publics dans l’industrie de la construction (commission
Charbonneau) a rencontré les dirigeants du Fonds de solidarité de la FTQ. « Oui, il y a eu des
rencontres et on a apprécié l’opportunité d’éclaircir certains faits avec les
enquêteurs de la commission »,

a affirmé hier le porte-parole du Fonds, Patrick
McQuilken, qui a refusé de donner des détails sur les discussions. « En temps
et lieu, si nécessaire, devant la commission, on va rendre ces précisions
publiques », a-t-il ajouté.

Selon les
informations recueillies par Le Devoir, des joueurs clés, notamment de la FTQ-Construction,
auraient servi d’intermédiaires auprès d’importants entrepreneurs pour assurer
que les demandes de soutien financier de ces derniers reçoivent une oreille
attentive. En contrepartie d’une généreuse « commission » ou ristourne, ceux
qui servaient de passerelle pour atteindre les décideurs auraient ainsi
accéléré le processus d’analyse ou l’auraient contourné lorsque les dossiers ne
correspondaient pas aux critères d’admissibilité officiels.

Michel Arsenault, président de la FTQ et du Fonds de solidarité, a
toujours nié les allégations de corruption à son égards. Selon certaines
rumeurs, M. Arsenault aurait reçu un pot-de-vin d’une valeur de 300
000$ de la part du présumé membre de la mafia Domenico Arcuri.

Au fil des
ans, le système aurait pris des allures d’une guerre de pouvoirs entre deux
clans, chacun tentant de s’imposer pour le contrôle de ce qui apparaît comme
une immense source de revenus. Des millions de dollars sont en jeu. « C’est
tabou d’en parler », a indiqué au Devoir une source qui a requis l’anonymat
pour éviter les représailles, mais aussi pour ne pas nuire aux travaux de la
commission Charbonneau.

INFILTRATION DU CRIME ORGANISÉ

Parmi les
personnes qui orchestraient la circulation des demandes de financement,
certaines seraient liées au crime organisé. Depuis trois ans, des informations
à cet égard ont d’ailleurs filtré dans des médias. Radio-Canada a notamment
révélé, il y a deux ans, le cas de trois entrepreneurs qui voulaient faire affaire
avec le Fonds mais qui avaient dû faire face à une demande de pots-de-vin pour
y parvenir.

« Il y a
beaucoup d’inexactitudes qui ont été rapportées au sujet du Fonds de solidarité
au cours des dernières années », a affirmé au Devoir Patrick McQuilken. « Comme
toutes les institutions financières, le Fonds de solidarité est sujet à des
tentatives d’infiltration du crime organisé, mais on met en place des
mécanismes et des mesures pour se protéger », a-t-il ajouté. M.
McQuilken a soutenu que « tous les projets sont passés par un processus
régulier d’évaluation ». Il a également dit ne pas avoir connaissance de
l’existence d’intermédiaires qui vendaient leur influence.

En
novembre 2010, le président de la
FTQ, Michel Arsenault, qui préside également le Fonds de
solidarité, demandait, après s’être fait tirer l’oreille, que le gouvernement
du Québec tienne une enquête publique sur l’industrie de la construction. Au
cours de la même conférence de presse, M. Arsenault avait été questionné sur un
possible système de ristournes, se faisant même demander s’il en avait été la
cible. « Je n’ai jamais eu d’offre de pot-de-vin de quelque nature que ce soit
», avait-il affirmé.

Des
rumeurs circulaient alors sur sa rencontre avec un présumé acteur de la mafia
(selon l’opération policière Colisée), Domenico Arcuri. Ce dernier est
propriétaire de l’entreprise Carboneutre, spécialisée dans la décontamination.
M. Arcuri souhaitait alors que le Fonds de solidarité investisse dans son
entreprise. Une offre de 300 000 $ aurait été faite à M. Arsenault en échange
d’une attention particulière à son projet. Michel Arsenault a toujours nié ces
allégations.

En avril
2009, le même Domenico Arcuri a participé à une activité de financement du
Parti libéral du Québec. Comme l’a révélé La Presse, l’invitée à cet événement ne rassemblant
qu’une vingtaine de personnes était l’ex-ministre Line Beauchamp, alors
responsable de l’environnement.

FILATURE INTERROMPUE

L’enquête
de la commission Charbonneau sur le Fonds de solidarité s’appuie entre autres
sur les informations recueillies lors de l’opération Diligence. Cette enquête
de la Sûreté
du Québec (SQ) s’est penchée sur les activités criminelles dans le monde de la
construction. Elle a notamment conduit, en 2009, à l’arrestation et la
poursuite du motard Normand « Casper » Ouimet, le chef présumé d’un réseau de
blanchiment d’argent. Diligence a également permis la mise en accusation de
Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ-Construction,
pour fraude et vol envers le syndicat (dépenses exorbitantes).

C’est dans
le cadre du travail d’enquête concernant M. Dupuis que la SQ a procédé à la filature
d’Eddy Brandone, l’ex-trésorier de la FTQ-Construction.
Radio-Canada a révélé plus tôt cette semaine que la filature
de M. Brandone, qui est un militant libéral de longue date, a été interrompue
moins de 30 minutes après qu’il eut discuté avec le premier ministre Jean
Charest lors d’un événement concernant les communautés inuites.

L’indépendance
de la SQ face au
pouvoir politique a aussitôt été remise en question. Selon la SQ, « une décision
opérationnelle » est à l’origine de l’interruption de la filature. Quant à
Jean Charest, il s’est indigné qu’on ait pu laisser entendre qu’il était
intervenu. Les
audiences publiques de la commission Charbonneau reprendront le 17 septembre
prochain.

Source:
LeDevoir