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Le film islamophobe fait quatre morts

Les ambassades américaines ont été attaquées notamment au Yémen et au Soudan,
où l’ambassade allemande a aussi été partiellement incendiée. En Égypte,
le nouveau président, Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans, est intervenu
à la télévision pour exhorter les musulmans à ne pas s’en prendre aux
ambassades. Il a dénoncé les violences qui se sont soldées par la mort de
quatre Américains en Libye, dont l’ambassadeur Chris Stevens, dans l’attaque du
consulat à Benghazi mardi soir.

Cette prise de position publique est apparue
comme une tentative d’apaiser les tensions avec les États-Unis, après la relative
absence de réaction officielle et de la police aux violences de ces derniers
jours. Le
mouvement de contestation s’est cependant poursuivie au Caire, mais cette fois
la police a réussi a maintenir la foule à distance de l’ambassade américaine en
tirant des gaz lacrymogènes et en déployant des véhicules blindés sous les jets
de pierre. M. Morsi
subit une forte pression de la part des islamistes, et surtout des Frères
musulmans, qui utilisent le film contre Mahomet pour renforcer
leur poids politique. À Alexandrie, des dirigeants du Djihad ont appelé à tuer
quiconque diffamerait le prophète et exigé que le président égyptien rompe les
relations avec les États-Unis.

Plusieurs
centaines de personnes, des ultraconservateurs pour la plupart, se sont rassemblées
place Tahir au Caire, épicentre du soulèvement populaire qui a mis fin au
régime autoritaire d’Hosni Moubarak en février 2011. Ils ont déchiré un drapeau
américain en brandissant un drapeau islamiste noir. Un responsable salafiste a
exhorté les musulmans à défendre leur foi et leur prophète. Une bonne partie de
la foule a rejoint les manifestants aux cris de « Avec notre âme, avec
notre sang, nous te vengerons, notre prophète » alors que les forces de
l’ordre lançaient des gaz lacrymogènes.

Un jeune protestataire
de 20 ans est mort des suites de blessures infligées par des balles de
caoutchouc, a révélé un responsable de la morgue sous le couvert de l’anonymat. De
présumés militants islamistes ont aussi attaqué une base de la Force multinationale et d’observateurs
(FMO) dans la péninsule de Sinaï, en Égypte, vendredi, a rapporté sous le
couvert de l’anonymat un haut dirigeant de l’organisation. Selon ce
responsable, les attaquants munis d’armes automatiques ont mis le feu à des
véhicules et affronté les troupes sur place, blessant quatre soldats
colombiens. La FMO
est une organisation internationale indépendante liée au Traité de paix de 1979
entre l’Égypte et Israël.

Des
rassemblement plus modestes et pacifiques ont aussi eu lieu dans plusieurs pays
comme l’Indonésie, la
Malaisie, l’Inde, l’Afghanistan et le Pakistan. Les
manifestations ont commencé après la grande prière du vendredi, pendant
laquelle de nombreux imams ont appelé les fidèles à défendre leur foi,
dénonçant le film américain « Innocence of Muslims »
(« Innocence des musulmans »), qui tourne en ridicule Mahomet, le
prophète de l’islam. À Tunis,
plusieurs milliers de manifestants se sont réunis près de l’ambassade des
États-Unis et certains ont escaladé le mur d’enceinte pour y planter brièvement
un drapeau noir portant cette profession de foi: « Il n’y a de dieu
qu’Allah et Mahomet est son prophète ».

Des
pierres ont volé dans des accrochages avec la police, qui a tiré en l’air et
lancé des gaz lacrymogènes. Un panache de fumée noire s’élevait au-dessus du
bâtiment. Une école américaine attenante a été incendiée. Quelques dizaines
d’émeutiers ont pénétré dans l’enceinte pour brûler des voitures avant d’être
repoussés. Citant le gouvernement, l’agence de presse officielle TAP a fait
état d’au moins deux morts et 29 blessés. Au Soudan,
des centaines de personnes poussées par l’influent cheikh Mohammed Jizouly ont
pris d’assaut la représentation diplomatique allemande, qui a été partiellement
incendiée, au prétexte que des mosquées de Berlin auraient été profanées. La
police a fait fuir la foule en tirant des gaz lacrymogènes.

La
manifestation s’est alors déplacée devant l’ambassade de Grande-Bretagne
voisine, puis des milliers de personnes ont assiégé celle des États-Unis, à la
sortie de Khartoum. La police a ouvert le feu pour les empêcher de franchir le
mur d’enceinte puis a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les
protestataires, déclenchant une bousculade. Des témoins ont fait état de trois
personnes à terre, peut-être mortes. Au Liban, alors
que le pape venait d’entamer une visite de trois jours en appelant à la paix
dans la région, des émeutiers ont brûlé deux établissements de restauration
rapide américains à Tripoli, dans le nord du pays, et se sont battus avec la
police, qui en a tué un. On dénombrait au moins 25 blessés, dont 18 policiers.

À Sanaa,
au Yémen, environ 2000 personnes ont été tenues à distance de l’ambassade
américaine par les forces de sécurité yéménites, qui ont tiré des coups de
semonce à balles réelles et lancé des gaz lacrymogènes. Une unité
anti-terroriste des Marines FAST (Fleet Antiterrorism Security Team) est
arrivée sur place vendredi. La veille, des centaines de personnes avaient
pénétré dans l’enceinte et brûlé le drapeau américain. À
Jérusalem-Est, la police a empêché quelque 400 Palestiniens de se rendre au
consulat américain pour protester contre le film. Les
manifestants ont lancé des bouteilles et des pierres aux agents, qui ont
répondu par des grenades assourdissantes. Quatre protestataires ont été arrêtés.

La
secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, a condamné le film
lié aux manifestations. « Le gouvernement américain n’a absolument rien à
voir avec cette vidéo. Nous rejetons absolument son contenu et son
message », a-t-elle dit vendredi, après avoir souligné la veille que rien
ne justifiait toutefois la violence. Le film
amateur a été réalisé en 2011 par un certain Nakoula Basseley Nakoula, qui se
présente comme un copte vivant en Californie. Il a été condamné pour fraude en
2010 et la justice américaine vérifie s’il a violé les termes de sa probation.

À Tripoli
et à Benghazi, en Libye, des manifestations contre la violence étaient prévues
vendredi. Des centaines de personnes ont protesté contre l’attaque du consulat
et la mort de l’ambassadeur américain ces derniers jours.