d’écrire en latin un texte humoristique sur la folie qui comme il le dit,
touche tous les hommes et tous les siècles.
Il s’est amusé à montrer tous et chacun portent un grain de folie et que
cela n’est pas forcément nuisible.
D’ailleurs, dans ce même journal : La Métropole, l’éditeur Stéphane Maestro a eu
de la facilité à montrer qu’il y avait effectivement ce grain de folie et
parfois plus qu’un grain dans la plupart des hommes politiques de ce monde.
UN GRAIN DE FOLIE: RÔLE DE L’IMAGINAIRE
Mais en tant que
psychiatre je peux bien parler de folie en référant à « un grain de
folie » c’est-à-dire une imagination débordante, originale ou surprenante.
Mais évidemment que je ne veux pas vous parler de cette maladie extrêmement
souffrante, ce qu’on appelait avant la folie qui maintenant va porter des noms
différents.
LA CULTURE GÉNÉRALE DU COURS CLASSIQUE
En fait, je veux
plutôt faire l’éloge de l’imaginaire. Et
pour me compliquer la vie j’aimerais, par la même occasion, faire l’éloge de la
culture générale. En effet, quand j’ai
fait mes humanités on essayait de rentrer dans la mentalité des romains avec toutes
leurs imperfections, leurs guerres, leurs préjugés, leur sagesse. Nous avions
le grand avantage qu’il n’y avait pas de ton « Politically Correct »
à aborder puisqu’on était dans un autre pays où il avait de l’esclavage, où il
y avait des préjugés sur les différences entre les hommes et les femmes, il y
avait de la trahison et tous les sujets pouvaient être abordés. On pouvait avec grand plaisir vanter les
prouesses d’Hercule et l’autorité de Zeus, son infidélité, sans soulever les
foudres de zélotes, incendiaires, puisque les anciens grecs et latins ne sont pas
là présents pour nous fustiger.
Je ne dis pas qu’on
devrait reprendre ce style d’éducation mais par contre il est très important
d’avoir une éducation qui puisse être assez générale et qui fasse appel à
l’imaginaire, l’art, la philosophie et la culture générale. En effet, dans un
premier temps, on pensait que si on formait très rapidement des jeunes à un
métier, qu’ils gagneraient plus rapidement leur vie et qu’ils perdraient moins
de temps sur les bancs de l’école.
LE BURNOUT SOMATOFORME
Mais ma tâche
d’évaluateur des travailleurs en burnout m’a révélé beaucoup de souffrances pénibles. Par exemple j’ai pu suivre le parcours de
certains garçons qui avaient quitté l’école en secondaire II (et parfois même
avant) pour aller travailler habituellement dans le domaine de la construction.
Là ils étaient raisonnablement bien payés, ils étaient souvent intelligents et débrouillards,
ils construisaient eux-mêmes leur propre maison, ils achetaient des terrains
qui prenaient de la valeur par la suite. Dans l’ensemble certains d’entre eux
étaient très bien nantis et assez à l’aise.
Cependant, s’ils
leur arrivaient d’avoir une douleur lombaire, une lombalgie, ils se faisaient
donc évaluer par des médecins. Dans le
cas où il y avait une opération à faire celle-ci avait été faite et ils
récupéraient habituellement assez bien quoique parfois ils aient été obligés de
changer de métier.
Par contre, une certaine
catégorie d’individus n’avait rien de physique qui puisse être réparé
mécaniquement, ils avaient donc une condition qui devait théoriquement rentrer
dans l’ordre dans 3 mois et au pire dans 6 mois. Mais travaillant non seulement à Montréal
mais aussi en Gaspésie, je prendrai surtout l’exemple des travailleurs en
Gaspésie, mais cet exemple peu s’appliquer à d’autres régions du Québec. On voyait cet individu qui n’avait pas
beaucoup étudié, qui ne lisait pas sauf peut-être quelques articles sur son
sport favori dans les journaux, qui n’aimait pas d’une manière poussée la
musique, qui n’allait pas au théâtre, qui ne pouvait pas suivre au cinéma toute
l’intrigue et ses références culturelles.
Donc, à partir de ce moment, s’il avait vraiment mal au dos d’une manière
significative, il ne pouvait plus aller à la chasse, il ne pouvait plus aller à
la pêche et il ne pouvait plus avoir de relations sexuelles avec des mouvements
du bassin.
Donc, cet individu
commençait à se sentir moins homme et inutile. Cela l’amenait à déprimer. Puis
sa dépression amplifiait sa douleur qui en fait venait en partie de son corps
mais qui était fortement augmentée par ses pensées morbides. Cet individu qui aurait pu guérir en 6 mois
voyait sa douleur augmenter à cause d’une dépression sous-jacente qu’il ne
pouvait pas identifier et malheureusement cela m’a fait une grande peine de
voir des individus qui, 6 ans après, étaient encore invalides. Malheureusement cet exemple est beaucoup plus
répandu qu’on pourrait le penser. Il
souffrait alors de trouble somatoforme une condition psychiatrique qui prend
l’allure d’un trouble biologique.
Par contre, si je compare
avec l’un des plus grands malades sur un plan physique et biologique qui ne
peut même pas parler, qui doit utiliser un appareil électronique pour se faire
comprendre on verra une immense différence de ce que peut apporter la culture.
Il s’agit de Stephen William Hawking, qui est un physicien théoricien et
cosmologiste britannique. Hawking a une dystrophie neuromusculaire qui est
attribuée à une sclérose latérale amyotrophique (SLA), sa maladie a progressé
au fil des ans et l’a laissé presque complètement paralysé.
Malgré cela Hawking
a été professeur de mathématiques à l’université de Cambridge et chercheur
distingué du « Perimeter Institute ». Il est connu pour ses contributions
dans les domaines de la cosmologie. Son œuvre de vulgarisation scientifique
comme le best-seller A Brief History of Time, est resté sur la liste des
records des bestsellers du Sunday Times pendant 237 semaines consécutives.
Cet
individu atteint d’une maladie qui ne permet pas à ses muscles de fonctionner,
qui est en chaise roulante, a pu quand même devenir célèbre, faire de la
recherche et écrire des livres. Il a
même pu se marier et avoir des enfants. Comme il dit en plaisant à ses amis : « Je n’ai pas besoin de ma musculature pour
faire un enfant et, contrairement à ce qu’on pense, cet organe ne se contracte
pas à la force des muscles mais bien plus par des vaisseaux et je n’en suis pas
privé. »
Je choisis évidemment un exemple extrême
mais par contre je vois aussi bien des professions libérales où l’individu a
des limitations importantes mais il arrive à s’échapper par l’imaginaire. Il peut se plonger dans la lecture, dans les
discussions philosophiques avec ses amis et il ne se sent pas fini s’il a une
atteinte physique même grave.
LE MANQUE D’IMAGINAIRE: SOURCE DE MALADIES
Mais en étudiant ce
phénomène, de manque d’imaginaire, j’ai étudié en psychanalyse le phénomène
qu’on appelait « la pensée opératoire ». Il s’agissait de personnes qui n’avaient pas
d’imaginaire à tel point que les psychanalystes n’étaient pas capables de leur
faire sortir leurs fantasmes. Au début,
ils pensaient que c’était un immense blocage, puis, un dénommé Michel DeM’Uzan
a réalisé que ce n’était pas un blocage mais c’est simplement que ces individus
n’avaient pas développé leur imaginaire.
Ils étaient plus sujets à des maladies physiques comme les crises
cardiaques. Dans ce cas la maladie
physique était amplifiée par leur manque d’imaginaire. Ne pouvant se défouler en imaginaire cela se
faisait par une altération de leurs organes.
ALEXITHYMIE: MANQUE D’IMAGINAIRE, UNE MALADIE
Par la suite, aux
États-Unis, on a développé un concept identique qui s’est appelé « alexithymie»,
ce mot veut dire « a » (un
manque), lexi (de vocabulaire),
thymie du grec thymein (émotion)
soit une incapacité d’exprimer ses émotions mais évidemment aussi son
imaginaire. Notre recherche
nous a montré que plus un individu est incapable d’exprimer son imaginaire et
se défouler en lisant des romans ou autres livres de la littérature, plus il va
être sujet à des maladies psychosomatiques.
Mais ce qui a été
plus inquiétant c’est aussi que la criminalité des personnes alexithymiques est
beaucoup plus grande pour cette branche de population. Un étudiant que je supervisais a même fait
une recherche à Montréal sur les étudiants du secondaire et il a démontré que,
plus ils étaient alexithymiques, plus ils étaient à risque pour avoir des
comportements illégaux.
STRESS, MALADIES ET ALEXITHYMIE
Bien des arrêts de
travail se font pour des personnes qui ont un certain nombre de symptômes qui
ne peuvent pas être confirmés par les examens de laboratoires. De
plus, il y a des troubles somatoformes, c’est-à-dire que c’est une maladie
qui se présente sous une forme de maladie physique mais qui en fait est causée
par la psychologie de la personne. Cela
contribue beaucoup à des arrêts de travail et lorsque nous ne trouvons rien à
l’examen objectif, il est assez difficile de déterminer qu’il s’agit effectivement
d’un trouble somatoforme causé par des facteurs psychosociaux.
Cela peut augmenter un trouble qui a existé
et qui continue plus longuement que prévu.
Cela peut augmenter une douleur qui autrement aurait disparu. Le sujet est persuadé souffrir de troubles
organique et cherche dans ce sens au lieu de changer sa psychologie. Un triste cercle vicieux s’amorce.
ALEXITHYMIE ET TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES
NB: NE PAS CONFONDRE TROUBLE SOMATOFORME
ET TROUBLE PSYCHOSOMATIQUE
RAPPEL
1-trouble somatoforme trouble psychologique qui
mime : prend la forme d’un trouble physique
2- trouble psychosomatique : trouble organique
médical avec des affections tissulaires mais qui sont affectés par la
psychologie du malade
Contrairement au
trouble somatoforme qui ne s’explique pas par le physique, ou avec une légère
problématique physique mais qui ne peut expliquer les symptômes, les troubles
psychosomatique sont des maladies physiques amplifiées ou maintenues par un
type de personnalité.
Au départ, ces
maladies étaient essentiellement considérées comme n’ayant pas d’incidence
psychologique. Par la suite on s’est
aperçu qu’elles étaient en fait augmentées par le stress ou les situations de
vie. Les symptômes provoqués sont par
exemple: l’ulcère d’estomac, la colique ulcéreuse, l’angine cardiaque,
l’asthme, l’eczéma, les migraines et les maladies de peau non
infectieuses. Dans tous ces cas il y a
des lésions ou des changements physiologiques observables par les appareils
médicaux.
Dans les troubles
psychosomatiques, au départ, ces maladies étaient essentiellement considérées
comme n’ayant pas d’incidence psychologique.
Par la suite on s’est aperçu qu’elles étaient en fait augmentées par le
stress ou les situations de vie.
SYMBOLIQUE DU MALADE PSYSOMATIQUE
Au début les écoles
de psychanalyse ont essayé de considérer que certains conflits inconscients
particuliers frappaient certains organes. Par exemple la dépendance altérait le colon, l’agressivité le cœur etc.. Malgré les recherches
très poussés des psychanalystes tel que Alexander, il a été difficile de
véritablement assigner une signification particulière aux symptômes
psychosomatiques ou de déterminer pourquoi tel organe était touché plutôt que
tel autre. On semblait dans une impasse.
On trouvait au
contraire un vide fantasmatique là où
dans d’autres maladies psychiatriques émergeaient une élaboration
fantasmatique consciente ou inconsciente
très importante. Ils en ont déduit que la maladie résultait beaucoup plus d’un
vide fantasmatique que d’une élaboration particulière des fantasmes. L’expérience
typique décrite par le psychanalyste De M’Uzan est la suivante: il questionne
un homme de 45 ans qui répond avec peu d’émotions et d’une manière très
factuelle. A propos de la mort de sa
mère il donne un grand nombre de détails factuels. Quand le médecin lui demande les sentiments
éprouvés à la mort de sa mère, ce dernier répond:
« J’ai réagi comme tout le monde, la mort est
un phénomène normal ! «
Puis tout d’un
coup, il commence à fouiller dans sa poche, prend une pilule et l’avale. Lorsqu’on lui demande ce qu’il fait, il
répond: « évidemment, je prends une
nitroglycérine« . Quand on lui demande de nouveau pourquoi, il
répond:
« Le médecin m’a dit de prendre une
nitroglycérine chaque fois que j’avais de l’angine et je viens d’avoir de
l’angine« .
Mais par contre ce
patient se refuse de voir une relation causale entre le fait qu’il a parlé de
la mort de sa mère et de son angine. Il répond : « docteur seriez vous superstitieux. »
Cette dernière relation causale apparait, suivant la théorie de De M’Uzan en
remplacement des sentiments qui ne sont pas apparus.
EXEMPLES CLINIQUES
Nous rencontrons
fréquemment ce genre de réactions chez des patients souffrant soit d’ulcère
d’estomac ou de maladie du système cardiovasculaire. Parfois leur
négation de leur symptôme est telle qu’il nous aurait été difficile de les
connaître si nous n’avions pas été frappés par leur manque de fantasme. Alertés
par ce phénomène, nous demandons à un malade s’il ne souffrent pas de maladie
cardiovasculaire. Le patient nous a répondu:
« Je suis en parfaite santé, j’ai un cœur
parfait, j’ai eu un pontage l’an dernier mais depuis tout va très bien! »
Un jour après avoir
questionné un homme de cinquante ans qui prétendait ne pas voir de relation entre
son impuissance et les évènements de sa vie, nous lui faisons remarquer que son
impuissance est apparue la même année que le suicide de son fils unique. Il
nous répond:
« Un homme est un homme et ne doit pas se
laisser affecter par de tels évènements! ».
CARACTÉRISTIQUES DE L’ALEXITHYMIE
• La pensée: est utilitaire,
littérale et matérielle. L’individu est centré sur les détails et sur le monde
matériel à l’opposition du monde des sentiments.
- Pseudo-normalité: cela consiste, pour le sujet, d’une tendance à vouloir se situer dans des normes de
conformité sociale exagérée. - Vie symbolique: La pensée symbolique est absente ou réduite. Les rêves sont absents ou
peu fréquents. Les fantasmes sont peu nombreux peu imagés et ont peu
d’importance dans la vie de l’individu. - Troubles du schéma corporel: ces individus montrent une difficulté de distinguer entre
des sentiments et des perceptions corporelles. Ils montrent une rigidité
corporelle et une attitude figée qui empêchent les mouvements souples du
diaphragme. Cette rigidité finit par les rendre insensibles et on ne s’étonnera
pas de les voir souffrir de symptômes avancés de leur maladie sans avoir pu
prévenir ce qui s’en venait. - Difficulté de percevoir leurs sentiments: sans accès aux perceptions
corporelles fines, aux fantasmes, au
monde de l’image, centrés sur l’utilitarisme et la logique linéaire, il n’est
pas étonnant que l’alexithymique ne puisse percevoir clairement ses
sentiments. - Difficulté d’expression des sentiments: comme l’individu peut difficilement
mettre en mots ou en images ce qu’il ressent, il devient difficile de
communiquer ses sentiments dans le domaine affectif. Un manque de communication
apparaît alors entre lui et le monde extérieur. - Méconnaissance des sentiments des autres: s’il est difficile pour eux de
connaître leurs sentiments, à plus forte raison il leur devient impossible
d’être empathiques, ouverts aux autres. Ils ont peu de sympathie pour le
romantisme la poésie les symboles et irritent beaucoup leur entourage.
INCIDENCE DE L’ALEXITHYMIE CHEZ
LES MALADES PSYCHOSOMATIQUES
Déjà les études
cliniques avaient démontré que ces dispositions n’existaient pas chez tous les
patients ayant une maladie psychosomatique. Les différentes maladies
psychosomatiques ne donnent pas toutes le même niveau d’alexithymie. Le patient
cardiaque est celui qui en a le plus,
tandis que les asthmatiques comme Proust ou ceux ayant des maladies de peau
comme Mozart auraient beaucoup plus de création, dans certains domaines en tout
cas.
Les résultats de
recherche vont plus loin et trouvent que tous les patients souffrant de
maladies psychosomatiques ne font pas d’alexithymie: seulement 30% en
font! D’autres pathologies sont
accompagnées d’alexithymie comme la toxicomanie, la délinquance sexuelle et
certains cas de dépression masquée d’une sexualité mécanique et réflexe pouvant
amener à de l’impuissance.
QUOI FAIRE?
Il est essentiel de
faire comprendre au client, et aux médecins aussi, que contrairement à la
pensée populaire, c’est parce que ces individus n’ont pas d’émotions qu’ils
sont malades et non pas parce qu’ils en ont.
Ce qui m’a frappé c’est une étude récente qui semblait dire qu’il était
faux que les cardiaques avaient plus d’anxiété que les autres. C’est bien évident, ils souffrent parfois de
dépression cachée et parfois la crise cardiaque est un substitut à celle-ci.
Troisièmement, il
faut encourager le client à exprimer ses émotions, par exemple dans des groupes
de discussion et des activités aussi simple que lire des romans policiers ou
toutes activités qui aident l’imagination.
Pour d’autres, il est encore mieux d’aller au théâtre et se familiariser
avec les grands thèmes qui existent depuis le début de l’humanité.
Quatrièmement, il
s’agit d’encourager les individus à la relaxation qui aide à mieux se
connaître. Tout cela vise à augmenter leur capacité fantasmatique
et donc de les protéger contre les maladies psychosomatiques. Lors des études une
insistance sur la culture générale est souhaitable.