De nouvelles allégations font état de financement illégal au sein du Parti libéral de l’ex-premier ministre du Québec, Jean Charest. Après
avoir fait part d’allégations de stratagèmes de truquages d’offres et des liens
entre le monde municipal et la mafia, l’ex-propriétaire d’Infrabec et témoin
vedette de la Commission,
Lino Zambito, en a formulé de nouvelles, celles-là de trafic d’influence
pendant le règne du Parti libéral du Québec.
M. Zambito
soutient avoir organisé en 2008 une soirée de financement fort lucrative pour
le compte de l’ancienne vice-première ministre et ex-ministre des Affaires
municipales du Québec, Nathalie Normandeau. Il dit
avoir amassé 110 000 $ en dons et avoir utilisé un système de prête-noms pour
contourner la limite légale des dons aux partis politiques, qui est fixée à
3000 $. Il affirme
avoir proposé cette entente à un important collecteur de fonds du Parti libéral
du Québec (PLQ).
« Je
veux inviter une vingtaine de personnes, vingt, vingt-cinq personnes et aller
chercher un montant de 100 000 $, aurait-il déclaré, avant d’obtenir cette
réponse de son interlocuteur: « Écoutez, n’oubliez pas que la loi permet un
don de 3 000 $ par individu ». « J’ai
dit : « C’est très bien » », a ajouté M. Zambito.
Pour
contourner la loi, l’ex-propriétaire d’Infrabec dit avoir fait appel à des
prête-noms. Dans un exemple qu’il a donné, il dit avoir demandé au
vice-président de son entreprise de construction qui a fait faillite depuis
d’écrire un chèque personnel qui lui serait remboursé par l’entreprise. Questionné
à propos du rapport du PLQ, qui a plutôt fait état de dons totalisant 77 500 $
pour cette soirée de financement, M. Zambito s’est dit incapable d’expliquer
cette contradiction.
M. Zambito
a fait part de ces allégations lors d’un témoignage livré la semaine dernière
devant la
Commission Charbonneau, sous une ordonnance de
non-publication. L’ordonnance a été partiellement levée mardi. Il semble
que le témoin vedette connaisse bien Mme Normandeau, qui a quitté la scène
politique depuis. M. Zambito aurait envoyé 40 roses rouges à l’ex-politicienne
pour souligner son 40e anniversaire de naissance; il l’aurait invitée et aurait
assisté à un spectacle de Céline Dion au Centre Bell avec elle et des membres
de son entourage; et il lui aurait également offert des billets pour un
spectacle de Madonna. Il a précisé ne pas être certain que Mme Normandeau eut
utilisé ces derniers billets.
Un
incident surprise aurait permis à M. Zambito de découvrir à quel point il
pouvait être payant de développer de bons liens avec le parti au pouvoir. Il dit
avoir été approché, en 2007, par un membre de l’entourage de David Whissell,
alors ministre libéral. M. Whissell était également propriétaire d’une
entreprise en construction, ABC Rive-Nord, et il a quitté la vie politique en
2011. La fin de sa carrière de politicien a été marquée par des allégations de
conflits d’intérêts.
Toujours
selon M. Zambito, cette personne proche de M. Whissell aurait tenté de lui
soutirer 50 000 $ en argent comptant pour le financement du PLQ en échange de
son aide pour un problème opérationnel au sein de son entreprise. M. Zambito a
dit de la personne en question qu’elle travaillait pour une importante firme d’ingénierie
et, dans ce qui s’est révélé être un aperçu de témoignages subséquents, il a
déclaré que ces firmes tenaient des rôles-clé dans le processus de financement
illégal des partis.
M. Zambito
soutient s’être plaint à d’importants dirigeants du parti politique, après quoi
la proposition a été retirée. Le
problème opérationnel de son entreprise a rapidement été réglé, tout de même,
et ce, au cours d’une rencontre avec l’ex-organisateur libéral Pierre Bibeau,
qui a téléphoné à son fils, qui occupait une fonction importante auprès du
ministre Whissell. M. Zambito
se souvient avoir été ravi.
« Écoutez,
moi, j’ai demandé à M. Bibeau, j’ai dit: « Écoutez, est-ce qu’il y a de
quoi à faire? ». Il dit: « Écoutez, c’est réglé. Éventuellement, quand
j’aurai besoin de vous, je ferai appel à vous, prenez ça comme un service
rendu. » », rapporte M. Zambito. La soirée
de financement pour Nathalie Normandeau a été organisée plusieurs mois plus
tard. L’ex-premier
ministre du Québec Jean Charest a instauré la Commission Charbonneau
l’an dernier au terme de deux années de pression exercée par le public et les
partis de l’opposition. Le témoignage de M. Zambito est le premier à écorcher
son parti.
Ce dernier
a auparavant affirmé avoir fait partie d’un cartel qui aurait truqué les appels
d’offres pour faire grimper les prix des projets de construction à Montréal. Il a
déclaré que certains entrepreneurs devaient payer une commission de 2,5 pour
cent à la mafia, donner une quote-part de trois pour cent au parti du maire de
Montréal, Gérald Tremblay, et faire un paiement équivalent à un pour cent de la
valeur d’un contrat à un ingénieur de la ville, Gilles Surprenant. M. Zambito
soutient que d’autres pots-de-vin étaient versés à des fonctionnaires.