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Un ordinateur au travail ne peut Être fouillÉ sans mandat?

On peut s’attendre au respect de notre vie privée, même lorsqu’on utilise un
ordinateur fourni par notre employeur, a tranché la Cour suprême du Canada. La police
doit donc obtenir un mandat avant de chercher et saisir quoi que ce soit dans
un ordinateur, a décidé le plus haut tribunal du pays dans une décision à six
contre un, rendue vendredi. Les forces
policières ne peuvent donc se contenter de la permission de l’employeur pour
fouiller dans les fichiers informatiques d’un travailleur.

Le droit
au respect de la vie privée est par contre réduit mais pas inexistant lorsqu’on utilise un ordinateur du travail par rapport à un ordinateur
personnel, a nuancé la
Cour. C’est le cas lorsque les employeurs notamment dans le
milieu scolaire émettent des directives pour se réserver un droit de regard
sur l’utilisation des ordinateurs. Ils ont ainsi le pouvoir de les saisir et de
les fouiller. L’usage personnel doit aussi avoir été autorisé par l’employeur
ou du moins être raisonnablement prévisible.

Dans cette
affaire, Richard Cole enseignait l’informatique dans une école secondaire
ontarienne. L’école lui avait fourni un ordinateur portable pour son travail. Un des
techniciens en informatique de l’école utilisait un logiciel pour surveiller le
réseau afin d’assurer son intégrité. Il a noté des problèmes provenant de
l’ordinateur de M. Cole. En
l’examinant à distance, le technicien a accédé à l’historique de l’accès
Internet de M. Cole et à un des lecteurs de son ordinateur. Le technicien a
trouvé un fichier caché potentiellement dangereux. Il a ouvert le fichier et a
trouvé des images photographiques d’une jeune femme nue qui était une étudiante
de l’école.

M. Cole,
qui était aussi chargé de surveiller l’utilisation par les élèves des
ordinateurs en réseau de l’école, avait intercepté ces photos en vérifiant leurs
courriels. M. Cole a
remis son ordinateur au directeur sur demande. Les techniciens de la commission
scolaire ont copié les photographies et les fichiers Internet sur un disque et
les ont fournis à la police avec l’ordinateur. Ils ont aussi trouvé de la
pornographie en consultant l’historique des recherches sur Internet.

Les
policiers ont estimé qu’un mandat de perquisition était inutile, puisque les
autorités de l’école leur avaient dit qu’elles étaient propriétaires de
l’ordinateur et des données qui s’y trouvaient. L’enseignant avait été informé
de cette politique qui l’avisait de ne pas s’attendre au respect de sa vie
privée à l’égard de ses fichiers. Les
policiers ont examiné les fichiers et ont accusé M. Cole de possession de
pornographie juvénile. La Cour suprême a tranché que le droit de
M. Cole au respect de sa vie privée a été violé parce que son droit de ne pas
être soumis à des fouilles ou saisies abusives article 8 de la Charte des droits et
libertés n’a pas été respecté.

« Étant
donné que M. Cole pouvait s’attendre raisonnablement au respect de sa vie
privée relativement à son historique de navigation sur Internet et au contenu
informationnel de l’ordinateur portatif fourni pour son travail, tout examen
non consensuel par l’État constituait une ‘fouille ou perquisition’; et tout
prélèvement, une ‘saisie »‘, écrit la juge en chef Beverly McLachlin dans
le jugement. Et pour
faire une fouille ou une perquisition, un mandat décerné par un juge est
nécessaire.

Bref, la
direction de l’école pouvait fouiller l’ordinateur de M. Cole sans mandat, mais
pas la police. « Bien
entendu, le conseil scolaire avait légalement le droit d’informer la police de
sa découverte de documents illicites dans l’ordinateur portatif. Cela aurait
sans aucun doute permis à la police d’obtenir un mandat pour fouiller
l’ordinateur afin d’y trouver les documents illicites », poursuit la juge. Normalement,
une violation à un droit garanti par la Charte mène à l’exclusion de toute la preuve
saisie illégalement.

Cependant,
la Cour a décidé
dans le cas présent que la preuve informatique ne serait pas exclue, car la
violation était mineure et que les policiers avaient agi de bonne foi. « L’utilisation
de la preuve n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la
justice. La violation n’était pas très grave, et son incidence était atténuée à
la fois par le droit réduit en matière de protection de la vie privée et par la
possibilité de découvrir la preuve », est-il écrit dans la décision.

La juge
dissidente, Rosalie Abella, aurait pour sa part exclu toute la preuve. Il n’y a
pas encore eu de procès sur la culpabilité de l’enseignant pour possession de
matériel de pornographie juvénile et pour utilisation non autorisée d’un
ordinateur. Jusqu’à maintenant, les tribunaux ne se sont penchés que sur
l’exclusion de la preuve saisie.