allégations qui pèsent sur son parti Union Montréal, M. Tremblay ne compte pas
se laisser distraire. Il dit vouloir continuer à donner suite à des projets qui
sont fondamentaux pour la ville. Le maire ne veut surtout pas « trahir ses
engagements », pris sous serment en 2009. « Je
suis passionné de cette ville depuis maintenant 11 années. Je consacre toutes
mes énergies à réaliser l’avenir de la métropole du Québec et il me reste
encore beaucoup de travail à faire », a lancé le maire.
Il a avoué
que l’hôtel de ville est aux prises avec la corruption et la collusion
« depuis des décennies ». Le chef
d’Union Montréal a cependant réitéré que la métropole était gérée « de
façon saine », avec la meilleure équipe qu’elle n’a jamais eue. M.
Tremblay, qui s’est dit « attentif aux témoignages de la Commission Charbonneau »,
demande maintenant à ce que tous les témoins soient entendus « avant de
porter jugement sur des personnes ». La maire,
qui n’a pas encore été interpellé par la juge France Charbonneau, a assuré
qu’il donnerait sa version des faits « lorsque son tour viendra », se
défendant au passage d’être responsable de la lenteur des procédures.
« J’ai
peut-être quelques blâmes, mais ne me blâmés pas pour tout. Je suis prêt à
livrer mon témoignage, mais je ne préside pas la commission et je ne décide pas
de sa stratégie », a-t-il dit. M.
Tremblay a laissé planer le doute quant à ses intentions de solliciter un
nouveau mandat en 2013, indiquant simplement qu’il ferait part de sa décision
« au moment opportun ». Une chose est certaine: son choix ne sera pas
influencé par l’actualité, a-t-il dit. Faisant
référence aux problèmes de santé évoqués par M. Vaillancourt, Gérald Tremblay a
assuré être en « pleine forme » et n’avoir aucun « problème de
conscience » au moment de s’endormir.
De son
côté, la chef de Vision Montréal, Louise Harel,
demande la création d’un poste de commissaire à l’éthique et à la déontologie,
muni de pouvoir d’enquête et de sanction. Mme Harel
a d’ailleurs contacté le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault,
à cet effet. Celle qui
a déjà confirmé sa candidature à la course à la mairie en 2013 soutient
« avoir fait de l’ordre » au sein de son propre partie et être
maintenant prête à s’occuper du désordre à l’hôtel de ville.
Devant
toutes les allégations de corruption et de collusion à l’hôtel de ville, Mme
Harel croit que cette mesure mettra fin au sentiment d’impuissance des
Montréalais. « Si
l’on peut entendre avec le dégoût que ça provoque tout ce qu’on entend à la Commission Charbonneau
et qu’après on joue à Ponce Pilate, il y a quelque chose que la population ne
peut pas accepter », a-t-elle déclaré. De
nouveau, elle a exhorté le maire à quitter ses fonctions. Mais une
éventuelle démission du maire ne changera rien à la situation, de l’avis du
chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, qui croit que
l’administration Tremblay sera paralysée pour la prochaine année, notamment
avec le renforcement de la loi 35 sur l’attribution des contrats publics.
À son
avis, il n’existe aucun recours pour forcer le maire à quitter ses fonctions.
« On va devoir souffrir la personne de Gérald Tremblay peut-être jusqu’à
l’élection du 3 novembre prochain », a-t-il dit.
DES GESTIONNAIRES COMPÉTENTS AURAIENT DÛ VOIR…
que des gestionnaires compétents et rigoureux auraient dû déceler les indices
de l’existence d’un système de collusion et de corruption qui sévissait à la Ville de Montréal dans le
département des égouts, dans les années 2000.
« Il
me semble qu’un gestionnaire compétent le moindrement était assez capable de
vous identifier assez vite, parce que les coûts augmentent de 30 pour cent…
On parle de collusion, vous fréquentez les entrepreneurs, vous contrôlez les
estimés, vous aidez à l’approbation des projets. Il me semble qu’il y a
tellement d’indices que c’était pas trop, trop difficile de vous pincer. C’est
assez clair que quelqu’un qui est un peu allumé trouve ça assez vite », a
lancé le commissaire, lui-même un ancien vérificateur général du Québec.
L’ex-ingénieur
municipal montréalais Gilles Surprenant a poursuivi jeudi son témoignage devant
la Commission
Charbonneau. Il a été contre-interrogé par les avocats de
l’Association de la construction, du parti Union Montréal et de la Ville de Montréal. Après
avoir affirmé mercredi qu’il ne s’était plaint ni à la police ni à ses
supérieurs du système de collusion et de corruption en place dans son service
des égouts, il a indiqué jeudi qu’il n’avait pas non plus avisé le service du
vérificateur général de la
Ville. Il a rencontré un vérificateur une seule fois, durant
10 minutes, pour parler d’un dossier précis, a-t-il relaté.
La
présidente de la commission, France Charbonneau, a par ailleurs indiqué que
selon ses calculs, c’est 736 000 $ que M. Surprenant a touchés en pots-de-vin
jusqu’en 2008, plutôt que de 580 000 $ à 600 000 $, comme il avait globalement
évalué. Et ce, sans compter les parties de golf, billets de saison pour le
hockey, soupers au restaurant et bouteilles de vin, a-t-elle souligné.
L’ingénieur
retraité a aussi dû admettre que le premier pot-de-vin qu’il a accepté de Frank
Catania remonte à 1988 et non 1991 comme il l’avait dit. Comme il a admis avoir
touché des pots-de-vin jusqu’en décembre 2008, cela couvre une période de 20
ans. Il maintient toutefois n’avoir rien touché entre 1988 et 1995.
» TRÈS REPENTANT »
Du bout
des lèvres, il a fait un acte de contrition, se disant « très
repentant » d’avoir participé à ce système de corruption de fonctionnaires
par des entrepreneurs en construction. Il a dû admettre qu’il avait
indirectement volé les contribuables. « Je regrette amèrement tout ce qui
s’est passé. Les dix dernières années ont été catastrophiques. Je n’aurais
jamais dû accepter ces montants-là et faire ça », a dit M. Surprenant.
Bien qu’il
se soit dit « très repentant » et désormais un homme honnête, l’avocat
d’Union Montréal, Me Michel Dorval, lui a fait dire qu’il y a un mois, un mois
et demi, il avait vendu à sa fille sa maison qui vaut 350 000 $ pour la somme
symbolique de 1 $. « Est-ce
que vous voyez là-dedans une façon de ne pas vous la faire saisir et d’avoir à
éviter de rembourser à la Ville
de Montréal les 700 000 $? Est-ce que d’agir comme ça n’est pas en fraude des
droits de vos créanciers, (une façon) de vous départir de votre
patrimoine? » lui a demandé Me Dorval.
« Non,
je n’ai pas pensé à ça », a rétorqué M. Surprenant, ajoutant que cette
maison représentait à ses yeux l’héritage qu’il laisserait à sa fille. À son
tour, l’avocat de la Ville
de Montréal, Me Martin St-Jean, a tenté de faire passer M. Surprenant pour un
homme qui rejetait toujours les blâmes sur d’autres, arguant qu’il avait
accepté tout cet argent par simple « cupidité » et pour jouir de petits
plaisirs comme le golf, le vin, les bons soupers. Il a tant
insisté que la présidente de la commission, France Charbonneau, est intervenue
pour lui dire que le témoin Surprenant avait déjà « admis tous ses
crimes » et que « ce n’est pas son procès qu’on est en train de
faire ».
Il a aussi
précisé qu’il allait souvent jouer au casino pour soi-disant écouler l’argent
provenant des entrepreneurs, soit cinq fois par semaine. Il a estimé y avoir
perdu 700 $ à 800 $ par semaine. Me St-Jean
l’a notamment contre-interrogé sur la partie de golf qu’il a jouée en
République dominicaine avec son ami ingénieur Luc Leclerc, l’entrepreneur Tony
Conte, de Conex Construction, et le parrain de la mafia montréalaise Vito
Rizzuto. Au départ,
il ignorait que Rizzuto serait présent, puisque l’entrepreneur Conte lui avait
seulement dit qu’il inviterait son associé. Quand il a vu Rizzuto avant le
départ de l’avion, il n’a « pas senti de message direct ou indirect »
dans cette présence. Il dit l’avoir simplement considéré comme l’associé de
Tony Conte et avoir décidé de jouer au golf comme prévu.
M.
Surprenant a terminé jeudi son témoignage devant la commission. Il l’a conclu
par une brève déclaration. « Je voudrais simplement m’excuser auprès de la
population et dire que je regrette sincèrement tout ce que j’ai fait. » La Commission reprendra ses travaux lundi avec un
témoin dont elle n’a pas révélé l’identité. Par
ailleurs, la Ville
de Laval a obtenu à son tour le statut de participant à la commission. À ce
titre, son avocat jouira du droit de contre-interroger lui-même les témoins sur
les contrats publics octroyés par la
Ville de Laval.