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« gÉrald tremblay n’a jamais ÉtÉ maire »

Le leader du parti de la deuxième
opposition à l’hôtel de ville de Montréal a cette liberté de parole qui
n’appartient qu’à ceux qui n’ont rien à cacher. C’est le secret le mieux gardé,
car il peine à se faire connaître des Montréalais. Sait-on qu’il ne veut pas
conduire de voiture, circule à vélo et est musulman, lui, le natif d’Alma? Sa
femme est d’origine marocaine. Et il s’est converti pour l’épouser. Nous avons rencontré ce marginal de la
politique municipale à son bureau de l’hôtel de ville.

À
propos de la corruption, les témoins à la barre de la Commission Charbonneau
disent que tous, du signaleur de chantier aux grands fonctionnaires, étaient au
courant du système de corruption en place. À ma connaissance, seule la mairesse
de Rivière-des-Prairies, Mme Chantal Rouleau, a été la première à écrire, en 2011,
au premier ministre Charest pour le prévenir de la situation. Et vous ne saviez
rien de tout ça?

L’AFFAIRE CATANIA

Au contraire. Bien avant Mme Rouleau, j’ai
dénoncé ce qui se passait. Notamment en 2009, avec l’affaire du projet
Contrecoeur mettant en cause Paolo Catania. En mars 2009, j’avais écrit au
ministre des Affaires municipales, M. Lessard, sous le gouvernement Charest,
pour demander qu’une enquête soit faite. Et le 1er mai suivant, je
suis allé porter plainte à la Sûreté du Québec, accusant  M. Catania de complot.

COMMENT ÇA C’EST PASSÉ?

J’ai été reçu à la division des crimes
économiques. J’avais un rapport de 14 pages à présenter, un peu comme monsieur
Duchesneau. À la suite de mon témoignage, on m’a prévenu qu’à partir de ce
moment, cette affaire ne me regardait plus.

COMME SI ON VOULAIT ÉTOUFFER LE TOUT?

Non, pas dans ce sens-là. Ils ont été très
professionnels dans leur approche. Simplement, on m’a mis en garde de ne pas me
servir de ça pour faire de la petite politique, car ça pourrait nuire à leur
enquête. Tout est d’ailleurs rapporté sur le portail du parti, que les gens
peuvent consulter. C’est pour vous dire que j’avais pris les devants bien
avant.

QUE PENSEZ-VOUS DE L’ATTITUDE DU MAIRE TREMBLAY?

Il n’a jamais été le maire de Montréal. Il
ne s’est gardé que la partie honorifique. Et il s’est si peu occupé de sa
ville, que tout le monde autour de lui a pu faire comme bon lui semble. Et
c’est ce laisser-aller qui a permis l’implantation de tout ce système de
corruption.

MAIS ENTRE VOUS ET MOI, N’EST PAS FAIRE DANS L’ANGÉLISME

QUE DE PENSER QUE L’ON PEUT VAINCRE LA CORRUPTION?

On ne viendra jamais totalement à bout de
ça. Seulement, il faut lui faire la vie dure et tout maximiser pour la repérer.
J’ai eu un modèle en politique et c’est l’ancien maire de Québec, Jean-Paul
L’Allier, un homme au-dessus de tout soupçon. Avant qu’il arrive au pouvoir, on
lui a dit : « Tu vas voir, tu auras de la difficulté à faire le
ménage. » Et il m’a dit : « C’est immanquable. Si un parti ferme
toutes les portes à la corruption, personne ne va insister. » Et il a eu
la paix. D’ailleurs, ç’a été dit à la Commission Charbonneau;
dès 2009, à partir du moment où on a commencé à resserrer les règles du jeu,
c’était devenu moins facile pour les corrupteurs.

MONTRÉAL A UNE REPRÉSENTATION GIGANTESQUE,

AVEC PLUS DE CONSEILLERS MUNICIPAUX QUE NEW YORK.

ALLEZ-VOUS RÉDUIRE LA TAILLE DE L’ADMINISTRATION?

C’est prévu dans notre programme.
J’abolirai les mairies d’arrondissements et les conseillers d’arrondissements.
Je veux faire passer le nombre de conseillers de 103 à 65.

MAIS MÊME LÀ, 65 C’EST ÉNORME. CE POURRAIT ÊTRE

UNE VINGTAINE DE PERSONNES, NON?

Attention, toutes les expériences dans les
grandes métropoles nous montrent que moins il y a d’élus, plus ceux-ci ont de
pouvoir et s’éloignent de la base. Et les gens se sentent alors ignorés. Avec
pour conséquence que le taux de participation aux élections est de 12 %
à  Los Angeles et 14 % à New York.

LUC FERRANDEZ À TUER LE PLATEAU?

En
terminant, vous avez un roitelet de votre formation à la mairie du
Plateau-Mont-Royal, j’ai nommé Luc Ferrandez, qui a un taux de détestation
jamais vu. Les commerçants l’accusent de tuer le Plateau et lui-même ne se
présente que rarement aux assemblées du conseil, ça l’ennuie. Vous êtes
d’accord avec sa façon de faire?

Absolument. C’est un gars qui travaille
énormément. Et le parti au pouvoir en a fait sa cible comme manœuvre de
diversion, tout ça pour qu’on ne regarde pas les problèmes de trop près à la
Ville. C’est ce que j’ai appris en politique. Tu peux facilement devenir un
bouc émissaire. Je vous donne un exemple. On a accusé Ferrandez pour ce projet
d’une deuxième piste cyclable sur la rue Rachel. Ça ne vient pas de lui,
puisque ce domaine relève de l’administration centrale. Mais c’est à lui que
l’on fait porter le fardeau. Côté commerçant ça va très bien sur le Plateau et
un commerce inoccupé ne l’est jamais plus de deux semaines. Ferrandez et moi,
nous nous estimons beaucoup. On commence à vérifier un peu mieux à quel point
il a raison.