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Il faut rester proche du monde

Elle les
appelle à « rester proches du monde » s’ils veulent obtenir un
gouvernement majoritaire et l’indépendance. Elle fait ainsi écho aux critiques
des partis d’opposition, qui reprochent souvent aux péquistes d’être
déconnectés des vrais enjeux et des préoccupations des citoyens. La
première ministre prenait la parole samedi à la Conférence des
présidents du Parti québécois, qui réunissait près de 500 militants à
Sherbrooke. Il y avait là les ministres et les députés, les candidats battus
ainsi que les 125 présidents des associations de circonscription.

C’est le
premier grand rassemblement de la machine péquiste depuis le scrutin du 4
septembre. Il vise à faire un bilan de la campagne, qui a permis au Parti
québécois (PQ) de déloger les libéraux de Jean Charest après neuf ans de règne
mais pas de former un gouvernement majoritaire. Avant le
huis clos sur le bilan, la chef péquiste a fouetté ses troupes en matinée avec
un discours souverainiste, tout en les ramenant à la réalité, consciente que le
rendez-vous électoral aura lieu bien avant quatre ans.

« Et
maintenant que je suis première ministre, je vais me permettre de vous donner
un conseil, un conseil qui vaut pour chacun d’entre nous. Restons proches du
monde. Gardons un rapport de proximité avec les Québécois, avec leurs besoins,
avec leurs aspirations, parce que je veux que nous formions un gouvernement
pour tous. » Puis, elle
a de nouveau insisté en parlant cette fois du travail de ses ministres pour
assurer la prospérité. « Nous
le faisons avec et pour les Québécois, parce que nous sommes et nous voulons
demeurer un gouvernement proche des gens. » Les
péquistes sont partagés quant au bilan de la campagne et les raisons qui
expliquent la trop courte victoire du PQ.

En point
de presse avant le début de la conférence, le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a
estimé que le résultat électoral illustrait « l’ambivalence » des
Québécois, sans élaborer davantage. Pour
expliquer les résultats en deçà des attentes du Parti québécois, la ministre du
Travail, Agnès Maltais, n’a pas hésité quant à elle à parler de l’efficacité de
la campagne des libéraux. « Il y
a bien des choses, il y a eu peut-être la diabolisation de la jeunesse, des
étudiants, par (l’ancien) premier ministre (Jean Charest). Il a divisé les
gens, il y a eu vraiment une politique de la division », a-t-elle avancé.

L’ancien
député bloquiste Paul Crête, l’un des organisateurs les plus connus du PQ, a
affirmé que les adversaires avaient peut-être été sous-estimés même après neuf
ans de règne. « Il
semble y avoir un noyau très dur (d’électeurs) chez les libéraux, peut-être
plus dur que ce qu’on pensait », a-t-il déclaré aux journalistes.
Toutefois, les caquistes pourraient être plus réceptifs, « il y là des gens
qui sont prêts à écouter notre discours » en autant que les gestes soient
conséquents, a-t-il ajouté.

Et le défi
du PQ, s’il veut rapidement élargir son électorat et décrocher la majorité,
sera précisément de prendre des engagements « au diapason de ce que les
Québécois veulent », puisqu’il y a chez les nationalistes des électeurs
autant de droite et de gauche, a poursuivi M. Crête. Mais il se défend
toutefois de vouloir recentrer le parti ou le tirer vers la droite. Le
ministre du Tourisme, Pascal Bérubé, pense sensiblement la même chose. Il croit
que plusieurs partisans de la
Coalition avenir Québec vont se reconnaître dans l’action du
gouvernement au cours des prochaines semaines, entre autres par rapport au
dépôt du budget, à la rigueur et à la création de la richesse. En outre, selon
lui, même les partisans de Québec solidaire voient maintenant que le PQ est
sensible à leurs revendications.

Comme le
Parti libéral va toujours hériter du pouvoir en raison de sa base électorale
« à moins d’avis contraire », il n’y a qu’une vaste alliance de
nationalistes qui peut le déloger, a conclu M. Bérubé en appelant au
ralliement. L’un des
représentants de la région de Laval a pour sa part révélé que la crise interne
au PQ en 2011 lui avait fait peut-être de perdre des votes. Selon Jean
Pontbriand, de la circonscription de Sainte-Rose, « les problèmes internes
(…), les gens qui ont démissionné, qui sont partis, c’est peut-être ça qui a
créé un manque de confiance des gens envers le Parti québécois, en tout cas,
cela n’a pas aidé ». Quand les
journalistes lui ont demandé si la « chicane » était bonne ou non, il a
répondu non.

Ironie, ce
premier rendez-vous des militants péquistes se déroule à Sherbrooke, un des
champs de batailles les plus disputés de la dernière campagne électorale. C’est
l’ancien bastion du chef libéral Jean Charest, qu’il a représenté pendant 28
ans, dont 14 à l’Assemblée nationale. Le péquiste Serge Cardin l’a supplanté. Le Parti
québécois a donc été longtemps sans y tenir de grand rassemblement, d’autant
plus que la tradition veut qu’un chef de parti ne fasse pas campagne dans la
circonscription représentée par un autre chef.

UN APPEL À L’OPPOSITION

La première ministre Pauline Marois lance un appel aux partis d’opposition
pour assurer la survie de son gouvernement minoritaire. À 10 jours
de son premier test de longévité en Chambre, le dépôt du budget étant prévu
pour le 20 novembre, elle leur demande d’agir de façon responsable afin
d’éviter que son gouvernement ne soit renversé moins de trois mois après le
scrutin. « J’ai
envie de leur dire: ne pensons pas à la prochaine élection, mais pensons plutôt
à la prochaine génération », a-t-elle déclaré dans un discours prononcé
samedi à Sherbrooke lors du premier grand rassemblement du Parti québécois
depuis les élections.

Selon
elle, le budget du ministre Nicolas Marceau sera important pour l’avenir
financier du Québec. Elle leur suggère donc de mettre de côté les divisions. Le
gouvernement Marois a en effet besoin de l’appui d’un des deux grands partis
d’opposition pour faire adopter son budget, sinon il n’aura plus la confiance
de la Chambre. Le Parti
libéral et la
Coalition Avenir Québec (CAQ) ont déjà fait savoir qu’ils
allaient refuser toute hausse d’impôt. La CAQ a dit néanmoins qu’elle accorderait le
« bénéfice du doute » au gouvernement péquiste dans les prochaines
semaines et qu’elle avait un « objectif de collaboration ».

Même si
elle a invité les autres partis au dialogue, Pauline Marois a été beaucoup plus
dure à l’endroit des libéraux que des caquistes samedi matin. Elle leur a
reproché de nouveau d’avoir laissé un trou dans les finances publiques et
d’être carrément partis avec la caisse, précisant que c’était en raison de ce
contexte budgétaire « insoutenable » que son gouvernement avait décidé
de déposer un budget. « (Au
lendemain des élections), nous avons immédiatement été confrontés au résultat
d’une gestion laxiste, d’un laisser-faire des libéraux. (…) Ils ont
littéralement vidé les coffres, hypothéqué l’avenir dans un sauve-qui-peut
électoral », a affirmé la première ministre.

L’ancien
ministre libéral des Finances, Raymond Bachand, avait lui-même reconnu avoir
dépassé de près de 900 millions $ la cible de contrôle des dépenses pour
l’année financière en cours. À terme, cette somme s’élèvera à 1,1 milliard $.
Les prévisions pour les revenus sont aussi en baisse avec un manque à gagner de
500 millions $. Les pertes totaliseront donc 1,6 milliard $ par rapport au
budget déposé en mars. Mme Marois
a indiqué qu’un contrôle des dépenses soigné est en cours « dans le but de
ne pas compromettre les services aux Québécois ». Elle a
aussi rappelé qu’elle ira à New York en décembre pour rassurer les créanciers
du Québec.