Dans son rapport remis à la ministre de l’Éducation
d’alors, Michelle Courchesne, Louise Pagé conclut à un manquement
important : l’acte de vente n’incluait pas une clause réglementaire de premier
refus. La controverse entourant la vente
litigieuse d’un immeuble de la
Commission scolaire Riverside, à Brossard, à la fondation de
l’entrepreneur Catania n’est pas un « pétard mouillé », comme le prétendait le
Parti libéral lors de la campagne électorale.
La transaction a été marquée par
des irrégularités et de nombreuses interventions politiques, forçant le
transfert du dossier à l’Unité permanente anticorruption (UPAC), a appris Le
Devoir.
UNE PLAINTE À L’UPAC
Une
plainte a été déposée auprès de l’UPAC trois jours après la tenue du scrutin
général du 4 septembre dernier. La plainte découle d’une recommandation de la
sous-ministre de l’Éducation, Louise Pagé, à la suite d’une vérification
qu’elle a menée dans ce dossier à la mi-août. Dans son
rapport remis deux semaines plus tard à la ministre d’alors, Michelle
Courchesne, et dont Le Devoir a obtenu copie, Mme Pagé conclut à un manquement
important : l’acte de vente n’incluait pas une clause réglementaire de premier
refus, ce qui a permis à Catania d’empocher un million de dollars, soit « un
profit indu aux dépens des fonds publics ».
Pour y
parvenir, Catania a vraisemblablement bénéficié d’un coup de main soutenu de la
part des libéraux, comme tend à le démontrer la chronologie des événements
ainsi qu’elle a été établie dans le rapport. Le dossier
démarre en 2001 alors que la
Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Montérégie inspecte une
école de la Commission
scolaire Riverside (CSR) et conclut à une contamination fongique rendant
l’immeuble impropre à l’enseignement. Dès lors, la CSR veut s’en départir. Un
appel d’offres public est lancé puisque l’arrondissement de Brossard (Ville de
Longueuil), à qui a d’abord été offert l’immeuble, n’est pas désireux de
l’acquérir.
Un
acheteur est choisi en 2004. Il s’agit de l’entreprise Habitations Stephan
Lavoie qui projette d’y construire une résidence pour personnes âgées. Tout
suit son cours et, un an plus tard, le ministère de l’Éducation recommande au
ministre Jean-Marc Fournier d’autoriser la vente. Il en informe également la
députée de La Pinière,
Fatima Houda-Pepin.
Cette
dernière prend alors une initiative qui va tout bousculer. Mme Houda-Pepin rencontre
la CSR pour
présenter « un projet alternatif d’un centre communautaire (gymnase et terrain)
», et ce, même si l’arrondissement n’est pas intéressé. Cette intervention
freine la transaction déjà enclenchée, ce qui impatiente l’acheteur. Ce dernier
dénonce la députée et présente même au ministre Fournier une mise en demeure
pour « des délais inhabituels et inacceptables » ainsi que des « pressions
politiques ».
Mais rien
n’y fait. Le ministère de l’Éducation ouvre la porte à un changement d’orientation.
On vérifie auprès du maire de l’arrondissement Brossard nouvellement élu,
Jean-Marc Pelletier, l’intérêt pour le terrain. Brossard veut mettre la main
sur le terrain, mais la CSR
ne le souhaite pas. Qu’à cela
ne tienne, le ministère recommande désormais au ministre Fournier de vendre à
Brossard. Le dossier prend donc une nouvelle orientation à l’hiver 2006. En
janvier 2007, l’offre d’achat de la municipalité est échue sans qu’il y ait eu
entente, ce qui clôt le dossier.
Une
semaine plus tard, la Fondation
F. Catania présente un projet d’offre d’achat conditionnelle
à l’obtention d’une subvention gouvernementale d’environ deux millions. L’idée
de Mme Houda-Pepin est maintenant portée par Catania, à moins que ce ne soit
Catania qui ait soumis le concept à la députée. Mais cela, le rapport ne
l’indique pas. Chose
certaine, Michelle Courchesne, qui a pris le relais de son collègue Fournier,
autorise alors la vente de gré à gré à Catania. Le 16 juillet 2008, Catania
achète l’immeuble pour 600 000 $ avec l’appui de la ministre des Affaires
municipales d’alors, Nathalie Normandeau, qui lui a promis une subvention 3,8
millions.
Un an plus
tard, Catania abandonne son projet communautaire et choisit plutôt de faire
fructifier son investissement. Il vend la propriété pour 1,6 million à un
promoteur immobilier désireux d’y construire des condos. Alerté par
les médias en février 2010, le ministère de l’Éducation demande au ministère de
la Justice
d’évaluer la possibilité d’annuler la transaction. Six mois plus tard, le jour
même où Jean-Marc Fournier devient ministre de la Justice, le dossier est
classé. On invoque alors les « nombreuses suppositions et hypothèses et
l’incertitude qu’un tribunal en vienne à la conclusion que la vente effectuée
par la CSR doive
être frappée de nullité ».
Outre la
plainte à l’UPAC, la sous-ministre recommande dans son rapport de blâmer la Commission scolaire
Riverside pour ne pas avoir respecté les clauses du Règlement, comme le
précisait la lettre d’autorisation de la ministre Courchesne. Selon le rapport,
l’erreur relèverait à l’origine du directeur général de la CSR, Kevin Lukian. C’est ce
qui « a conféré à la
Fondation F. Catania le droit de revendre à profit le terrain
[…] sans devoir exercer auprès de la
CSR le droit de premier refus pourtant exigé ».
Source : LeDevoir