Les enquêteurs de la commission Charbonneau
ont de bonnes raisons de s’intéresser au maire Michael Applebaum. En 2003, il a
participé à une activité de financement très privée au restaurant La Cantina, un point de chute
du clan mafieux des Rizzuto. M. Applebaum a exprimé le
souhait de faire de la politique autrement depuis son élection à titre de maire
indépendant. Ses efforts pour redresser la métropole sont freinés par son
association de onze ans avec Union Montréal, un parti miné par les scandales.
Le 28 août 2003, l’Union
des citoyens de Montréal (l’ancêtre d’Union Montréal) a organisé une activité
de financement à La Cantina,
propriété de Federico Del Peschio. Ce proche du clan Rizzuto a été assassiné
dans le stationnement de son établissement, en août 2009.
M. Applebaum accompagnait
le maire Gérald Tremblay, son frère Marcel Tremblay et le président du comité
exécutif, Frank Zampino, aujourd’hui accusé de fraude pour la vente au rabais
des terrains du Faubourg Contrecoeur. Sa présence à l’activité de financement
détonne. En 2003, il siégeait à titre de simple conseiller, et il présidait le
Comité consultatif en urbanisme de son arrondissement tout en poursuivant ses
activités professionnelles de courtier immobilier.
« On m’a demandé d’aller là
comme élu. J’y suis allé. Je n’étais pas au courant… Je n’avais pas de doute
sur cet établissement », a-t-il expliqué lors d’un entretien au Devoir.
M. Applebaum n’a aucun
souvenir de l’identité de la douzaine de convives présents à La Cantina, ni même des
raisons pour lesquelles ils voulaient rencontrer les élus. « Frank [Zampino]
les connaissait plus que les autres, a-t-il dit. Il y avait différents hommes
d’affaires qui étaient là, mais personne en particulier [dont je me souvienne].
Je ne suis pas très bon avec les noms. »
« Ça fait longtemps », a
enchaîné le maire, soulignant qu’il n’est pas très « sociable » de nature.
Joint en soirée, Marcel
Tremblay a lui aussi affirmé n’avoir conservé aucun souvenir de l’événement,
sinon un détail. « Il y avait des personnes qui étaient d’aucune communauté
sauf de la communauté italienne. C’est tout », a affirmé M. Tremblay. Selon le rapport financier
de l’UCIM pour 2003, 12 donateurs ont versé 1000 $ chacun lors de l’événement,
tandis qu’un treizième (anonyme) a versé 500 $, pour un total de 12 500 $. Le
Devoir n’a pu établir l’identité des gens d’affaires en question.
Déjà à cette époque, il
était de notoriété publique que La
Cantina était fréquentée par la mafia. Le présumé parrain
Vito Rizzuto s’y rendait régulièrement. Michael Applebaum jure
qu’il n’en savait rien. « Je ne savais pas jusqu’à ce que quelqu’un [Del
Peschio] soit tué », a-t-il dit. Il se montre hésitant à condamner le manque de
jugement d’Union Montréal, même a posteriori. « Je n’ai pas de commentaires sur
le passé », a-t-il ajouté.
M. Applebaum est retourné
une deuxième fois à La Cantina,
même s’il n’aime pas les mets italiens, a-t-il précisé. C’était pour rencontrer
Vincenzo Guzzo, vice-président des cinémas Guzzo, qui voulait devenir membre de
l’organisation caritative des Shriners.
Le Devoir révélait vendredi
que M. Applebaum fait
l’objet d’une enquête de la commission Charbonneau pour son rôle
allégué dans des transactions immobilières douteuses dans son arrondissement de
Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. L’Unité permanente anticorruption (UPAC)
s’intéresse également au dossier.
Le maire a rencontré les
médias pour défendre de nouveau son intégrité lundi. « Je n’ai rien à me
reprocher, a-t-il réitéré. […] Pour moi, c’est clair que je ne suis pas sous
enquête de la commission Charbonneau. »
M. Applebaum a rencontré
les enquêteurs de la commission vendredi après-midi. Il était accompagné de ses
deux avocats, François Giroux et Gérald R. Tremblay, un ex-bâtonnier et une
sommité du droit au Québec.
AUCUNE PRESSION
M. Applebaum refuse de
divulguer toute information sur la rencontre, à la demande de la commission
Charbonneau, précise-t-il. À la suite de cet entretien, Me Tremblay a pris les
devants pour contacter l’UPAC. M. Applebaum assure qu’il
n’a jamais subi de pressions de la part de promoteurs ou de membres de la
mafia. À sa connaissance, il s’est retrouvé une seule fois en compagnie de
l’entrepreneur Tony Magi, que la police relie à la mafia, en 1994 ou 1995. M. Applebaum
s’opposait alors à un projet immobilier de M. Magi au 6332, rue Sherbrooke
Ouest. Cet édifice a logé la députée fédérale Marlene Jennings, et les députés
du Parti libéral du Québec Russell Copeman et Kathleen Weil.
Les déboires de Michael
Applebaum n’ont pas ébranlé la foi des partis d’opposition. Louise Harel et
Richard Bergeron ont discuté avec lui durant le week-end, et ils sont
satisfaits de ses explications.
« La bonne foi se présume.
C’est à la commission Charbonneau de faire son travail », a dit la chef de
Vision Montréal, Louise Harel.
« On fait confiance au
maire », a renchéri l’attachée de presse de Projet Montréal, Catherine Maurice.
En dépit des révélations du
Devoir, le comité exécutif de coalition reste donc intact.
L’EPIM: UNE ESCOUADE CRÉÉE DANS LA PRÉCIPITATION
L’escouade de protection de l’intégrité municipale (EPIM) est née sur les
chapeaux de roues… en cinq jours. Le maire de Montréal, Michael Applebaum, a annoncé sa création vendredi
dernier, en confirmant par la même occasion qu’il allait rencontrer les
enquêteurs de la commission Charbonneau quelques heures plus tard. La commande politique pour créer l’EPIM a été passée officiellement le lundi
précédent, soit le 7 janvier.
« Je voulais l’annoncer le plus vite possible, avant la composition du
comité-conseil [sur l’octroi des contrats]. Je ne voulais pas que quelqu’un me
dise d’attendre les recommandations du comité-conseil », a expliqué M.
Applebaum.
En moins de cinq jours, le directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM),
Marc Parent, et sa garde rapprochée ont jeté les bases de l’escouade assortie
d’un budget de trois millions de dollars, avec des effectifs d’une vingtaine de
civils et policiers. L’EPIM dispose d’un mandat si vaste qu’elle suscite un certain scepticisme.
Elle pourra enquêter sur l’attribution de tous les types de contrats à la Ville, sur les employés, les
élus et les fournisseurs de services. Elle pourra s’intéresser aux activités de
la Ville
centre, des arrondissements et des sociétés paramunicipales.
Le maire Applebaum ne s’inquiète pas outre mesure de l’ampleur des défis. «
C’est Marc Parent qui est arrivé avec ce budget et le nombre de personnes.
C’est lui qui a décidé de la charge de travail », se justifie le maire. Tout comme le SPVM, M. Applebaum voit l’EPIM comme une escouade complémentaire
au travail de l’UPAC et de la commission Charbonneau.
Source: LeDevoir