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UniversitÉs: augmentation de 150 % des salaires de direction

Une nouvelle étude démontre que les salaires de la direction
des universités ont augmenté de plus de 150 % au cours de la dernière décennie. C’est ce qui ressort des
états financiers des universités, compilés par la Fédération québécoise
des professeurs d’université (FQPPU) et dont Le Devoir a obtenu copie en marge
de la rencontre préparatoire sur la gouvernance et le financement des
universités qui se tenait à Sherbrooke vendredi.

LA MASSE SALARIALE DES RECTEURS

Ainsi, pour l’année
1997-1998, la masse salariale des recteurs, vice-recteurs et autres directeurs
des universités québécoises était de 129 millions. Douze ans plus tard, pour
l’année 2008-2009, la somme des salaires atteignait 328 millions, une
augmentation de 154 %.

Si l’augmentation est
phénoménale, le total de la masse salariale du personnel de direction et de
gérance, lui, reste assez marginal par rapport au budget global des
universités. Mais qu’à cela ne tienne, c’est « une valeur symbolique, un
révélateur », explique Michel Umbriaco de la FQPPU.

Selon lui, l’augmentation
des salaires des recteurs et des vices-recteurs « est encouragée par le
gouvernement du Québec » depuis près d’une dizaine d’années. « Le gouvernement
a dit aux universités : […] on va vous considérer comme des chefs d’entreprise.
Alors, les gens ont commencé à dire : si je veux un bon recteur, il faut que je
le paye. »

Pour Michel Umbriaco, il
s’agit d’un « scandale », dans la mesure où les universités ne sont pas des «
organisations marchandes ». Mais la
FQPPU déplore surtout l’écart entre la masse salariale des
directeurs et des professeurs, qui continue de se creuser de façon importante.
Il considère « normal » que les recteurs et vice-recteurs soient payés
davantage en raison de leurs responsabilités accrues, « mais de là à dire que
c’est des gens qui doivent être payés 3, 4, 5 ou même 6 fois le salaire des
professeurs titulaires », cela dépasse les bornes, s’indigne-t-il.

Bien qu’il reconnaisse que
certains recteurs peuvent être payés 200 000 $ ou 300 000 $ de trop par année,
Michel Umbriaco souligne que ce n’est pas tant l’augmentation des salaires de
recteurs qui est problématique que le nombre de nouveaux cadres engagés. « Ce qu’on nous répond, du
côté des universités, c’est que pour gérer la croissance, ça prend plus de
monde. Que le gouvernement demande plus de rapports – ce qui est vrai – et des
redditions de comptes aux trois mois. Ça prend donc plus de personnel. »

CHARTE DES UNIVERSITÉS

Cette question de reddition
de comptes a été au coeur des échanges lors du forum sur la gouvernance et le
financement des universités, qui réunissaient pendant deux jours une centaine
d’acteurs gravitant autour du milieu de l’éducation postsecondaire en vue du
sommet sur l’éducation qui se tiendra à Montréal les 25 et 26 février
prochains.

Plusieurs groupes ont
demandé au ministre de mieux encadrer les institutions universitaires. Dans
cette optique, la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec (CREPUQ) a proposé la création d’un Conseil des affaires unies du
Québec, une version revue et améliorée de la commission d’évaluation des
universités que réclamait la
Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).

De son côté, la Fédération québécoise
des professeurs d’université (FQPPU) a proposé au gouvernement d’adopter une
charte nationale de l’université québécoise qui clamerait « haut et fort et
collectivement les valeurs qui fondent l’université ». Cette idée a également
suscité l’intérêt du ministre de l’Éducation, qui y voit un « instrument » de
ralliement pour « être dans la vision ». Les groupes présents se
sont également entendus sur la nécessité de revoir la formule de financement
des universités, bien que les recteurs estiment toujours que « le problème de
sous-financement est de loin plus important que la révision de la formule de
répartition ».

TAXER LES ENTREPRISES ?

La table de concertation
étudiante du Québec (TACEQ) a lancé l’idée de taxer les entreprises, qui
profitent du travail des diplômés, pour financer les études supérieures. La TACEQ souhaite bonifier le
Fonds de services de santé (FSS), une taxe sur la masse salariale que les
entreprises payent déjà pour y inclure l’éducation postsecondaire.

Cette proposition a fait
bondir le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, avant
même que celle-ci n’ait été présentée. « Je sais qu’il y en a qui vont arriver
avec la situation des [fonds de services de santé], a-t-il lancé d’un ton
exaspéré. Pourquoi on n’augmenterait pas les taxes sur la masse salariale ?
Pourquoi on n’ajouterait pas un petit 1 % ? Eh bien, la réponse est là : parce
que les employeurs au Québec payent déjà 45 % plus cher que partout ailleurs au
Canada en matière de taxes en masse salariale. Il y a une petite limite quelque
part ! »

Interrogé sur cette
proposition, le ministre Pierre Duchesne a soutenu qu’elle demandait à « être
travaillée » puisqu’elle ne suscitait pas l’adhésion d’un grand nombre de
participants. Enfin, sur la question des compressions de 124 millions, revenues
à maintes reprises dans les conversations ces derniers jours, le ministre n’a
pas nié qu’il y aurait de nouvelles compressions pour la prochaine année
financière. Mais il refuse de laisser de ces « guerres de chiffres » venir
assombrir son sommet sur l’éducation. « Je [vous] demande de ne pas laisser
votre regard être hypnotisé par ces 16 à 18 prochains mois [qui vont être
difficiles]. Il faut relever la tête et se donner un horizon. Le sommet nous
permet de faire ça. »

Source : LeDevoir