L’ingénieur Michel Lalonde, président de Génius conseil, a admis devant la Commission Charbonneau,
mercredi, que son entreprise, en étant permissive ou « accommodante »
envers des entrepreneurs en construction dans la région de Montréal, a pu
contribuer au financement d’un parti politique avec de l’argent comptant. Et il a
aussi affirmé s’être fait demander une somme de 100 000 $, à l’automne 2004,
par l’ancien directeur du financement du parti Union Montréal, Bernard
Trépanier, pour préparer les élections municipales de 2005.
M. Trépanier lui
aurait même précisé: « les plus grosses (firmes de génie), on va demander
200 000 $ ». Et, par la
suite, M. Trépanier lui a demandé une somme équivalant à trois pour cent de la
valeur de ses contrats de services professionnels pour les grands projets
d’infrastructures de la ville centre. La somme
de 100 000 $ a été versée « en cinq ou six versements », car Génius est
une firme de taille moyenne, qui compte aujourd’hui 75 employés. Les
versements étaient faits en argent comptant par M. Lalonde, dans une enveloppe
ou une mallette, au bureau de Bernard Trépanier, qui glissait l’argent dans son
tiroir, a-t-il précisé.
« Il
nous a toujours dit que c’était pour la caisse électorale. On faisait confiance
au processus », a témoigné M. Lalonde, dont l’entreprise s’appelait
auparavant Groupe Séguin.
DE L’ARGENT JUSQU’AU MILIEU 2009
Et fait
étonnant, même si M. Trépanier a officiellement quitté son poste de responsable
du financement d’Union Montréal en juin 2006, M. Lalonde assure qu’il a continué à lui
donner de l’argent jusqu’au « milieu 2009 ». « Ça
n’a rien changé; ça a continué comme avant » et Génius a continué à avoir
autant de contrats qu’avant de la
Ville de Montréal, a répondu M. Lalonde au commissaire Renaud
Lachance qui lui a demandé s’il ne s’était pas questionné face au fait que M.
Trépanier continuait à toucher de l’argent de lui, alors qu’il n’occupait plus
cette fonction au parti Union Montréal.
Il a
également raconté avoir participé à diverses activités de financement du parti
en donnant des chèques au nom des employés de la firme de génie qui résidaient
à Montréal. Quand il n’y avait pas assez d’employés montréalais pour l’argent
demandé, on passait à l’argent comptant, a relaté le témoin. Le
commissaire Lachance a d’ailleurs relevé le fait que l’ingénieur parlait des
contributions politiques comme d' »un investissement » pour sa firme,
puisqu’elle lui permettait d’obtenir en retour des contrats.
M. Lalonde
a aussi confirmé l’existence d’un système de collusion entre les entrepreneurs
qui faisaient affaires à Montréal, dans les domaines des égouts, du pavage et
des trottoirs. « Au-delà des rumeurs, les entrepreneurs nous en glissaient
un mot. » Il a
également reconnu que les coûts des contrats à Montréal étaient plus élevés à
cause de ces différents systèmes, sans compter la circulation plus dense et les
fermetures de rues plus complexes. « Travailler à Montréal, ça coûte plus
cher que travailler en banlieue, mais en plus de ça, il y a un 25 à 30 pour
cent » de plus, a-t-il avoué à la juge France Charbonneau.
Pour
parvenir à dégager les sommes nécessaires au financement des partis politiques,
Génius devait se montrer « accommodante » avec les entrepreneurs en
construction de Montréal, c’est-à-dire autoriser des « extras » aux
contrats: quantités exagérées de matériaux, interprétation plus libre des
travaux à réaliser, etc. Et après
avoir été ainsi « accommodant » avec les entrepreneurs, « on a
retiré 25 pour cent de ces montants-là » en argent comptant. Et c’est cette
somme équivalant à 25 pour cent qui servait au financement des partis
politiques municipaux, a-t-il expliqué.
Plus tôt
dans la journée, la commission avait entendu la policière Isabelle Toupin sous
ordonnance de non-publication. Celle-ci a témoigné depuis mardi du dossier du
Faubourg Contrecoeur, un vaste projet immobilier
situé dans l’est de Montréal, qui se trouve devant les tribunaux.