Ça existe encore de bons suspenses
psychologiques, de bons réalisateurs qui parviennent à berner le spectateur et
à l’étonner, des directeurs photo inventifs et des acteurs sensibles!
Heureusement qu’on a Steven Soderbergh pour nous le rappeler parce que depuis
le début de l’année, on en doutait. Soderbergh est
l’un des plus grands réalisateurs américains de son temps et ce petit film
discret et pourtant puissant nous le prouve encore aujourd’hui.
Le cinéaste
contrôle son public, l’entraîne sans résistance dans son univers psychotique
sans jamais l’abandonner au profit de quelques fioritures – stéréoscopiques ou
autres – qui font jouir les producteurs et autres collecteurs. Le réalisateur
est dévoué à l’art, mais construit un cinéma intelligent et accessible, autour
d’une histoire pertinente; que demander de plus! Peut-être un brin de constance
et un léger resserrement en fin de parcours, mais vraiment, ce n’est qu’un
commentaire superficiel face à la cohérence globale du récit et ses échos
favorables dans la technique.
Le son, la lumière,
la profondeur de champ, la musique; tout dans le visuel de Side Effects relève du génie, de l’intelligence et
de la perspicacité cinématographique d’un grand metteur en scène. Il y a des
dizaines, plutôt des centaines de façons de positionner une caméra au sein d’un
plan, et Soderbergh la place généralement là où l’oeil
humain n’aurait pas instinctivement trouvé refuge. Il déstabilise le
consommateur de cinéma, mais aussi l’humain qui approche l’existence d’une
certaine façon et considère celles des autres aussi différemment. Sa manière de
ne pas restreindre les personnages à des dialogues unilatéraux où l’on
parle après que l’autre ait terminé (dans ses films, les protagonistes parlent
souvent au même moment), permet toujours à ses films de s’élever au-delà la
fiction traditionnelle et de s’approcher d’autant plus de la réalité.
Rooney Mara,
découverte dans The Social
Network, livre une performance renversante. Entre sournoiserie et démence, son
personnage en est un instable et pourtant, attachant. Jude
Law est aussi fort
convaincant dans le rôle d’un psychiatre qui n’hésite pas à prescrire des
antidépresseurs à ses patients atteints du mal de vivre. Le film lance un débat
sur la surconsommation de médicaments dans la société contemporaine mais ne s’y
attarde pas, ne joue pas au prêcheur, ni au moralisateur. Il n’est qu’un
intermédiaire, quelque part entre le problème et la solution.
Side Effects possède très peu de lacunes, mais l’une
d’entre elles dérange plus que les autres; l’explication enfantine qu’on nous
sert en fin de parcours pour permettre à tout le monde – même à celui qui ne
suivait pas, il semblerait – de comprendre l’issue de l’œuvre. Revenir sur des
scènes qu’on nous a déjà montrées pour s’attarder sur les éléments qui auraient
pu nous échapper est un exercice plutôt amateur pour un réalisateur de la
trempe de Soderbergh. Le cinéaste n’a pas l’habitude
d’infantiliser le spectateur et quand il le fait, c’est presque insultant. Mais
bon, comme les longueurs et l’irrégularité, on pardonne rapidement à celui qui
nous livre ce cadeau si prometteur pour l’année cinématographique qui nous attend
(de toute façon, ça peut difficilement être pire que l’an dernier)…