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PremiÈre quÉbÉcoise : dead man walking

Dead Man Walking narre la
rencontre improbable entre une religieuse éprise de justice et un assassin. Le
récit bouleversant de Soeur Helen Prejean, adapté au cinéma avec succès, a valu
à Susan Sarandon l’Oscar de la meilleure actrice en 1996. En 2000, le
dramaturge Terrence McNally, déjà connu des lyricophiles pour sa pièce Les
leçons de Maria Callas
, réécrit l’histoire pour en faire son premier livret
d’opéra. Le compositeur américain Jake Heggie le met en musique, signant un
oeuvre à la fois complexe et accessible.

Pas étonnant que ce drame de courage
et de passion ait été repris près de 30 fois depuis sa création. À la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, les 9, 12, 14 et 16 mars 2013, 19 h 30.

Sur
scène, devant et derrière les barreaux, une distribution entièrement
canadienne, où l’on reconnaîtra plusieurs anciens membres de l’Atelier lyrique
de l’Opéra de Montréal. Dans les rôles principaux, Allyson McHardy, mezzo très
en demande sur les scènes du monde entier, incarne Soeur Helen, et le baryton
Étienne Dupuis, étoile non seulement montante mais confirmée, endosse
l’uniforme de prisonnier de Joseph De Rocher. Autour d’eux, Kimberly Barber (la
mère de Joseph), Chantale Nurse (Soeur Rose), Mariateresa Magisano (Kitty
Hart), Mia Lennox-Williams (Jane Boucher), Aidan Ferguson (Soeur Catherine),
John Mac Master (Father Grenville), Thomas Goerz (Owen Hart), Alain Coulombe
(George Benton), Kurt Lehmann (Howard Boucher) et Philip Kalmanovitch (un
policier).

L’Orchestre Métropolitain et le Choeur de l’Opéra de Montréal sont
sous la direction du chef britannique Wayne Marshall. Alain Gauthier règle la
mise en scène, dans des décors de Harry Frehner et Scott Reid (qui signe aussi
les costumes), éclairés par Éric W. Champoux. Chaque
représentation est précédée d’un préOpéra par le musicologue Pierre Vachon au
Piano Nobile de la salle Wilfrid-Pelletier à 18 h 30 (en français avec résumé
en anglais. Gratuit pour les abonnés, 5 $ pour les non-abonnés).

L’HISTOIRE

Une
jeune religieuse travaillant avec les déshérités devient la correspondante de
Joseph De Rocher, condamné pour meurtre et en attente d’être exécuté. Bravant
la controverse, elle va à sa rencontre et devient son guide spirituel. Arrogant
et insoumis, De Rocher refuse d’abord d’assumer sa responsabilité et même de
reconnaître sa culpabilité. Au fil de ses rencontres avec le prisonnier, avec
les parents des victimes et avec la famille de Joseph, Soeur Helen accomplit un
intense voyage intérieur et aide Joseph à trouver son chemin vers la
rédemption.

UN COMPOSITEUR D’OPÉRA DU XXIe
SIÈCLE

Né en 1961, Jake Heggie a composé les opéras Moby
Dick
, Dead Man Walking, Three Decembers, The End of the
Affair
et To Hell and Back. Son catalogue comprend aussi quelque 200
mélodies, des pièces pour orchestre, pour choeur et de la musique de chambre.
Récemment, le Dallas Opera lui passait la commande d’un nouvel opéra, Great
Scott
, dont la création est prévue pour 2015. Les opéras de Heggie ont été
acclamés en Australie, au Canada, au Danemark, en Allemagne, en Suède, en
Irlande, en Autriche, en Afrique du Sud, de même que sur plus d’une douzaine de
scènes américaines dont le San Francisco Opera, le New York City Opera, le
Houston Grand Opera, le Dallas Opera, le Seattle Opera, Fort Worth Opera, le
Cincinnati Opera, le Pittsburgh Opera, le Austin Lyric Opera et le Madison
Opera. 

Dead Man Walking à lui seul a été représenté près de 150 fois
depuis sa création à San Francisco en 2000, ce qui en fait le deuxième opéra
américain le plus souvent monté – Jake Heggie étant par ailleurs le compositeur
d’opéra vivant le plus représenté au monde. Le librettiste Terrence McNally a
plusieurs fois montré dans ses oeuvres son intérêt pour le monde de l’opéra
avec trois pièces sur le sujet : Master Class (monté ici sous le titre Les
leçons de Maria Callas
), The Lisbon Traviata (qui raconte l’histoire
d’un amateur d’opéra passionné) et Golden Age (où on assiste à un
épisode de la vie de Bellini, l’auteur de Norma). Après avoir écrit les
livrets d’une grande quantité de musicals à succès pour Broadway (Kiss
of the Spider Woman
, A Full Monty, Ragtime, entre autres),
des pièces de théâtre couronnées de multiples récompenses, des scénarios pour
le cinéma et la télévision, McNally signe ici son tout premier livret d’opéra.
Son coup d’essai est un coup de maître.

CRIME ET CHÂTIMENT

Les
scènes de prison abondent à l’opéra, de Fidelio au Dialogues des
Carmélites
, en passant par Faust et Billy Budd. On y
rencontre aussi des exécutions, la plupart du temps en coulisses – celle du
rôle-titre de Andrea Chénier – mais parfois aussi sur scène, comme celle
de Cavaradossi dans Tosca. Mais jamais un opéra n’était allé aussi loin
que Dead Man Walking. Depuis l’horrible double meurtre du prologue
jusqu’à la scène de l’exécution par injection létale, d’une froideur clinique
insoutenable, la mort est présente sur scène. À la fin de la première
représentation à San Francisco, des spectateurs pleuraient sans retenue.

Jamais
non plus un compositeur n’avait osé situer son oeuvre aussi proche du moment
présent. Toutes les morts mentionnées plus haut avaient lieu dans un passé
historique lointain, voire dans un monde imaginaire. Mais Jake Heggie choisit
un thème percutant, digne de la première page d’un quotidien d’aujourd’hui ou
du téléjournal. La réalité sur scène rejoint la réalité dans la rue : le soir de
la première, en face du War Memorial Opera House, des opposants à la peine de
mort tenaient une veille aux flambeaux. Une fois le rideau baissé, Soeur Helen
n’a eu qu’à franchir les portes du théâtre pour aller les rejoindre.

ET L’AMOUR?

Dead
Man Walking
est
une oeuvre de théâtre musical absolument vivante et passionnante. La mélodie y
est présente, que ce soit par l’hymne gospel qu’on entend au début et à la fin
de l’opéra, la chanson populaire qui joue à la radio pendant le prologue, de
même que les vibrantes envolées lyriques des arias dignes des compositeurs du
bel canto et les ensembles qui émaillent l’oeuvre. Fait intéressant : au moment
de l’exécution, l’orchestre ose silence, comme si le compositeur avait jugé que
le pouvoir d’expression de la musique atteignait là sa limite.

Dead
Man Walking
n’est
pas un pamphlet anti peine de mort, ni une oeuvre de propagande, malgré les
prises de positions très fermes de la femme qui l’a inspirée. C’est un drame
qui saisit les nuances et les subtilités, voire l’humour, à l’intérieur et tout
autour de son puissant thème central. Et comme dans tout opéra, il est question
d’amour, même si c’en est un à des lieues de tout sentiment romantique. Outre
l’amour de la justice et de la vérité qui anime l’héroïne, on voit naître un
amour très chaste entre les deux protagonistes, à la fois filial et spirituel.
Et c’est en toute logique que, au moment de sa mort, les derniers mots de
Joseph De Rocher à Soeur Helen sont « Je vous aime ».

DEAD MAN WALKING
Opéra en 2 actes de Jake Heggie (né en 1961)
Livret de Terrence McNally d’après le livre La dernière marche de soeur Helen Prejean
Créé au War Memorial Hall Opera House, San Francisco, le 7 octobre 2000
Chanté en anglais, avec surtitres français et anglais
Production : Fort Worth Opera
Première à l’Opéra de Montréal et au Québec