Vingt
ans après son premier album, plutôt
que de refourbir ses plus grands succès réarrangés, remixés,
en duo ou filmés en concert au bout du monde, Axelle
Red a fait plus juste pour célébrer cet anniversaire : écrire
40 chansons, en enregistrer 16 et en livrer 10 sur ce nouvel
album qui revisitent les différents styles jusque-là embrassés
par sa carrière très diverse, tout en réussissant un album
semblable à aucun autre, ruisselant de cette French Soul si
particulière qu’elle conjugue de manière unique et avec panache
depuis déjà deux décennies.
Réalisé
par Mark Plati (Bowie, The Cure, Rita Mitsouko, Françoise
Hardy, Bashung, Gaëtan Roussel), Rouge Ardent marque
pour les fans d’Axelle Red un retour à la soul pop de ses plus
grands succès. « Je me suis mise au piano, contrairement à Un cœur comme le
mien, album
très engagé où la musique était au service de ce que je voulais raconter, et
que j’avais écrit à
la guitare. Je voulais des chansons ramassées, courtes. J’ai travaillé avec une
grande liberté.
Je me suis beaucoup amusée. » Elle les a ensuite enregistrées en anglais pour dynamiser
la métrique et les sonorités, avant de passer au stade le plus délicat, celui
des paroles,
en français. « Il faut que j’attende le dernier moment pour ne pas risquer de
perdre le feeling
nécessaire. C’est un très grand travail, qui me prend beaucoup de temps. J’aime
l’idée d’appartenir
à cette tradition de la chanson française, initiée par Gainsbourg, Nino Ferrer, Véronique
Sanson, Michel Berger. »
Il
fallait donc que l’inspiration vienne d’ailleurs. Pour se donner une
perspective globale et à l’album
un propos éditorial, Axelle s’est alors projetée dans le rôle de l’amour
d’enfance du héros de Into
The Wild, film de Sean Penn chroniquant l’histoire vraie de Christopher McCandless, américain
de 22 ans parti éprouver la solitude de la Nature en Alaska. Présents sur
l’album précédent,
Gérard Manset (auteur de « Je te l’avais dit »), Christophe Miossec et Stefan
Eicher (co-écriture
pour « De mieux en mieux ») contribuent également, tout comme Albert Hammond (« Ce
cœur en or », « Je te l’avais dit »), avec lequel elle avait co-composé
quelques-uns de ses principaux
tubes.
Axelle
s’est ressourcée auprès de ses Memphis Boys: Steve Potts (batterie – Booker T),
Lester Snell (claviers – Isaac Hayes, Albert King, Zucchero,
Rod Stewart, John Mayer), Teenie Hodges (guitare – co-auteur de « Take Me To the River » et de
« Love and Happiness » avec Al Green) et les
Memphis Horns. Au Royal Studios du légendaire producteur et arrangeur Willie
Mitchell, « je suis
amie avec toute la famille : Ann Peebles vient m’encourager pendant mes prises
de voix, tout le
monde passe. » Stu Kimball, guitariste de Dylan, est descendu de Nashville,
comme les a rejoint
Jack Ashford percussionniste des Funk Brothers, pour donner naissance à ce
syncrétisme musical
singulier d’Axelle, jamais mieux exprimé que dans « Amour profond », synthèse
entre la deep
soul memphisienne et la black pop de Détroit.
Si
Axelle n’existait pas, il faudrait l’inventer. Le Rouge Ardent de sa chevelure
et de sa personnalité,
elle les promène partout sur la planète, du Stade de France où elle a
interprété « La cour des
grands » en duo avec Youssou N’Dour pour l’ouverture de la Coupe du monde de football
98 au Sportpaleis d’Anvers et au Palais des Congrès de Paris où elle se
produisait en compagnie
des légendes soul Wilson Pickett, Sam Moore, Eddie Floyd, Percy Sledge et Ann Peebles,
du parvis du château de Versailles où elle chantait pour Live 8 à celui du
Palais Royal de
Bruxelles à l’occasion du concert 0110 pour la tolérance, jusqu’au Sénégal pour
Oxfam, en Haïti,
au Laos, en Thaïlande, au Cambodge, au Niger, au Congo, au Libéria, au Sri
Lanka, en Sierra
Leone, pour l’UNICEF dont elle est ambassadrice depuis 1997, et aussi à
Memphis, berceau
de la musique américaine qui l’a nourrie, où elle est retournée pour ce nouvel
album, à la
recherche « de ce qui est devenu mon son ».
Limbourgeoise,
Flamande, Belge, titulaire d’une maitrise en droit, élevée au son d’Elvis, de
Stax, Motown,
d’Isaac Hayes et du Tapestry de Carole King, détentrice d’une Victoire de la
Musique (meilleure
artiste féminine 1999) et d’un NRJ Music Award pour son duo emblématique avec Renaud
(« Manhattan-Kaboul »), chevalier des Arts et Lettres, décorée de l’ordre de la Couronne,
icône de la mode (contemporaine notamment des 6 d’Anvers, elle est le sujet
d’une exposition
au Musée de la mode d’Hasselt, sa ville natale), Axelle Red n’a cesse de
transposer et de
faire partager cette musique américaine qu’elle aime tant, de la soul pop qui a
fait sa gloire à une
bossa aux accents Burt Bacharach et à un certain folk rock, de Woodstock en
Californie, que ne
renieraient pas les Eagles, ni Fleetwood Mac. « La musique, c’est très physique
», dit-elle au
téléphone depuis la ferme de Bruxelles où elle vit et travaille. « Je le vois
avec mes enfants. Ça ne
s’explique pas. » C’est Rouge. Ardent. Yves Bigot.