LM Quand
vous regardez derrière vous, entre votre arrivée en politique en 1994 avec Vision
Montréal et ce que vous voyez maintenant, auriez vous imaginé la politique de
cette façon?
AS
D’abord je dois vous dire que je m’intéresse à la politique depuis que j’ai
l’âge de neuf ans. Ma mère était une organisatrice libérale à Laval.
J’assistais aux assemblées et rendue à 14 ans, je donnais des formations aux
scrutateurs. Ç’a toujours été en moi. À mes débuts, je croyais pouvoir changer
le monde.
Puis on se rend compte que ce n’est pas si facile, de faire bouger
les choses. En politique, chez d’autres, c’est pourquoi faire simple quand on
peut faire compliquer? J’ai appris à écouter les fonctionnaires autour de moi.
On a de véritables professionnels chez nous. En apparence, ç’a l’air de rien de
poser un stop au coin d’une rue, mais on apprend ensuite que ça engendre des
effets inattendus. C’est pour ça qu’il faut consulter beaucoup avant de faire
un pas.
LM
C’est sans doute ce qui a donné l’excuse
aux politiciens corrompus de prétexter entre autres que pour les appels
d’offres, on se fiait aux autres pour l’expertise, faute d’avoir des
connaissances soi-même.
AS
Pas vraiment, jusqu’à ce que sous Zambito on fasse le ménage des fonctionnaires
compétents et honnêtes. Nous avions des spécialistes capables de bien nous
informer. Mais on les a remplacés par d’autres, qui trafiquaient les
estimations et livraient ensuite l’information souhaitée par les politiciens
corrompus. Mais en ce qui me concerne, je voyais très bien qu’il y avait des
dépassements considérables pour la réfection des trottoirs et j’ai dit non à M.
Milioto, pour vous donner cet exemple. Les citoyens, je le comprends, sont
devenus cyniques. Mais je puis vous assurer qu’il y a de très bonnes
compétences parmi les fonctionnaires et les politiciens. Ce n’est pas tout le
monde qui est corrompu.
LM
On a appris qu’on envisageait de faire
effectuer désormais des travaux de voirie par les cols bleus. Quand on sait
tout le folklore entourant ceux-ci, avec quatre gars qui regardent un cinquième
dans un trou, n’est-ce pas remplacer un mal par un autre?
AS
Je ne crois pas. Dans mon arrondissement, j’ai une formidable équipe de cols
bleus. Et je crois que c’est dans leur intérêt de démontrer qu’ils sont
capables de bien faire le travail. Si les travaux à faire prennent de
l’ampleur, on n’aura peut-être plus besoin de soumissionner ailleurs, et même
le volume de travail fera peut-être en sorte de créer de l’embauche. Et le
président du syndicat, Michel Parent, est très parlable. Il y a une bonne volonté manifeste. Ce qui n’a pas
toujours été le cas avant.
LM
Pourquoi avoir quitté Vision Montréal?
AS
J’étais dès le départ contre cette idée de coalition. Michael Applebaum, qui
tenait tant à la mairie, est allé jusqu’à renier sa formation pour devenir
indépendant. C’est un habile stratège, mais en même temps ça en dit long sur
ses ambitions. Madame Harel me demandait de poser des questions percutantes à
l’exécutif, mais ça n’avait pas de bon sens, puisque de mes collègues du parti
s’y trouvaient. Elle a tenté de me garder en me proposant des postes
alléchants, mais moi on ne m’achète pas. J’ai des convictions. Mes patrons ce
sont les citoyens et c’est pour eux que je suis en politique. La politique, en
passant, c’est plus qu’une simple job, c’est une passion.
LM
On dirait justement que depuis la
coalition en place, qu’il n’y a plus d’opposition. Applebaum l’a complètement
muselée.
AS
Il y a une rumeur qui s’intensifie à l’effet que Louise Harel et Michael Applebaum
vont se présenter ensemble en novembre prochain. Qui des deux prendra la mairie?
Je l’ignore. Alors ceux qui veulent croire le maire quand il dit qu’il ne se
représentera pas…
LM
Et la venue de Coderre, ça vous dit quoi?
AS Ce serait du positif pour Montréal. Il est
très à l’aise avec les communautés culturelles. Il faut le voir s’exprimer
parfaitement en créole et en italien. C’est un Montréalais, un gars d’idées. Il
inspire un vent de fraîcheur. Et contrairement à ce que pense Louise Harel, son
éventuelle venue à Montréal n’est pas un choix B.
LM
Vous semblez même pas mal l’apprécier,
Denis Coderre. S’il venait à former un parti, le rejoindriez-vous?
AS
(Un rire léger). Attendez de voir dans quelques semaines, il y aura d’autres
déclarations. Disons que je considère que l’on fonctionne mieux au sein d’une
formation politique qu’en tant qu’indépendant…