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« la corruption À montrÉal remonte au temps de jean drapeau »

Michel Parent, président du syndicat des cols bleus de Montréal. Loin de penser avec ses muscles, c’est avec toute sa tête qu’il nous a dit le fond de sa pensée.  Vous ne verrez plus les cols bleus de la même façon.


LM –
ÊTES-VOUS ÉTONNÉ PAR CE QUE VOUS VOYEZ À LA COMMISSION CHARBONNEAU?

MP – Oui et non. Qu’il y ait de la corruption je ne suis pas étonné. Mais je ne pensais pas que la haute fonction publique était à ce point impliquée. Vous voulez que je vous dise quelque chose? La corruption était déjà là sous l’administration Drapeau/Lamarre. Mes prédécesseurs le voyaient bien et moi-même, qui commençait au sein du syndicat. C’était évident. Dans les années 70, nous étions 12 000 cols bleus juste pour la ville de Montréal, telle qu’elle se trouvait avant les fusions. On a tout fait pour réduire ce nombre, souvent par attrition, afin de donner notre travail en sous-traitance. On rêvait même d’amener ce nombre à  800 cols bleus! Avec le résultat que nous connaissons.

LM – VOUS SAVIEZ DONC, POUR LA CORRUPTION,
  
          MAIS VOUS NE LA DÉNONCIEZ PAS?

MP – Le syndicat a tenté à quelques reprises d’alerter les médias mais on n’était pas crédible, sous prétexte qu’on nous accusait de faire du corporatisme, de penser surtout à conserver nos membres. On ne nous écoutait pas. Et vous savez la différence entre un travail effectué par un col bleu et un autre réalisé par un entrepreneur du privé? C’est l’imputabilité. Nous, on n’a pas d’autre choix que de bien faire le travail, sinon on sera sanctionné. Comme ça se passe quand un employé ne donne pas le rendement attendu par l’employeur. Mais si un entrepreneur fait du n’importe quoi, ce n’est pas grave, on s’entendra pour qu’il poursuive les travaux en surfacturant. Je vous donne un autre exemple, l’affaire des compteurs d’eau. C’est nous maintenant qui les installons, et à moindre coût. Vous avez-vu combien le privé facturait pour le même travail?

LM – PARLONS DE CE QU’ON VOIT SOUVENT, QUATRE COLS BLEU

         AUTOUR D’UNE EXCAVATION QUI REGARDENT LE CINQUIÈME TRAVAILLER

         AU FOND DU TROU. VOUS N’AVEZ PAS UNE BONNE RÉPUTATION.

MP – Savez-vous que c’est sous le règne de Jean Drapeau qu’on a commencé à affecter trop d’hommes sur un travail à effectuer, justement dans le but de nous discréditer et de pouvoir se donner le feu vert de réduire le nombre de cols bleus? Ça revient à ce que je disais tantôt. On ne voit plus ça. La seule chose que les gens remarquent, par contre, ce sont les temps d’attente durant la journée. C’est tout simplement dû à une mauvaise coordination des gestionnaires. Nous on est souvent obligés d’attendre un appareil qui tarde à venir.

La Ville néglige tellement. Saviez-vous qu’autrefois, du côté des émondeurs, on accomplissait le travail jusqu’au bout? Si la crise du verglas a été si terrible du point de vue des branches d’arbres tombées, c’est qu’on ne s’était jamais réellement occupé des arbres. La Ville n’intervient que pour réparer l’essentiel, mais n’engage aucun travail de prévention. Autre preuve du mauvais planning, vous avez vu sur le boulevard Saint-Laurent ce qui s’est passé et ailleurs? On ouvre la rue pour des travaux de canalisation, on referme et qu’est-ce qui se passe? On est obligé de rouvrir le pavé parce que la Ville n’a pas consulté Hydro-Québec ou Gaz Métro, qui avaient des travaux à faire de leur côté. C’est complètement fou.

LM – LES CITOYENS SONT NONBREUX À SE PLAINDRE

         QUE LA VILLE EST MALPROPRE,

         QUE LES POUBELLES PUBLIQUES DÉBORDENT.

         MAIS QU’EST-CE QUE FONT LES COLS BLEUS?

MP – C’est exactement ce que je viens de vous dire, c’est de la mauvaise gestion. D’un arrondissement à l’autre c’est différent. Vous avez sur le Plateau le maire Ferrandez qui veut déblayer la neige le moins possible, tandis qu’un autre maire d’arrondissement se montrera plus soucieux. C’est pourtant simple à constater. Promenez-vous sur une grande artère qui traverse Montréal d’Ouest en Est. Eh bien vous vous apercevez qu’en passant d’un arrondissement à un autre, le changement est visible.

LM LE MAIRE PETER TRENT, DE WESMOUNT,

         A ÉCRIT UN GROS BOUQUIN: « LA FOLIE DES GRANDEURS »,

         SUR L’HISTOIRE DES FUSIONS À MONTRÉAL.

         ET IL RACONTE QUE LES COLS BLEUS POUSSAIENT AUX FUSIONS

         POUR ACCROÎTRE LE NOMBRE DE SYNDIQUÉS,

        ET DONC AUGMENTER LEUR POUVOIR.

MP – Ça n’a rien à voir. Car si on avait voulu, on n’avait pas besoin d’attendre les fusions pour faire du maraudage. Au contraire, les fusions et la création des arrondissements ont été une erreur de Jean Charest et source d’embêtement pour nous. Outre la grande convention collective standard, je dois négocier pour d’autres détails de la convention avec 19 arrondissements et aussi les négociations avec les 15 villes défusionnées. C’est un gâchis. Voyez-vous-même. Chaque arrondissement négocie pour l’achat de son asphalte, alors que s’il y avait une réelle coordination, on achèterait ensemble son asphalte d’un fournisseur en exerçant une pression à la baisse, vu le pouvoir d’achat.

LM – CONTRAIREMENT À VOTRE PRÉDÉCESSEUR, JEAN LAPIERRE,

          DONT ON VOIT LE BUSTE EN BRONZE DEVANT VOTRE IMMEUBLE, POINT LEVÉ,

          IL ME SEMBLE QUE VOUS SOUHAITEZ CHANGER L’IMAGE

          DE FIER-À-BRAS DE VOTRE SYNDICAT.

MP – Le monde change. Et on doit nous aussi changer notre approche. Quand les durs à cuire que nous avons mettent de la pression pour que je passe en mode plus radical je leur dis ceci : « O.K., on va mettre le feu à l’hôtel de Ville. Le lendemain ce ne sera que des ruines. Puis après? Est-ce que votre convention collective sera signée? »  Ça fait réagir les gars, qui se rendent bien compte que la violence n’est pas une solution. Je prône toujours le dialogue. Dans mes rangs j’ai des délinquants comme dans n’importe quelle organisation où on trouve des pommes pourries. Comme ceux qu’on a vu dormir sur la job. Je suis loin d’encourager ça. Remarquez en passant que ce n’est pas moi qui embauche le personnel. Je dois vivre avec le monde que j’ai.

Mais même un Jean Lapierre trouve que la réforme de nos façons de faire a du bon. Et on n’a pas à s’en prendre aux citoyens. Tout comme le futur maire idéal est celui qui cessera de faire de la politique et qui verra à l’intérêt public.