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La leÇon de courage de pier bÉland

On sait que la perspective de la mort en terrifie plusieurs. S’il y a une leçon de vie à retenir du passage sur Terre de la chanteuse c’est l’extraordinaire sérénité dont elle a fait face devant l’inéluctable. C’est très impressionnant, et c’est ce qu’on entend un peu partout comme réactions à la nouvelle de son départ. Une mort qui n’est évidemment pas une surprise, mais qui est survenue si vite. Je ne faisais par partie de ses intimes mais Je me rappelle l’avoir entendu dans un formidable spectacle qu’elle donnait dans un cabaret en Floride.

C’était il y a une vingtaine d’années. Et je me souviens d’avoir écrit alors mon regret qu’il n’y ait pas eu à Montréal de night club capable de produire un tel talent. Lorsqu’elle a fêté ses 50 ans, elle m’avait demandé gentiment de la présenter au Théâtre National. Je conserve le souvenir d’une fille extraordinairement gentille. Personnellement, outre ses qualités d’interprète je l’ai toujours trouvé très glamour. C’était même sa marque de commerce.

La dernière fois que je l’ai vu, c’est assez récemment lors du lancement du dernier tome des souvenirs de Paolo Noël. Elle venait de se faire donner un petit coup de pouce par la chirurgie plastique et elle donnait l’impression d’avoir vingt-cinq ans de moins. Elle m’avait lancée alors avec son franc-parler caractéristique « Comment trouve tu mon face lift ? ». C’était une nature qui n’avait pas froid aux yeux et je l’avais complimenté sur son new look. C’était partie pour longtemps. Mais la vie en a décidé autrement.

« THE SHOW MUST GO ON »

C’est jeune aujourd’hui de mourir dans la soixantaine. Et l’ironie dans tout ça c’est qu’on lance demain son dernier album. Mais voyez son attitude, elle a perpétué la règle du « the show must go on » en souhaitant que l’événement se déroule sans elle. D’après ce que j’ai entendu, tout ceux qui sont allés la voir ou qui lui ont parlé alors qu’elle se trouvait aux soins palliatifs ont été remué par ce degré d’acceptation.


« MAUDIT BORDEL »

Je ne manquerai pas de souligner à quel point elle a été pour beaucoup dans la carrière de Marie-Chantal Toupin quand elle lui a écrit sa très belle chanson « Maudit bordel », écrite sous un pseudonyme. Quand les gens ont su après coup qu’elle en était l’auteure, ils ont été stupéfaits. C’est là qu’on a pu réapprécier l’artiste dans toute l’acceptation du terme.


 

Je vous transmets un beau témoignage de mon ami Le journaliste Roger Sylvain qui a très bien connu Pier  :

LETTRE À MON AMIE PIER

 

Ma belle Pier,

 

 

 

Quel réveil brutal ce matin quand au bout du fil on me demande de commenter ton décès. En 43 ans d’amitié, c’est la première fois que tu me fais de la peine et c’ est même pas de ta faute. Tu n’as pas manqué ta sortie, la veille de ton lancement, t’auras eu le sens du « timing » jusqu’à la fin.

 

 

 

Je ne sais pas si tu étais consciente de l’affection que te porte le public québécois depuis toutes ces années. Bien sur tu as rempli tes salles, même la Place des Arts. J’m’en souviens , j’étais là. Tu as accumulé les disques d’or qui font preuve de popularité, puisqu’ils font foi des chiffres de ventes. Au fil de toutes ces années, t’as vendu un demi million et plus de disques.

Pas mal pour une chanteuse dont les disques ont très peu tourné à la radio et qui a été snobée et traitée de quétaine par une certaine élite artistique et humoristique. Tu leur a tous donné une grande gifle sans le vouloir. L’amour, l’affection qui a inondé les médias sociaux ces dernières semaines a du en faire rougir plusieurs. Y a longtemps que tu avais compris que le vrai « boss » dans ce métier, il s’appelle Monsieur et Madame Public. C’est pour lui et lui seul que pendant toutes ces années tu t’es appliquée à donner le meilleur de toi, sur scène comme sur disque. Tu as été fidèle et vraie.

 

 

 

La dernière fois qu’on s’est vus on a parlé de plein de souvenirs qu’on a partagés pendant notre longue et belle amitié. Quand je t’ai quittée, j’avais un sanglot dans la gorge et j’ai du ravaler parce je savais que tu ne voulais pas voir pleurer ceux que tu aimes et tu te contrôlais si bien que j’aurais eu honte de craquer.

 

 

 

Tu nous a, sans le vouloir, donné de grandes leçons de vie. Ta sérénité devant l’inévitable a désarmé beaucoup de monde. Ta lettre d’adieu à ton public a fait pleurer la Province en entier. C’était la première fois que ça se produisait. Tout le monde a été estomaqué. T’as tout organisé pour qu’André soit entre bonnes mains, t’as rien oublié. Quelle volonté et force devant la mort.

 

 

 


T’es partie ce matin, mais en fait tu ne partiras jamais complètement, une partie de toi va rester avec nous, tes chansons vont te garder « vivante ». Probablement qu’un jour, elles seront aussi interprétées par d’autres voix, mais on se souviendra toujours de Pier Béland.

Pierrot, merci de ton amitié durant toutes ces années, nos chemins se séparent aujourd’hui mais ils vont se croiser à nouveau. On se l’est promis. Comme tu me l’as si bien dit le jour où tu m’as annoncé ta mort prochaine : « quand le train passe et que c’est ton tour d’embarquer, t’as pas le choix… c’est mon tour et un jour ce sera le tien ». En attendant de se retrouver, j’ te dis : « Aurevoir mon amie et merci d’être passé dans ma vie ».

 

 

 

Ton « ptit  coco » comme tu m’appelais toujours,

 

 

 

Roger xxx

 



Dans ma vision de la Foi je sais que d’où elle se trouve, elle est maintenant une belle âme dont il faudra s’inspirer quand nous seront à notre tour tourmenté par les grandes questions existentielles. Sans prêchi prêcha, elle a donné par l’exemple ce grand héritage de prendre la vie pour ce qu’elle est, un simple passage. Le sien aura été réussi.

 

LE QUÉBEC PLEURE PIER BÉLAND

PIER BÉLAND: LE RÊVE INACHEVÉ