Dans les
deux dernières décennies, l’évolution des moyens de communication a
complètement modifié notre façon de transmettre de l’information, de la traiter
et de la recevoir. Les appareils portables (ordinateurs, téléphones intelligents
et tablettes électroniques) nous permettent de transmettre et de recevoir de l’information
en temps réel. Peu importe où l’on se trouve sur la planète, un simple accès à
Internet ou à un réseau cellulaire permet de lire courriels et messageries
instantanées ou de partager du contenu sur des réseaux sociaux. La
communication est partout, en tout temps.
Est-ce que
cette omniprésence informationnelle a modifié notre rapport aux autres? Les
nouveaux supports de communication diabolisent-ils la communication entre
individus ou la facilitent-ils? Internet a comblé le phantasme de visionnaires d’être
joints partout et à tout moment. C’est
le premier grand changement dans le rapport aux autres. Internet a transformé
la notion d’espace et de temps. Internet a révolutionné le monde du travail en
augmentant de façon exponentielle la vitesse de traitement de l’information de
la même manière que le travail à la chaîne a permis d’augmenter considérablement
la productivité à partir du début du XXe siècle.
Pour faire
croître le rendement, il faut que le travailleur arrive à maintenir sa cadence
de travail en éliminant les gestes inutiles qui le ralentissent. L’impact
communicationnel des médias sociaux, du courrier électronique, des blogues ou des
journaux en ligne est énorme. Mais même si les entreprises gagnent un temps précieux
et accroissent leur rendement en communiquant plus rapidement, plus massivement
et avec plus de gens, la quantité d’information à traiter par chaque
travailleur et la vitesse avec laquelle l’information circule a des conséquences
sur la qualité de la communication et sur le bien-être des communicants.
En messages
électroniques seulement, la quantité d’information
à transmettre et à recevoir est souvent plus imposante que ce qu’une personne est
capable de traiter dans les délais généralement attendus. Pour arriver à offrir
un rendement acceptable, cette personne sera contrainte de trouver des
stratégies pour réduire le temps de traitement des dizaines, voire des
centaines de courriels qu’elle reçoit chaque jour.
Ces
stratégies ne sont pas sans conséquence sur le niveau de stress que vivent les
travailleurs. La pression ne vient pas nécessairement de la hiérarchie; elle
vient des collègues et des collaborateurs qui poussent eux aussi de l’information.
Dans une bonne proportion, l’information est communiquée adéquatement, mais souvent,
elle n’est traitée que partiellement, dans un délai jugé déraisonnable ou dans
le pire des cas, elle n’est pas traitée du tout. Dans ce cas, c’est toute la
chaîne d’information qui s’en trouve affectée.
En d’autres
mots, même si la messagerie électronique a révolutionné le relais d’information,
plus l’information voyage vite, plus notre niveau de tolérance face à l’attente
est bas. Il en va de
même pour la messagerie instantanée de nos téléphones intelligents. Loin d’être
complètement diaboliques, pour les entreprises, ces nouvelles plateformes
constituent des canaux de communication d’une rare puissance. Le problème se
situe davantage dans le rapport que certains utilisateurs entretiennent avec
ces appareils. Pour bon nombre de travailleurs, ces supports de communication ne
font pas que les aider à augmenter leur performance, ils les enchaînent à leur
travail.
Impossible
de dire à son patron qu’on n’a pas reçu son message, il est atterrit sur le
portable, la tablette et le téléphone intelligent en même temps. Difficile de
résister à la tentation de répondre dans l’immédiat quand le message nous
clignote sous le nez en quasi-permanence. L’instantanéité donne l’illusion de
réduire l’anxiété et le stress dû à l’abondance d’information à traiter, alors qu’en réalité, si on n’y
prend pas garde, elle ne fait que nous entraîner dans une spirale sans fin. Ces
nouveaux moyens de communication nous permettent d’échanger, oui, encore faut-il le faire de façon contrôlée.