« Je voulais voir l’assassin de mes enfants. Je voulais voir l’assassin de mes enfants. Puis je voulais voir aussi l’assassin de d’autres gens qui sont ici et qui n’ont pas demandé de mourir », a exprimé Raymond Lafontaine, qui craint avoir perdu un fils, deux belles-filles et l’une de ses employées dans la tragédie.
Un autre résidant de Lac-Mégantic, Bruno Huot, s’est précipité à l’endroit où se déroulait l’événement lorsqu’il a découvert que M. Burkhardt se trouvait près du périmètre de sécurité. « Quand je l’ai vu à la télé, je me préparais à manger, je me suis dit: ‘Je vais monter à la polyvalente pour le voir’. Mais non, il vient se cacher icitte! quand on est coupable, on se cache. Comme un rat », a-t-il tonné à l’issue de la conférence de presse, encore ébranlé.
On attendait Edward Burkhart à la polyvalente Mortagne, qui a été transformée en refuge temporaire pour accueillir les sinistrés. Les journalistes ont fait le pied de grue dès le petit matin, mercredi, seulement pour apprendre à quelques minutes d’avis que ce dernier s’exprimerait finalement à quelques minutes de distance de l’établissement scolaire. Pendant la conférence de presse, Bruno Huot a invectivé à plusieurs reprises l’homme d’affaires, le qualifiant de meurtrier et hurlant à plein poumons qu’il devrait se retrouver sous les verrous sans subir un procès au préalable si bien que les agents de la Sûreté du Québec (SQ) ont du intervenir pour désamorcer la situation.
M. Huot n’est pas le seul à ressentir une telle hargne face au chef d’entreprise, qui est vraisemblablement devenu l’ennemi numéro un à Lac-Mégantic.
Alyssia Bolduc était aussi furieuse de le voir débarquer dans sa ville. Et ce qui a particulièrement insulté la jeune femme, c’est que M. Burkhardt a décidé de suspendre le conducteur du train qui a terminé sa course folle en plein centre-ville.
« Il accuse le conducteur, qui lui, suit les ordres de sa compagnie. On est des exécutants quand on est des travailleurs », a-t-elle fait valoir.
« Moi, je trouve ça de valeur pour ce monsieur-là, bien franchement, a renchéri sa mère Johanne. C’est pas de sa faute à lui, il y a des dirigeants plus haut. »
Edward Burckhardt a mis quatre jours avant de s’amener sur les lieux du drame, ce qui lui a été reproché non seulement par des habitants de la petite municipalité estrienne, mais également par des politiciens de tous les ordres de gouvernement.
Est-ce que la colère aurait été moins grande s’il avait quitté son bureau de Chicago dans les heures ayant suivi la catastrophe? Les avis sont partagés. Alors que certains estiment que sa présence ne change rien à la tragédie du week-end dernier, d’autres jugent qu’il aurait dû se pointer beaucoup plus tôt. Chose certaine, la colère gronde encore. Le grand patron de l’entreprise ferroviaire a affirmé mercredi qu’il recevait encore des courriels menaçants.
COMMENT FAIRE AMENDE HONORABLE?
« J’espère juste qu’il va mettre ses culottes, qu’il fasse passer le chemin de fer à l’extérieur de la ville. Ce serait déjà une bonne affaire. » Bruno Huot fait écho à l’opinion de sa mairesse Colette Roy-Laroche, laquelle a affirmé mardi qu’elle espérait reconstruire le chemin de fer qui contourne la ville au lieu de la traverser en plusieurs endroits, comme c’est actuellement le cas.
Bon nombre de Méganticois sont du même avis. Et leur rage est telle qu’ils seraient prêts à se débarrasser par tous les moyens des rails maudits sur lesquels le convoi ferroviaire de MMA roulait avant de dérailler et de mettre le feu au centre-ville, a suggéré Raymond Lafontaine.
« J’ai des gens qui m’ont appelé aujourd’hui (mercredi) qui sont prêts à envoyer beaucoup, beaucoup d’argent pour arracher des ‘tracks’, a-t-il soutenu. (Mais) je ne suis pas un terroriste; on ne marche pas de même (…), on ne marche pas sur la rage… »
Lorsqu’on a demandé à M. Burkhardt si son entreprise pourrait éventuellement participer au montage financier de ce projet d’infrastructure d’envergure, il a refusé de s’y engager formellement
« Nous aimerions travailler sur un plan à cet effet (la modification du tracé). Ce que nous pourrions faire sur le plan financier, je n’en suis pas certain », a-t-il exposé.
D’ici là, le dirigeant pourrait rencontrer les sinistrés à la polyvalente Montignac _ il a affirmé qu’il allait vérifier auprès de la mairesse si la chose était possible.
« Nous aimerions faire cela », a-t-il assuré.