Le projet de charte des valeurs québécoises, nous
a amenés à se questionner et à tenter de se positionner en tant que citoyens,
en tant que québécois sur les enjeux d’accommodements raisonnables et de
l’immigration. Tant mieux si cela provoque une réflexion, des débats et des
échanges car c’est cela qui nous fait avancer en tant que société. En autant que ces échanges
soient faits dans le respect, que l’on ait pris le temps d’écouter ce que les
autres ont à dire, que l’on ait la volonté de réfléchir autour d’objectifs
communs.… et que l’on s’assure de parler des bons enjeux!
LE MOTIF
Écrire une
charte, parfait. Mais quel est son motif et quelle est sa finalité. Quel problème
précis vient-elle régler ? Quel est notre objectif commun en tant que
société dans son application ?
J’ai lu le texte suivant récemment dans un
blog de ce journal. L’auteur propose une charte qu’il dit facile à appliquer
partout dans le monde et qui est la suivante :
«Lorsque je visite ou que j’habite dans un
autre pays autre que mon pays d’origine, je respecte ses lois, sa culture,
incluant la langue, la religion et les rites ! Il me semble que ce
n’est pas compliqué, ça! C’est simple à appliquer et ça permet très peu
d’exceptions. (…) Si je ne suis pas prêt à le faire, je n’ai qu’à rester chez
nous! »
(Marc Bricault, La Métrople, « Dehors les
immigrants »)
Des valeurs comme la liberté, la justice, le refus
du racisme et le désir d’émancipation sont remises en cause par ce genre
de discours simpliste ; ces valeurs sont fondamentales et définissent
notre nation. Pour ceux qui pensent que c’est « aussi simple que
ça », ça ne peut être le cas. Pour imposer un comportement et brimer le
droit à la liberté, il faut une raison majeure. La peur d’être assimilés
et le besoin de s’affirmer ne sont pas des raisons suffisantes. Ça prend un
MOTIF.
D’ailleurs,
s’il y a un enjeu qui devrait être adressé par l’État, c’est celui-là. Cette
phobie qu’ont les québécois d’être assimilés. Investissons dans la culture et
enseignons l’histoire, notre histoire, à nos enfants. Elle est là la solution à
ne pas se faire « assimiler ».
Et
enseignons leur qu’affirmer son identité ne passe pas par le rejet de l’autre.
D’ailleurs,
le fait d’avoir besoin d’une raison valable afin de brimer le droit à la
liberté n’est pas mon invention ; c’est exactement pour cette raison que
la charte des valeurs québécoises n’est pas applicable quand on parle
d’interdire les signes religieux.
Pour
restreindre ou supprimer un droit, comme celui de la liberté, on doit s’appuyer
sur un motif supérieur.
LE
CONCEPT, LES VALEURS ET LES OBJECTIFS COMMUNS… VERS UNE STRATÉGIE
La
charte des valeurs québécoises aborde deux volets : La neutralité de l’État
et les accommodements raisonnables. Celui
qui amène le plus de discorde est celui de la neutralité, pas sur le
concept, mais plutôt sur la stratégie visée.
Comme
dans beaucoup de disputes, on réalise souvent qu’on s’entend sur le concept ou
sur la destination mais pas sur le moyen d’y arriver et ce qu’on est prêt à
sacrifier ou non.
L’État
doit être neutre, libre de toute influence du religieux et ses représentants doivent être impartiaux.
La majorité s’entend là-dessus. Et en passant, j’espère que c’est déjà le cas
sinon je suis un peu inquiète.
Parfait,
maintenant, à la recherche d’une solution, quelles sont les valeurs que nous
voulons respecter ? Qu’est-ce qui est vraiment important en tant que
société ?
–
Une société unie : il y a déjà une division entre les immigrants et les
autres. Nous ne voulons pas un écart plus grand. Nous voulons un peuple uni et
une paix sociale.
–
La neutralité de l’État : Une état neutre, pas seulement dans les
apparences, mais aussi dans les propos et les actes. Ce sont les propos et les
actes qui peuvent indigner : pas ce que la personne porte sur le crâne,
mais plutôt ce qu’elle a dedans.
–
L’inclusion versus l’exclusion autant dans le domaine de l’emploi
qu’ailleurs: Ne pas exclure des groupes en fonction de leurs orientations,
convictions ou religions.
–
Justice et équité : Dans certaines religions, il n’y a pas de symboles
religieux apparents. Demander de les enlever fait que certaines religions sont
défavorisées et il s’agit là de discrimination.
–
Empathie : M. Drainville suggère aux employés de l’État de retirer leur
symbole religieux sur les heures de travail. Sérieusement, M. Drainville, le
symbole religieux fait partie de l’identité d’une personne, c’est indissociable.
Encore cette façon de penser : « C’est aussi simple que ça ». On
fait affaire à des humains, ici. Ça ne peut être si simple que ça. On demande à
des gens de faire un choix déchirant. Un peu d’empathie, svp.
–
Accueil de la différence et ouverture : les symboles religieux envoient
des messages à nos enfants. Je vous mets au défi : demandez à vos enfants
ce qu’ils en pensent. C’est vous que ça dérange et pas eux. Honnêtement, si
elle traite vos enfants avec amour et a toutes les compétences requises, avez-vous vraiment besoin de voir la mise en pli de l’éducatrice de la
garderie pour lui faire confiance ? Faire face à la différence de l’autre
dérange et nous demande à nous questionner sur nous-mêmes. Ça peut nous amener
à voir des choses en nous que nous ne souhaitons pas voir. Et ce n’est pas
parce que ça vous dérange que l’autre devrait enlever son symbole religieux.
La
stratégie qui sera adoptée afin d’assurer une neutralité de l’État devra faire
en sorte que toutes ces valeurs soient
respectées. Arrêtons le « C’est aussi simple que ça » et
écoutons-nous, discutons, profitons de ce débat pour devenir une société de
laquelle nous et nos enfants seront fiers : tolérante, ouverte, animée d’une
identité commune. Notre rôle de citoyen est de demander à notre gouvernement de
retourner à la table à travail. Non pas de juger, discriminer, rejeter et
couper le dialogue.
Pascale Dufresne, coach professionnelle, mère,
amoureuse de la vie, du monde et des gens et qui rêve d’un monde où les gens savent
communiquer avec bienveillance.
Vous pouvez maintenant ajouter votre voix à plus de 2000
signataires du Manifeste pour un Québec inclusif:
Lire ici une lettre ouverte où une centaine de
professeurs et intellectuels, sous le titre « Nos valeurs excluent
l’exclusion » dénoncent la charte des valeurs québécoises.
LES OPINIONS EXPRIMÉES SONT CELLES DE L’AUTEUR ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT CELLES DU PORTAIL DU GRAND MONTRÉAL LaMetropole.com