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En dessous de vos corps je trouverai…

L’auteur et metteur en scène Steve Gagnon offre une proposition théâtrale singulière et sans concession. Par un titre d’une grande poésie, En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas, Steve Gagnon annonce ses couleurs : rien de tiède dans cette pièce inspirée des personnages du classique de Racine, avec une distribution composée de Marie-Josée Bastien, Marie Soleil Dion, Renaud Lacelle-Bourdon, Guillaume Perrault et Claudiane Ruelland.

Voici donc la tragédie transposée dans la grisaille d’une banlieue nord-américaine. Nous sommes dans un royaume de « clabord » où vivent Agrippine et ses deux fils. Britannicus emménage avec la belle Junie dans la maison familiale. Néron, son frère, se prend d’une passion sans égale pour elle. Octavie, femme de Néron, assiste, impuissante, à cette vague déferlante. Agrippine, la mère, tient sous sa coupe ses fils qu’elle aime d’un amour démesuré. Mais toutes ces passions écorchent cruellement. Le désir de Néron est une bombe à retardement : d’abord larvé, puis avoué brutalement, il l’incite à couper les liens avec tous. Le fragile équilibre de cette famille se rompt lors d’un souper aux allures de règlement de comptes. Cette cellule repliée sur elle-même ne pourra que s’entredévorer, dans un climat tendu à l’extrême.


L’auteur-metteur en scène et une partie de la distribution d’En dessous de vos corps… crédit photo Suzane O’Neill

En dessous de vos corps… est surtout un chant d’amours : les impossibles, les infinies, les inavouables. L’amour monstrueux d’une mère ogresse envers ses fils, le désir immense d’un homme pour ce qu’il n’a pas, la blessure insupportable de celle qui est délaissée, la soif de vengeance envers un frère adoré devenu abominable. Famille sclérosante, frères ennemis, exaltations hors-normes, tout ici a les apparences d’une tragédie. Mais au Québec, à l’aube du XXIe siècle, est-elle possible? Jusqu’où peut-on aller par amour ? Les passions sont-elles solubles dans la routine? Cette version de Britannicus, épurée et nettoyée de toute sa pompe, a conservé le triangle amoureux dominé par la rage passionnelle et l’instinct de clan. Steve Gagnon en a fait une tragédie résolument ancrée dans la réalité québécoise, où les corps s’affrontent, où les âmes se perdent. L’amour consume et pousse au paroxysme des émotions, comme une violente bourrasque contre la bienséance, le consensus mou, la lassitude des couples.

Après avoir troublé les spectateurs de La Petite Licorne avec Ventre l’an dernier, où la passion démesurée était déjà au rendez-vous, le jeune auteur, metteur en scène et comédien Steve Gagnon affronte encore une fois les sentiments extrêmes et le plus grand que nature. Comédien diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec, il est également l’auteur de La montagne rouge (SANG), pièce finaliste des Prix du Gouverneur général en 2011. Poète, dialoguiste, il utilise une langue acérée, étonnante, pleine de bruit et de fureur. Prenant à bras-le-corps la tragédie de Racine, il se l’approprie complètement, sans pudeur, sans retenue, plongeant dans la violence des sentiments, dans les destins de personnages écorchés vifs. Ici, les vers raciniens sont remplacés par une poésie brute, un torrent de mots crus lancés à la volée. Juxtaposant références triviales et lyrisme ardent, Steve Gagnon créé ainsi un humour très déboussolant, avec des personnages englués dans leur quotidien, mais aux prises avec des pulsions irraisonnées.

La Manufacture est heureuse d’accueillir plusieurs nouveaux venus dans sa famille : Olivier Gaudet-Savard, assistant à la mise en scène, Marie-Renée Bourget Harvey aux décors et accessoires, Caroline Ross aux éclairages et Jennifer Tremblay aux costumes. Les musiques d’UBERKO accompagnent les productions de Steve Gagnon depuis le début; entendues dans le spectacle Ventre, elles sont de cette nouvelle aventure théâtrale.

Du 1er octobre au 9 novembre 2013
Du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h

4559, avenue Papineau
Billetterie : 514 523-2246

THÉÂTRE LA LICORNE