« On parle du crime organisé là! » s’est-elle exclamée, affirmant qu’elle n’avait jamais vécu de situation aussi angoissante. « Je n’ai pas de mots. » Mme Bérard a affirmé qu’avant ces gestes d’intimidation, elle avait pourtant reçu l’approbation du comité exécutif de son association formée d’entrepreneurs maçons pour collaborer avec la commission. Et elle leur avait dit que si elle recevait une assignation à comparaître, de toute façon elle n’aurait pas le choix de collaborer.
De plus, elle avait écrit dans la revue de l’industrie, « La voix du maçon », ses intentions quant à la lutte contre le travail au noir et l’évasion fiscale. Elle y avait aussi salué l’avènement de la Commission Charbonneau. « On m’a vraiment muselée. On m’a empêchée de vouloir collaborer avec les enquêteurs. (…) Je vais utiliser le terme entre guillemets: on m’a dit clairement ’tu vas fermer ta gueule’ », a résumé Mme Bérard. Et le même message a été laissé sur son répondeur téléphonique.
« On venait de me couper les deux bras et les deux jambes. J’étais complètement effondrée », a-t-elle raconté. Elle a pris un congé de maladie. Pourtant, affirme-t-elle, son comité exécutif semblait l’appuyer, lorsqu’elle lui faisait part du fait qu’elle voulait collaborer avec la commission. Les membres de l’exécutif lui disaient qu’ils étaient même contents de la revoir, après son congé de maladie. Elle a pourtant été congédiée au lendemain d’une rencontre de l’exécutif, à la fin de septembre 2012. Et sans explication, a-t-elle noté.
I’AEMQ NIE LES ALLÉGATIONS D’INTIMIDATION
Dans un communiqué diffusé lundi soir, l’AEMQ « nie les allégations d’intimidation avancées par Mme Bérard et affirme qu’aucun membre de son exécutif n’a participé directement ou indirectement à la perpétration » de menaces à son endroit. Mme Bérard a oeuvré à l’AEMQ de juillet 2011 à septembre 2012. Elle a été d’abord directrice générale adjointe avant de devenir directrice générale durant cette période.
Elle a aussi témoigné devant la commission du fait que beaucoup d’entreprises de maçonnerie sont éphémères, puisqu’elles éprouvent des difficultés financières et ont des problèmes à trouver du financement. Certaines se tournent alors vers le financement privé, et parfois même vers du financement pas toujours légitime, pour éviter de faire faillite, a-t-elle déploré. Si les entreprises de maçonnerie sont plus vulnérables à l’infiltration du crime organisé, selon elle, c’est parce qu’elles sont dans une situation financière précaire, puisqu’elles arrivent à la toute fin d’un chantier de construction et sont donc les dernières à être payées. Et pendant qu’elles attendent les paiements, elles doivent tout de même payer leurs ouvriers, verser les paiements à la Commission de la construction du Québec et autres.
Durant son mandat, Mme Bérard a aussi entendu parler de collusion au sein des entreprises de maçonnerie, notamment avant une réunion. « Toi tu vas prendre tel contrat, moi je vais prendre le prochain », disaient alors ces entrepreneurs. Aussi, pendant qu’elle dirigeait l’association, des entrepreneurs se sont plaints à elle de recevoir des menaces s’ils ne retiraient pas leur soumission pour un appel d’offres. « Retire-toi du contrat sinon ça va aller mal », lui rapportaient ces entrepreneurs, a-t-elle affirmé. Et lorsqu’un entrepreneur ne le faisait pas, des véhicules étaient endommagés ou il était victime d’un vol d’équipement, a relaté Mme Bérard. Finalement, souvent l’entrepreneur menacé se retirait.
La juge France Charbonneau a remercié Mme Bérard pour son témoignage devant la commission, saluant particulièrement son courage.