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Schnobb hÉrite-t-il d’une patate chaude?

Au cours de sa campagne électorale, le maire Denis Coderre avait promis du changement. Il ne pouvait mieux l’illustrer qu’en nommant Philippe Schnobb à la tête de la STM. L’ancien journaliste de Radio-Canada ouvertement gai est tout, sauf conventionnel. Il se présente à vous décontracté, en costard mais chemise ouverte. Pas de voiture ni de chauffeur, il est arrivé en métro, lui qui était déjà usagé des transports publics. Mais vu la somme de choses à entreprendre dans le réseau vétuste du métro, notamment, peut-on considérer cette nomination comme une sorte de patate chaude?

« D’abord, quand M. Coderre m’a offert le poste, je ne pouvais pas consulter à droite et à gauche. En fait, je ne devais en parler à personne. Il ne fallait pas que la nouvelle s’ébruite. Il m’a fallu prendre rapidement une décision. Non, je ne vois pas ça comme vous dites. Au contraire, il y a des choses très positives qui s’en viennent cette année, comme l’arrivée des nouveaux wagons de métro et une plus grande communication avec les usagers. » Mais son arrivée coïncide déjà avec une augmentation des tarifs, soit 2,50 $ de plus pour la carte mensuelle adulte. Ne pouvait-on pas laisser un répit à l’utilisateur des transports en commun, déjà étripé par tant de taxes?

« C’est mon administration qui a décrété la hausse et pour la raison que nous devons faire face à des coûts croissants d’exploitation. Je pourrais vous faire le portrait du coût, ailleurs, des transports, comme à Toronto et où il y a encore plus de pannes de métro qu’à Montréal. En réalité, ce n’est pas le prix qui gêne les gens. Ce que les usagers veulent, c’est surtout l’assurance que le réseau soit fiable. Et quand on regarde ce qu’il en coûte à l’heure d’avoir une voiture, qui ne sert pas en réalité toute la journée, c’est encore l’option la moins chère. » Pourquoi pas un gel des tarifs pour les deux prochaines années? « C’est impossible. Pourquoi? Parce qu’il n’y a rien de pire que le dégel. On est obligé après coup de hausser de manière spectaculaire les tarifs. Je ne pense pas que ce soit ce que les gens veulent. »

UN PRÉSIDENT QUI VA DEMANDER DES COMPTES

D’entrée de jeu, un président du conseil, a-t-il rappelé, ne se mêle pas de la gestion quotidienne, laissant la tâche au directeur général et à ses collaborateurs. Mais lui qui est sur le terrain, prenant le métro et les autobus comme vous et moi (payant même sa carte des transports) ne pourrait-il pas intervenir lorsqu’il constate des anomalies de fonctionnement? « Le président doit veiller à l’intérêt des clients, des contribuables. J’ai des contacts constants avec le directeur général, dont le bureau est voisin du mien. Les échanges sont nombreux. Mon job c’est de poser des questions et de faire des suivis. J’ai déjà des gens qui me contactent par courriel pour me rapporter des faits. Je fais suivre immédiatement au service concerné. Le président du conseil n’a pas à être complaisant ».

Son prédécesseur Michel Labrecque l’avait mis en garde qu’il passerait un temps fou à lire des milliers de pages de documents, et il disait vrai. Sans compter les nombreuses réunions qui l’accaparent déjà. « C’est loin d’être un travail peinard assis derrière son bureau. J’ai juste le temps de descendre à l’étage me chercher un sandwich, un peu comme les chauffeurs d’autobus, dont j’ai appris avec étonnement, que beaucoup n’avaient pas de temps de pause pour le lunch sur certains quarts de travail. »

LA QUESTION DES PANNES

Qu’en est-il des pannes dans le métro? Pas plus tard, d’ailleurs, que la veille, il y en a avait eu une d’importance sur la ligne verte. « Depuis les grandes pannes généralisées qu’on a connues l’an dernier, nos informaticiens ont travaillé très fort sur la source du problème. Souvent on amalgamait de nouvelles pièces informatiques avec d’anciennes et c’est ce qui posait ces problèmes. Pour faire une image, c’est comme lorsqu’à la maison vous avez un problème avec votre ordinateur. Qu’est-ce que vous faites souvent? Vous l’éteignez et vous le repartez pour une mise à jour. C’est un peu la même affaire, sauf que là le redémarrage pouvait prendre un temps fou. Mais ce problème a été réglé et je crois qu’on ne verra plus de ces pannes majeures. Ce qui n’empêche pas qu’il puisse arriver des petites pannes isolées. Mais on travaille très fort là-dessus. »

LES CHAUFFEURS ET LES CLIENTS DISCOURTOIS

Je lui rapporte, pour en avoir été si souvent témoin, du comportement souvent arrogant des chauffeurs, qui font l’objet de milliers de plaintes. Peut-on changer cette mentalité de gros syndiqués blindés? « Écoutez, c’est comme dans toute organisation, vous en avez qui ont des comportements inappropriés. Mais moi j’encourage à porter plainte et croyez-moi, contrairement à ce que vous pensez, ça ne demeure pas lettre morte. Si les gens ne se plaignent pas, c’est certain que ça ne va pas faire changer les choses. Mais je crois que ces comportements ne concernent que quelques chauffeurs, ce qui est fatal dans une grande structure comme la nôtre. »

De même je lui fais part de mon exaspération de ces clients qui parlent à
tue-tête dans leur cellulaire ou qui prennent leur repas dans le métro,
souvent malpropre. Ne pourrait-on pas interdire les cellulaires dans
les espaces clos que sont les autobus et le métro et interdire la
consommation de nourriture pour plus de propreté? Il n’est pas tenant de
l’autoritarisme. « Pour ma part je crois qu’il faut faire appel au
civisme des gens. Je ne nous vois pas commençant à lancer des interdits
comme vous le souhaitez. Puis, pour la question des cellulaires, puisque
nous aurons des réseaux fonctionnels dans certaines lignes de métro,
c’est à la demande même des usagers. Encore là je ne vois pas l’utilité
d’interdire, alors qu’il y a des besoins à ce chapitre. »

ET CES ITINÉRANTS QUI GÊNENT LE PAYSAGE…

Je ne lui fais pas mystère de mon découragement de voir tous ces itinérants qui jonchent les couloirs du métro, avec souvent des traces de pipi, et d’autres parfois avec d’indescriptibles odeurs. Qu’entend-il faire? « Ce n’est pas que le problème du métro de Montréal. Allez partout dans le monde et vous verrez. On ne veut pas les chasser, mais plutôt les accompagner. C’est plus humain. En même temps c’est mon travail de discuter avec des partenaires sociaux pour trouver des solutions à long terme. »


Photo : Radio-Canada

En terminant, je demande à Philippe Schnobb si sa nouvelle affectation a changé sa vie? « C’est beaucoup d’heures. Au point que j’ai négligé mes visites au gym. J’espère m’y remettre sous peu. Mais je vous dirai que ce qui est bien, c’est que contrairement à l’usager normal, moi si je vois des choses dans le métro et les autobus, je peux arriver au bureau et poser des questions et obtenir vite des réponses. C’est un privilège. C’est ma contribution pour améliorer la qualité des transports. »

STM