Oscillant entre le sérieux et le ludique, et sous le vernis de la légèreté, Commedia est une plongée dans les eaux troubles de l’écriture. La pièce soulève des questions sur la création artistique et sur les conditions matérielles et culturelles, dans lesquelles celle-ci se déploie. « J’ai trouvé qu’il y avait dans le projet de Pierre Yves Lemieux d’écrire une pièce sur Goldoni un écho certain avec le théâtre actuel et ses propres tiraillements. Il y a dans Commedia, une réflexion sur la place de l’auteur qui a de fortes résonances avec notre époque », dit la metteure en scène Luce Pelletier.
Découpée en une multitude de tableaux qui s’enchaînent de façon virevoltante, Commedia commence la veille du départ de l’auteur pour la France, en 1762. Venezia a célébré Goldoni, Venezia l’a lessivé… Alors qu’il croyait sa décision de partir bien ferme, celui qu’il appelle dans son autobiographie « son génie » (son double, son talent) commence à le faire douter… Ce « double » le fera voyager dans une Venise bien concrète, mais lui inventera une vie plus brillante que réelle…
« Mes lectures sur la Venise du XVIIIe siècle m’ont permis de nourrir la pièce, dit Pierre Yves Lemieux. Certains personnages ont réellement existé. Les données historiques m’ont poussé vers des personnalités exacerbées et vers le contexte parfois surprenant dans lequel je les fais évoluer. Ma Venise n’est pas proprette, elle est en ébullition. Elle est gourmande et surtout exigeante envers ses artistes. La cadence de production est rapide et la compétition féroce. » À travers Goldoni, mais aussi d’autres artistes comme Longhi, Vivaldi, Tiepolo, la pièce aborde l’une des grandes questions de Commedia : quelle destinée attend une société marchande qui pressure les artistes pour ensuite les jeter après usage ?
Pour Pierre Yves Lemieux, Goldoni, malgré toutes les tempêtes qu’il a rencontrées, a toujours continué à écrire des pièces lumineuses. Son départ heureux pour Paris est une leçon de rigueur et de courage. Commedia est un hommage aux forces de l’émerveillement.
PIERRE YVES LEMIEUX : AUTEUR
Formé en littérature et en interprétation, Pierre Yves Lemieux a conjugué ses deux passions au sein de plusieurs théâtres, notamment le Théâtre de l’Opsis, dont il est membre depuis sa fondation. Auteur prolifique, il pose un regard aiguisé et sensible sur ses semblables de même que sur les travers de son époque.
Pierre Yves Lemieux (photo: Yves Laberge)
Son écriture, qui marie lucidité et humour fin, ne se cantonne pas à un genre en particulier : inassignable, elle vogue de la comédie au drame, du théâtre de recherche au spectacle multimédia, en passant par le théâtre jeune public. L’auteur est reconnu autant pour ses créations originales que pour ses singulières réécritures des grandes œuvres du répertoire. Parmi ses textes les plus récents, on retrouve Les Rois du ciel (2009), délicieuse et subversive pièce pour enfants, Pyramide (2011), drame existentiel nimbé d’humour noir, Ana monté en 2012 par les compagnies Imago (Québec) et Stellar Quines (Écosse), ainsi que La Belle et la Bête (2012), une audacieuse réappropriation du célèbre mythe, portée à la scène par la compagnie multidisciplinaire Lemieux Pilon 4D Art. Il est un habitué du Théâtre Denise-Pelletier où ses adaptations des Trois Mousquetaires (2001) et de Scaramouche (2006) ont été montées.
LUCE PELLETIER : METTEURE EN SCÈNE
Luce Pelletier partage son temps entre l’enseignement, le jeu, la recherche, l’écriture et la mise en scène. C’est surtout en tant que metteure en scène qu’elle laisse sa marque dans le paysage théâtral québécois. Membre fondatrice du Théâtre de l’Opsis, elle en assure la direction générale et artistique depuis 1994. Sous sa gouverne, la compagnie adopte la méthode de travail qui la caractérise : les cycles de création, d’une durée de trois ou quatre ans, qui s’attachent à explorer les mille et une facettes d’un même champ théâtral. Il y eut les Cycles Tchekhov, Oreste et états-uniens. En 2010, elle lance le Cycle italien, passant de l’univers virevoltant de Goldoni aux inclassables écritures contemporaines, telles celles qui composent le collage de textes Resistenza (2013). À travers ce dernier cycle, elle poursuit un travail minutieux où inventivité et plaisir du jeu se marient à la rigueur de la recherche.
Luce Pelletier (photo: Marie-Claude Hamel)
Le Théâtre de l’Opsis, dirigé par Luce Pelletier depuis 1994, s’est donné dès sa fondation dix ans plus tôt la double mission de porter un regard neuf sur les textes classiques et de faire découvrir des textes d’auteurs contemporains étrangers aux spectateurs québécois. Le travail de la compagnie est caractérisé par une volonté d’offrir des spectacles hautement achevés sur le plan artistique. Le Théâtre de l’Opsis crée des textes qui portent une véritable réflexion sur la vie, sur l’art ; des textes denses qui exigent une importante période de recherche et d’exploration. À une époque où le théâtre est de plus en plus tourné vers l’image, le Théâtre de l’Opsis tient à donner priorité à la parole d’auteurs et la direction d’acteurs. Un théâtre qui refuse la gratuité, où la forme est au service du contenu et non l’inverse. Un théâtre où la théâtralité ne se dissimule pas, mais s’affiche!
COMMEDIA
De Pierre Yves Lemieux, inspirée de la vie de Goldoni
Mise en scène : Luce Pelletier
Distribution (par ordre alphabétique): Luc Bourgeois (Goldoni), Steve Gagnon (Carlo), Martin Héroux, Catherine Paquin-Béchard, Marie-Ève Pelletier, Carl Poliquin (Il Genio)
Concepteurs et collaborateurs artistiques: Julie Breton, Catherine Gadouas, Maryline Gagnon, Olivier Landreville, Claire L’Heureux, Jocelyn Proulx, Suzanne Trépanier
Une production du Théâtre de l’Opsis en partenariat avec le Théâtre Denise-Pelletier
Du 14 mars au 5 avril 2014 (représentations scolaires du 12 mars au 9 avril 2014)
Salle Denise-Pelletier du TDP, 4353, rue Sainte-Catherine Est, Montréal,
Billetterie : 514 253-8974 ou Réseau Admission 1 855-790-1245