Son équipe sera constituée d’une vingtaine de personnes et le budget alloué pour son fonctionnement est de 5 M$ par année. Dans ce cas, est-ce que le bureau du vérificateur général déjà en place n’aurait pas pu faire ce travail, puisque lui aussi doit voir à la bonne gouvernance? « Le mandat du vérificateur général, précise Me Gallant, est plus de l’ordre de la vérification des livres comptables. Nous, nous faisons un pas de plus, en ce sens que si j’ai des motifs de croire qu’il y a malversation, je peux prévenir l’UPAC. Et concernant notre budget de fonctionnement, si par notre intervention nous éliminerons les dépassements comme on a vu dans le passé, nous rentabiliserons très bien la dépense. Pour en arriver à un coût nul, en somme »
ON EST À PENSER LA MÉTHODE
Quand on s’arrête à y penser, c’est tout un mandat qui tombe sur la tête du concerné. Car une administration municipale comme celle de Montréal, ce n’est pas un gouvernement en soi, mais davantage un distributeur de contrats. Et de centaines de contrats annuellement. Et l’inspecteur général de Montréal a un pouvoir qui s’étend à toute l’administration, tous les arrondissements. Comment pense-t-il honnêtement être en mesure de passer à travers toute cette paperasse?
« Nous sommes justement à penser à notre méthode de fonctionnement. C’est beaucoup de travail en effet. Vous savez, par expérience je peux vous dire que la majorité des fonctionnaires sont intègres » Son passage remarqué comme procureur à la Commission Charbonneau lui a été profitable, puisqu’il a été à un poste d’observation privilégié pour analyser les moyens de fonctionnement des fonctionnaires corrompus, des entrepreneurs véreux et de la mafia. Mais si d’office les fonctionnaires sont d’honnêtes gens, la Commission Charbonneau, justement, n’a-t-elle pas bénéficié d’indications précieuses venant de la fonction publique? Il esquisse un sourire qui en dit long. « Disons que je ne peux pas vous dévoiler nos sources d’enquêtes » Mais à son ton, il est clair que de l’interne il y a eu des indicateurs outrés qui ont aidé les autorités en place à débusquer les malhonnêtes.
LA POLICE N’A PAS LE POUVOIR D’ARRÊTER LES CONTRATS
Plus haut on a dit que l’inspecteur général de Montréal a le pouvoir de mettre fin aux contrats suspects. « Oui, c’est ce qui nous différencie de la police, qui n’a pas ce mandat » Au départ, l’idée du maire Coderre était de faire de l’inspecteur une sorte d’Eliot Ness capable de débarquer dans un bureau et de passer des menottes aux poignets si besoin est. Mais cette vision heurtait des corporatismes comme celui de la police. C’est pourquoi le projet de loi 73 présenté par le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, le 12 février dernier et officialisant cette nouvelle entité administrative, réduisait d’un peu les pouvoirs prévus initialement.
Mais vu la gangrène qui avait déjà affecté les rouages de la Ville de Montréal, même dans l’état actuel de la fonction, c’est déjà un énorme progrès. « Et puis je vous dirais que c’est un « work in progress », le travail va forcément évoluer au fur et à mesure », ajoute le nouvel œil de la Ville. Rappelons que c’est à l’unanimité que le conseil municipal a approuvé au final sa nomination. Il faut dire que le gars arrive en poste avec un passé prestigieux.
UNE FICHE EN CARRIÈRE GARANTE DU FUTUR
Quand on consulte sa fiche biographique, on a de quoi être impressionné. Bien qu’elle ne soit pas exhaustive, voici un survol de son parcours qui en fait un ténor du barreau. Si le public l’a découvert cuisinant très bien les malfrats qui défilaient à la Commission Charbonneau, on savait peu de choses de lui. Et pourtant il existait bien avant cette commission, comme en témoigne sa biographie. Me Gallant s’est retrouvé avocat de la défense à l’Aide juridique de Montréal. Ensuite il a été avocat-conseil et chef d’équipe au service des poursuites pénales du Canada.
Son champ d’expertise est les droits criminel et pénal. En plus de plaider devant toutes les instances de juridiction criminelle, il a supervisé une équipe de procureurs qui œuvrent dans les domaines du crime organisé, des stupéfiants et des produits de la criminalité. De 2001 à 2006 il exercera come substitut du procureur général du Québec au Bureau de la lutte contre le crime organisé. À titre de poursuivant il a plaidé des dossiers devant jury comme celui des motards Bandidos et du clan Kyling.
Ensuite, il ne faudrait pas passer sous silence sa contribution comme enseignants aux universités de l’UQAM, de Montréal et de Sherbrooke. En 2003 il enseignait entre autres le droit pénal à l’École du Barreau du Québec. Et il a fait partie de ceux qui ont révisé le matériel didactique de cette institution. De plus c’est un plaideur de renom qui a coaché des avocats de la relève dans le domaine. C’est donc dans cet homme fort que le maire place toute sa confiance pour traquer toute forme de criminalité à la Ville de Montréal.
MANDAT NON RENOUVELABLE
La beauté du cadre de son mandat est qu’il ne sera pas renouvelable. « J’ai un mandat de cinq ans, point à la ligne. Et déjà fin août prochain je dois produire un premier rapport. Je veux construire un bureau qui va me survivre. » Non, il ne faut pas relâcher la bride, car s’il est un fonctionnaire à sa façon, la mafia, elle, ne fait pas du 9 à 5 et les congés, elle ne connaît pas. Et en excellent juriste qu’il est, il sait que la mafia a une capacité extraordinaire d’adaptation. Il faudra qu’il la suive sans relâche. Disons que l’arrivée d’un inspecteur général est un pas dans la bonne direction.