Le premier choc provoqué par le film est d’ordre technique. Alors que le précédent épisode souffrait d’effets spéciaux performants mais trop inégaux pour emporter l’adhésion, les progrès accomplis en seulement trois ans s’avèrent vertigineux. Les textures sont d’une finesse affolante, tandis que le moindre mouvement simien sidère par sa crédibilité, la force de ces singes incroyables est non seulement palpable, mais la moindre de leurs interactions avec l’environnement, les humains ou d’autres êtres vivants sidère par son photo-réalisme. Et l’émotion de naître autant de la composition magistrale de certains plans que de leur bouleversant alliage de chair et de numérique, comme si artisanat filmique et maîtrise technologique trouvaient ici l’opportunité d’un mariage d’amour autant que de raison.
Mais le métrage de Matt Reeves ne se limite jamais à un formidable accomplissement visuel. Il est également un pur film de cinéma, qui utilise avec humilité et intelligence l’histoire du média pour établir une symbolique composite et puissante. Le conflit larvé puis guerrier qui oppose les humains et les singes puise ainsi tour à tour dans la tragédie grecque, les figures mythologiques universelles et évidemment le western. Car ce que propose cet affrontement apocalyptique n’est finalement qu’une relecture vengeresse du conflit génocidaire qui opposa les natifs américains aux colons européens.
À la différence qu’au massacre généralisé d’un parti sur l’autre, le metteur en scène introduit ici une évolution en miroir bouleversante, où chaque belligérant découvre dans son adversaire un double monstrueux, miroir déformant d’une animalité/humanité dont les limites ne finissent pas de se brouiller. Que les spectateurs européens se rassurent, si le film s’adresse tout particulièrement aux américains, qui trouveront là une relecture terrifiante de leurs origines, il contient suffisamment de connexions avec notre histoire artistique et symbolique pour toucher au cœur.
En terme de pure mise en scène, le film enchaîne les morceaux de bravoure à un rythme hallucinant. Qu’il s’agisse d’un siège enflammé, de la découverte de la cité des singes, ou de l’introduction partiellement dévoilée dans les bandes-annonces du métrage, l’ensemble est parsemé d’images destinées à entrer au panthéon de la science-fiction contemporaine. Matt Reeves s’impose non pas tant comme un metteur en scène dans le sens classique du terme qu’un talent de son époque, capable de synthétiser avec une surprenante pertinence des influences difficilement conciliables. Rarement aura-t-on à ce point assisté à l’union heureuse de la composition propre au cinéma, l’iconisation issue du comic book et la fluidité typique du jeu vidéo.
Et si, au final on pourra reprocher à L’aube de la Planète des singes de ne pas passer assez de temps aux côtés des humains, de piller sans pitié les décors et certaines séquences de The Last of us, ou de ne pas s’attarder suffisamment sur l’action, devenue l’ingrédient indispensable du blockbuster estival, de tels griefs passeront à côté de l’essentiel. Plutôt que de s’adresser au cerveau reptilien du public, Reeves entend le bouleverser sans jamais le prendre pour un imbécile, simplifier les enjeux ou s’embourber dans une vision du divertissement qui ferait primer le fond sur la forme. C’est ainsi que nous découvrons aujourd’hui l’une des supers-productions récentes les plus accessibles, respectueuses du public et accomplies esthétiquement qu’il nous ait été donné de voir.
EN BREF: Techniquement bluffant, artistiquement accompli et bouleversant, un des meilleurs films de SF de mémoire récente.
SYNOPSIS
Une nation en pleine croissance formée de singes génétiquement modifiés dirigée par Caesar est menacée par une bande de survivants humains. Ils parviennent à établir un semblant de paix, mais elle est de courte durée puisque les deux clans s’engagent bientôt dans une guerre qui déterminera qui des deux est l’espèce dominante de la planète Terre.
Source : ecranlarge.com