Le promoteur affiche une belle confiance, les « approbations nécessaires de la Ville » sont en main et les premières livraisons sont prévues pour la fin de 2014, selon un article paru dans Le Devoir en juin 2012. Puis, tout s’emballe. Par lettre recommandée, on avise les acheteurs, qui ont déposé une mise de fonds non-négligeable de 25% sur leur unité, que le projet aura plusieurs mois de retard. Un deuxième avis est envoyé par courriel pour signifier un retard supplémentaire.
Aujourd’hui, alors que les premiers acheteurs auraient dû prendre possession de leur condo, on lance une nouvelle échéance de livraison : ce sera fin 2016 (la première pelletée de terre ayant eu lieu en juin dernier). Mais, selon le gérant des ventes, Ness Revah, les acheteurs ne semblent pas s’inquiéter de cette situation. Toutefois, les explications que ce dernier donne pour justifier le retard dans la livraison semblent très douteuses.
En effet, on rejette la faute sur la Ville de Montréal qui, selon les intéressés, ont tardé à livrer le permis de construction. Au service d’urbanisme, on trouve une toute autre explication. À la première présentation, le projet dérogeait à la réglementation et devait par conséquent être autorisé par le conseil d’arrondissement en vertu du Règlement sur les projets particuliers de construction, de modification ou de date d’occupation d’un immeuble.
L’autorisation du conseil fut alors donnée le 12 décembre 2011. Suite à celle-ci, le promoteur devait faire sa demande de permis. Or, cette demande n’a été déposée que le 22 mars 2013. Entre cette date et celle de l’émission du permis s’écoule une période de dix mois, période durant laquelle l’arrondissement était en attente de documents de la part du promoteur pour étayer sa demande. On précise notamment que l’arrondissement avait demandé des corrections aux plans. Révisés, les plans finaux ne seront soumis qu’en novembre 2013 et le permis émis le 20 janvier 2014.
Pendant tout ce temps, le promoteur tient en quelques sortes les acheteurs en otage puisqu’il refuserait catégoriquement de rembourser les mises de fonds à ceux qui en font la demande, selon nos sources. On affirme vouloir aller de l’avant dans le projet et qu’on ne fera pas marche arrière. On proposerait toutefois certains dédommagements à l’amiable. À ce jour, quelque 170 unités auraient été vendues. Il faut toutefois savoir que les contrats préliminaires (contrats d’achat) entre le promettant acheteur et le promoteur, surtout lorsque rédigés par le notaire de ce dernier, sont conçus pour protéger ce dernier, « mur à mur » contre les délais imprévisibles et des reports de date de livraison.
En effet, des clauses stipulent que, dû à une ou plusieurs raisons évoquées, ces délais peuvent atteindre 18 mois (selon le contrat), sans aucun recours ne soit possible par l’acheteur. Dans les faits, il faut cependant spécifier que bien souvent les dates de livraisons, lorsqu’elles ne sont pas respectées, sont retardées tout au plus de 6 à 12 mois. Un délai de deux ans, c’est du jamais vu. Néanmoins, l’acheteur peut se rabattre sur le droit de dédit qui lui donne dix jours après la signature du contrat préliminaire pour faire vérifier celui-ci par le notaire ou l’avocat de son choix et, le cas échéant, annuler l’entente et récupérer son dépôt. Mais encore là, l’acheteur doit s’assurer que l’entrepreneur n’exige aucune indemnité.
Autre fait que mes recherches m’ont amenée à découvrir est que la vente des unités s’est effectuée sans offre de garantie du constructeur valide, et ce depuis 2012. En effet, après vérification auprès de l’APCHQ (Abritat) et l’ACQ, le promoteur ne détenait aucun enregistrement en ce sens. Il semblerait toutefois que le promoteur soit en instance d’obtenir la Garantie Habitation des Maîtres Bâtisseurs (GHMB).
Le hic dans toute cette histoire est que lorsque questionné au sujet de la garantie offerte, le gérant des ventes a clairement indiqué qu’ils en détenaient une de… l’ACQ! On peut donc se questionner sur ce que les acheteurs ont pu obtenir comme informations à ce sujet. Une chose est sûre : même si un plan de garantie n’est pas obligatoire pour des immeubles détenus en copropriétés divises de plus de quatre parties privatives superposées, il est très risqué d’acheter auprès d’un promoteur qui n’offre pas de plan de garantie, qui protège, entre autres, votre mise de fonds jusqu’à concurrence de 30 000$ (jusqu’à 60 000$ avec GHMB, si le promoteur se qualifie) et vous protège également contre les vices majeurs.
Des retards de livraison dans des projets de cette envergure sont monnaie courante, mais évidemment pas de cette ampleur. Certains promoteurs, sans les nommer ici, iront même jusqu’à entamer la construction sans que le permis de la Ville ne soit émis officiellement. Plus encore, certains ont poussé l’audace à l’extrême et amorcé la construction de leur projet sans détenir officiellement les terrains, tout cela pour respecter les dates de livraisons promises.
Devant autant d’irrégularités potentielles, je recommande fortement aux acheteurs de condos sur plan de faire vérifier le contrat préliminaire par un notaire ou un avocat de leur choix et, le cas échéant, d’ajouter des clauses qui les protègeront en cas de délai de livraison ou toute autre clause que celui-ci suggèrera. Bien souvent, des promoteurs se cachent derrière la clause du contrat préliminaire qui identifie certains cas de force majeure pouvant justifier un délai de livraison.
Dans le cas qui nous intéresse, nous en sommes bien loin. Le CAA-Habitation va encore plus loin et recommande de vérifier la réputation de l’entrepreneur et du promoteur en visitant d’anciens projets qu’ils ont réalisés et en parlant aux gens qui y habitent. L’information ainsi recueillie pourrait s’avérer fort judicieuse.
Adhérer à une assurance-titres, afin de vous protéger contre toute difficulté financière du promoteur immobilier, devrait également être envisagé. Et comme la plupart des promoteurs n’ont aucune restriction à travailler avec les courtiers immobiliers pour les aider à vendre leur projet, je vous recommande defaire appel à votre courtier qui saura vous guider, même dans l’achat d’une unité sur plan, et vous suggérer les questions appropriées, telles demander le numéro d’accréditation de l’entrepreneur pour le plan de garantie, mais surtout de confirmer auprès de l’organisme la validité de ce numéro d’accréditation. De simples questions qui, en bout de ligne, permettront de dissiper vos doutes.
L’IMMOBILIER UN STYLE DE VIE
Détentrice d’un baccalauréat en
Criminologie de l’Université de Montréal, Mélissa a d’abord œuvré dans
ce domaine quelques années avant de se joindre au réseau immobilier. Son
professionnalisme, sa détermination, son amour du détail, sa franchise
et son sourire remarquable séduisent à coup sûr. Passionnée par
l’immobilier, Mélissa a développé une excellente connaissance du marché
depuis plus de 13 ans.
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