Dans La Leçon, écrite peu après La Cantatrice chauve, le spectateur assiste à l’affrontement détonnant entre un professeur confus et concupiscent et une élève insolente… Ce spectacle produit par le Théâtre des Fonds de Tiroirs tiendra l’affiche du TDP du 6 au 28 février 2015.
Dans le paysage théâtral québécois, personne ne s’est autant attaqué à l’œuvre du maître de l’absurde que Frédéric Dubois. Ce grand amoureux de Ionesco a déjà monté presque toutes ses pièces. En 1997, Dubois choisit La Cantatrice chauve comme premier spectacle du Théâtre des Fonds de Tiroirs qu’il vient alors de fonder. Pour marquer les dix ans de sa compagnie, il créera une nouvelle version de la pièce, suivie cette fois de La Leçon, présentée non seulement à Québec, mais aussi à Montréal à la Salle Pierre-Mercure en 2008 (Le TDP est alors en itinérance pendant les rénovations de son édifice).
Le spectacle que nous verrons est une version revisitée de la production de 2007 et interprétée en partie par de nouveaux comédiens. Interpellé par un reportage diffusé à Télé-Québec, portant sur trois femmes atteintes de la maladie d’Alzheimer, Frédéric Dubois a choisi d’aborder la pièce cette fois sous l’angle de la mémoire. « Ce qui m’a troublé dans ce reportage, explique le metteur en scène, c’est la grande candeur de ces femmes. […], le décalage entre le corps figé de ces vieilles dames, la dégradation de leurs facultés cognitives, et leur regard allumé… La Cantatrice chauve n’est pas une œuvre triste. Il y a de la folie, du plaisir […] En fait, cette relecture nous a donné notre articulation pour appréhender les personnages, une sorte de mode d’emploi qui apportait des réponses à nos questions quant à leur manière de parler et d’agir. »
LE SPECTACLE
La Cantatrice chauve nous amène chez les Smith, famille bourgeoise et traditionnelle, qui reçoit les Martin pour la soirée. Que se passe-t-il lorsque des personnages anglais ordinaires, installés dans un décor anglais ordinaire, discutent de choses anglaises ordinaires? Une série d’événements malencontreux surviendront et nuiront au bon déroulement des choses. Ils en perdront toute logique… La Cantatrice chauve (1950) serait née suite à la lecture de la Méthode Assimil pour l’apprentissage de l’anglais. Ionesco y aurait alors saisi l’absurdité intrinsèque du langage, particulièrement celle des échanges quotidiens.
Dans La Leçon, une bachelière énergique prend un cours particulier chez un vieil enseignant, en vue de son doctorat. La leçon commence par des notions élémentaires de calcul, suit alors un cours magistral de linguistique. Le professeur, de plus en plus agressif et autoritaire, s’obstine à enseigner une matière incompréhensible. À travers un conflit somme toute banal, Ionesco démonte les mécanismes utilisés par le pouvoir pour asservir. La Leçon peut se voir comme une mise en garde contre la cruauté et la stupidité de l’autoritarisme. Notons qu’avant chaque représentation de La Leçon, le public pigera au hasard le nom des deux comédiens qui se donneront la réplique.
QUELQUES NOTES SUR L’AUTEUR EUGÈNE IONESCO
Né en Roumanie, en 1909, d’un père roumain et d’une mère française, Eugène Ionesco passe sa petite enfance en France pour regagner ensuite la Roumanie. En 1942, il s’installe à Paris. Sa première œuvre dramatique, La Cantatrice chauve, sous-titrée « anti-pièce » (1950), va durablement marquer le théâtre contemporain et faire de Ionesco l’un des « pères » du théâtre de l’absurde, une dramaturgie dans laquelle le non-sens et le grotesque recèlent une portée satirique et métaphysique.
Parmi les pièces qu’il a écrites, mentionnons La Leçon (1950), Les Chaises (1952), Amédée ou comment s’en débarrasser (1953), L’Impromptu de l’Alma (1956), Rhinocéros (1959), dont la création par Jean-Louis Barrault à l’Odéon-Théâtre de France apporta à son auteur la véritable reconnaissance. Viendront ensuite Le Roi se meurt (1962), La Soif et la Faim (1964), Macbeth (1972). Auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur le théâtre, dont le célèbre Notes et contre-notes, Eugène Ionesco connut à la fin de sa vie cette consécration d’être le premier auteur à être publié de son vivant dans la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade. Eugène Ionesco est élu à l’Académie française le 22 janvier 1970. Il s’éteint à Paris en 1994, à l’âge de 85 ans.
FRÉDÉRIC DUBOIS
Ce dernier a terminé ses études au Conservatoire d’art dramatique de Québec en 1999. Il est récipiendaire du prix John-Hirsh 2008, remis par le Conseil des arts du Canada, qui souligne un début de carrière singulier et prometteur. Il peaufine une écriture scénique toute personnelle en alliant les possibilités qu’offrent les scènes institutionnelles du Québec à la liberté que lui apporte sa compagnie de création le Théâtre des Fonds de Tiroirs fondée en 1997. Depuis novembre 2011, il est aussi le coordonnateur artistique du Théâtre Périscope à Québec. Dévadé de Réjean Ducharme, qu’il a mis en scène pour la Bordée, était en nomination comme meilleur spectacle catégorie « Québec » aux derniers Prix de la critique, saison 2013-2014, décernés en novembre dernier.
Photo : Stéphane Bourgeois
La Cantatrice chauve suivie de La Leçon
D’Eugène Ionesco
Mise en scène : Frédéric Dubois
Une production du Théâtre des Fonds de Tiroirs
Au Théâtre Denise-Pelletier : du 6 au 28 février 2015
Concepteurs et collaborateurs : Marie-René Bourget Harvey, Caroline Ferland, Yasmina Giguère, Renaud Pettigrew, Pascal Robitaille, Jennifer Tremblay.
Distribution : Simon Dépot, Monelle Guertin, Éliot Laprise, Catherine Larochelle, Pierre Limoges, Ansie St-Martin.
4353, rue Ste-Catherine Est, Montréal
Billetterie : 514-253-8974 / Admission