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Les canaries bien plus que des canaris

Il est  formé de sept d’îles volcaniques principales et d’une infinité d’îlots. Les vents Alizées qui viennent du nord le balayent constamment et règlent son hydrographie et son agriculture. On en dénombre deux : Les Alizées inférieurs qui soufflent à 1500 mètres au-dessus de la mer sont frais et humides. Les Alizées supérieurs qui soufflent au-dessus de 1500 mètres sont chauds et humides. Ces deux courants créent une inversion thermique qui génère une mer de nuages sur les versants orientés face aux vents dominants.

Cette mer de nuages atténue les rayons de soleil qui pénètrent jusqu’au sol; elle empêche aussi l’humidité de s’évaporer et provoque des précipitations horizontales qui fertilisent le sol. Dans les versants sud où il n’y a pas de mer de nuages, les sols sont secs et chauds.
 
En conséquence sur un côté des Canaries les sols sont très fertiles et produisent des pommes de terre, des céréales et des tomates en abondance. On y cultive aussi la vigne. La production annuelle de vin atteint aujourd’hui 4,5 millions de litres. Les sols volcaniques préviennent l’infestation du phylloxéra et les vignes peuvent être plantées franches de pied, sans porte-greffe.

Le vignoble canarien occupe environ 10% de la surface cultivable. On y trouve une centaine de cépages dont certains sont en voie d’extinction. Les principaux cépages des Îles Canaries sont :  
Pour les blancs le Gual ou Bual, la Malvasía, le Verdello, le Vijariego, le Listán blanco appelé aussi Palomino, la Moscatel, le Bastardo blanco, la Forastera blanca appelée aussi Gomera, le Marmajuelo, le Pedro Jiménez et le Torrontés.

Pour les rouges il y a le Baboso, le Listán negro, la  Moscatel negra, la Malvasía rosada, la Negramoll, le Bastardo negro, la Tintilla et le Vijariego negro.

Les méthodes de culture de la vigne se sont adaptées à chaque île et à chaque sol, quelques-unes sont spécifiques de ces îles. Par exemple les «parrales bajos» laissent pousser la vigne librement au ras du sol. Au moment de la récolte les vignerons soulèvent les sarments à 70 cm au moyen de bâtons. Après avoir récolté le raisin ils les remettent sur le sol. À Tenerife, dans la Vallée de la Orotava ils tressent les branches de la plante et font des longues cordes dont certaines arrivent parfois jusqu’à 15 mètres.

Par endroits ils placent ces cordons sur des fourches surélevées et peuvent même les déplacer en cours d’élevage jusqu’à 45 degrés. Dans d’autres régions ils cultivent la vigne en pergolas. Les sarments sont maintenus élevés sur des structures métalliques à une hauteur de 2 mètres et comme les terrains sont fertiles ils cultivent des pommes de terre sur le sol dégagé. Dans les zones de montagne soumises aux vents forts ils cultivent la vigne en gobelet et on remarque maintenant de plus en plus le système de palissage. Sur l’Île de Lanzarote les paysans percent des trous dans la lave qui peuvent atteindre 5 mètres, où la vigne va trouver un terreau fertile. Avec la matière qu’ils ont extraite pour faire ces trous coniques ils font des murets circulaires pour protéger leurs vignes des vents forts qui soufflent sur l’île.

L’activité vinicole a été importante aux Iles Canaries depuis le 16e siècle car elles étaient avantageusement placées pour le ravitaillement des bateaux. L’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, la France et les Pays-Bas se livraient alors à une course effrénée pour la découverte et la conquête du monde. Elle a connu un déclin avec l’arrivée de la marine à vapeur qui raccourcissait notablement  le temps des voyages et permettait aux bateaux de traverser l’océan sans escale. Depuis les années 80, les producteurs ont pris conscience de la nécessité de produire des vins qualitatifs et les Îles Canaries jouent à nouveau un rôle important dans la production vinicole espagnole.

Il y a 11 appellations protégées appelées Denominaciones de Origen ou D.O. Voici la liste:  Abona, El Hierro, Gran Canaria, La Gomera, La Palma, Lanzarote, Tacoronte-Acentejo, Valle de Güímar, Valle de La Orotava, Ycoden-Daute-Isora et Vino de Calidad de las Islas Canarias.

Les vins des Canaries sont des vins intéressants, typés à cause de ses sols volcaniques et des cépages qui s’y sont acclimatés et qui ont muté. Les parfums et les saveurs, de beaucoup de cépages,  ne correspondent plus à ceux de leurs homologues métropolitains, quand ils existent. En général ce sont des vins qu’on doit boire jeunes, et qu’on doit boire frais, pour les blancs autour de 5°C et pour les rouges à environ de 14°C.

J’AI EU L’OCCASION DE DÉGUSTER SIX VINS :

Le premier c’est l’Arautava, 2013, Tinto Tradicional D.O. Valle de la Orotava, 100% Listán Negro, 13° d’alcool. Produit par Bodegas El Penitente sur la Côte Nord de l’Ile de Tenerife.

Vignoble de vieilles vignes d’une cinquantaine d’années, cultivées à 400 mètres d’altitude en sarments tressés. La cueillette du raisin est effectuée à la main. Fermentation alcoolique et malolactique en cuve inox.  Élevage en fûts de chêne français et américain.

Robe rouge cerise avec des reflets violets. Des arômes de fruits rouges : framboise et fraise des bois, un peu de cacao et de tabac, un soupçon de cannelle, et de poivre noir. En bouche une belle matière fruitée, assez onctueux et minéral, une finale fraiche. Un vin qui s’accorde bien avec des viandes froides, et particulièrement avec le jambon sec, les fromages à pâte ferme, les risottos, les pâtes italiennes et les viandes mijotées dans une sauce aux champignons. Il faut le servir frais, autour de 14°C.  

Ce vin doit être consommé jeune et ne devra pas dépasser 4 ans de la date de son millésime. bodegaselpenitente.es

Le deuxième vin c’est le Frontos tinto D.O. Abona, produit par Bodega Frontos. Ils possèdennt le vignoble  Los Frontones dans la région d’Abona qui se trouve à 1.700 m d’altitude dans la partie sud de Tenerife et c’est un des plus hauts d’Europe. Le terrain est caillouteux et le climat est marqué par des écarts de température importants entre le jour et la nuit. La vigne a besoin d’être arrosée par goutte à goutte. La cave est creusée dans la pierre ponce, en profitant de la géologie souterraine locale qui offre des conditions idéales d’humidité et de température.

Frontos tinto D.O. Abona, millésime 2011, est un assemblage 70% Syrah et 30% Listan, 13° d’alcool.

Les vignes sont plantées sur un système de treillis et taillées en cordon de Royat. La récolte est effectuée manuellement. La vinification se fait par fermentation alcoolique en cuves inox et malolactique en barriques de chêne.  Élevage pendant 3 mois en fûts de chêne français et américain.

Robe rouge assez foncé. Bouquet délicat de fruits rouges murs : fraise et surtout framboise, un peu de poivre et des notes balsamiques. Bouche puissante, très fraîche avec une bonne harmonie entre les tanins, l’acidité et l’alcool, une matière fruitée onctueuse et agréable. Un vin pour accompagner les grillades, les pâtes et les fromages tels que le camembert ou le brie. Il faut le servir autour de 16° C. et le boire jeune. tierradefrontos.com

Le troisième vin c’est le Tajinaste Tinto Roble, 2012 D.O.P. Vino de Calidad de las Islas Canarias, 100% Listan Negro, 13,5° d’alcool.

Le raisin provient de vieilles vignes qui se trouvent à 600 mètres d’altitude  dans la Vallée de l’Orotava, sur l’Ile de Tenerife. La moitié des vignes sont cultivées en torsades et le reste en treillis, lesquels sont taillés en utilisant la technique de cordon de Royat.

La récolte est effectuée manuellement et placée dans des  cagettes pour s’assurer que le raisin arrive en cave en excellente condition. Macération à froid, fermentation alcoolique en cuves inox et fermentation malolactique à 70 % en cuves inox et le reste en fûts de chêne.  Élevage de sept mois dont deux en fûts de chêne français et cinq en chêne américain.

Robe rouge grenat limpide. Des arômes de fruits rouges avec prédominance de la framboise et de fruits noirs également : cerise et bleuet. On perçoit aussi des épices, de la vanille, de la réglisse, de la menthe, du chocolat et une minéralité marquée. En bouche c’est un vin viril qui offre des tanins intenses mais ronds, une jolie fraicheur, les fruits qui reviennent agréablement avec une certaine élégance. Ce vin s’accorde parfaitement avec un plateau de viandes froides, avec un plateau de fromages également, bon compagnon pour les viandes rouges, mais aussi pour la volaille lorsqu’elle est dorée au four. Il faut le servir assez frais, autour de 15ºC et le boire jeune.

Le quatrième vin que j’ai dégusté vient aussi de la maison Bodegas Tajinaste, et c’est le Tajinaste blanco afrutado, D.O.P. Vino de Calidad de las Islas Canarias 2013, 95% Listan blanco et 5% Moscatel, 12° d’alcool.

Les vignes sont cultivées sur les pentes du Teide, à 400 m d’altitude au-dessus de la mer avec la technique des sarments tressés. Cueillette manuelle, macération pré-fermentaire à froid, fermentation alcoolique en cuves inox pendant 9 jours, qu’on interrompt en baissant la température pour conserver une partie des sucres résiduels,

Robe jaune clair avec des reflets verts. Des parfums intenses de fruits exotiques : Ananas, maracuja, fruit de la passion, chirimoya, et papaye. Un deuxième nez nous apporte des notes d’agrumes, de menthe fraiche, de figue blanche et de pêche. La bouche est ample, douce sans être miellée et très fraiche. L’acidité fait ici des merveilles avec l’alcool, le sucre et les arômes de fruits. Une finale longue, tout à fait plaisante.

C’est le vin idéal des hors d’œuvres, du foie gras, des pâtés fermiers, il accompagne agréablement un plat de palourdes et de moules, et il est sublime avec des sushis.

Il a été conçu pour être bu jeune. Il ne faut pas le garder plus de deux ans à partir de son millésime. tajinaste.net

Le cinquième vin c’est le Viñatigo Marmajuelo 2013 D.O. Ycoden-Daute-Isora, 100% Marmajuelo, 13º d’alcool.

Le Marmajuelo est le premier cépage blanc qui a été introduit dans l’Ile de Grande Canarie vers 1402. Il n’existe aujourd’hui qu’aux Canaries.

Difficile de culture, on le retrouve principalement dans des vins d’assemblage. Ce mono-cépage Marmajuelo de Bodegas Viñatigo est donc une rareté que l’on doit savourer lentement.

Il s’agit de vieilles vignes plantées en treillis et parfois même en bajo parral canarien où les sarments sont soutenus à hauteur de 70 cm. par des pieux.  Le terroir est sablonneux et se trouve à 200 m au-dessus de la mer.Fermentation alcoolique uniquement, en cuves inox.

Robe jaune paille brillante. Poussé par son caractère variétal ce vin offre des arômes intenses de fruits tropicaux: de fruit de la passion, maracuja, ananas et figues blanches. Il est apprécié pour sa haute teneur acide. Puissant et intense en bouche, avec une texture onctueuse, et une belle harmonie entre son acidité marquée et l’alcool. Une finale persistante d’une grande élégance. Compagnon idéal des huitres et des fruits de mer, excellent avec la volaille, et les fromages de chèvre. Il faut le servir autour de 8º C.  On doit le boire jeune, dans les deux ans du millésime.


 
Le dernier vin que j’ai dégusté c’est le Viñatigo Tintilla 2012, D.O. Ycoden-Daute-Isora, 100% Tintilla, 14º d’alcool.

Les vignes sont cultivées en treillis. Le raisin est cueilli manuellement à maturité. Macération préfermentaire à froid, fermentation alcoolique à température contrôlée, élevage en fûts de chêne français pendant 18 mois.

Robe rouge grenat intense. Bouquet aromatique complexe avec des fruits noirs, myrtille, cerise, prune; on perçoit du chocolat également, un peu de tabac, des champignons, de la cardamone, un soupçon de cannelle, une touche de poivre noir. En bouche c’est un vin puissant, bien structuré, doté d’une belle acidité, des tanins riches, le goût de fruits qui revient et un peu de minéralité. Une finale très charmeuse.

C’est un vin de gastronomie, pour accompagner les viandes rouges, parfait avec les grillades, délicieux avec le grand gibier.  Il est excellent également avec l’agneau, et avec la volaille qui provient de la chasse : pintade, faisan, cailles, oies. Parfait avec un plateau de fromages.
 
Je recommande de le servir à une température de 16° C. Il est prêt à boire mais peut aussi se conserver en cave pendant 7 ans. vinatigo.com

Pour renseignements et importations privées:

Alec Dorsaint-Pierre, directeur aux Exportations
Harfang Exclusive, S.L
Tél. : 514-316-8476
Cell. : 34-697-512-747

SAMY RABBAT