RH – Deux jeunes vignerons à la tête d’un petit joyau dans le monde du vin, cela a éveillé ma curiosité. Comment vous êtes-vous rencontrés et quelle est votre formation et votre expérience.
MATHIEU MERCIER – Nous nous sommes rencontrés avec Julie durant nos études à Bordeaux. Nous avons tous les deux une formation d’ingénieur agronome spécialisée en viticulture mais également le Diplôme National d’œnologie.
JULIE RAPET – Mathieu a commencé à travailler pour le Groupe Taillan, propriétaire d’Osoyoos Larose en 2012, après quelques mois dans la compagnie, ils lui ont proposé de prendre la direction de ce splendide domaine Canadien. Ils m’ont également proposé de partir avec lui pour le seconder et gérer plus particulièrement le vignoble.
RH – Présentez-nous la région d’Osoyoos qui est un désert de la Colombie Britannique, et pourtant c’est aussi un verger où il y a des vignobles et même un lac.
MATHIEU MERCIER – L’Okanagan Valley est une région magnifique avec un climat très propice à la viticulture. C’est un climat continental avec des hivers assez froids, et des étés très chauds avec des températures pouvant atteindre 40°C. Les terroirs de la vallée sont très qualitatifs, et notamment à Osoyoos Larose, ce qui permet d’obtenir de raisins de grande qualité.
JULIE RAPET – Généralement les vignobles se trouvent sur les hauteurs et les vergers plus près du lac. Le vignoble d’Osoyoos Larose se situe à 450 mètres d’altitude, ce qui lui permet d’être moins touché par les gelées du printemps. Le vignoble se situant à flanc de montagne, nous avons un bon drainage et l’air assure des vendanges saines.
RH – Racontez-nous l’histoire de la Maison Osoyoos Larose. Quand avez-vous pris le contrôle de la production?
MATHIEU MERCIER – Osoyoos Larose a été créé en 1998, par le groupe bordelais Taillan avec le groupe canadien Vincor. Avant de planter le vignoble de nombreuses études ont été faites pour trouver le meilleur terroir pour la production de cépages bordelais. Plus tard Constellation a racheté Vincor avec la moitié des parts d’Osoyoos Larose. En 2013, persuadé de l’énorme potentiel de ce domaine, le Groupe Taillan a décidé de devenir l’unique propriétaire et a racheté les parts de Constellation.
JULIE RAPET – La même année l’ancien winemaker a décidé de partir. Mathieu qui travaillait déjà sur plusieurs propriétés bordelaises du Groupe Taillan, a tout de suite été intéressé par l’opportunité de diriger une propriété avec autant de potentiel. Il est arrivé en mars 2013 et je l’ai suivie en juillet de la même année.
RH – Comment vous distribuez-vous le travail?
MATHIEU MERCIER – Julie gère quotidiennement la vigne et moi le chai. Mais toutes les grandes décisions sont prises collectivement. Nous sommes également appuyés au quotidien par l’équipe des winemakers du Groupe Taillan.
JULIE RAPET – Je vais souvent au chai pour déguster que ce soit pour les assemblages ou dans le suivi des lots tout au long de l’année. Mathieu vient également quotidiennement à la vigne pour suivre la marche des travaux.
Pendant les vendanges nous commençons tous les deux à la vigne pour déguster les baies des parcelles à vendanger; ensuite Mathieu part au chai pour la journée et je le rejoins pour pouvoir suivre les vinifications, quand les équipes de la vigne ont terminé. C’est important d’échanger.
RH – Parlez-nous de vos terroirs et de la dimension du vignoble, de la qualité des sols et des climats.
MATHIEU MERCIER – Osoyoos Larose est un vignoble de 32 ha d’un seul tenant surplombant le magnifique lac d’Osoyoos.
JULIE RAPET – Ce qui rend Osoyoos Larose exceptionnel c’est la multitude des terroirs qualitatifs présents sur les 32 hectares. Plus près du lac nous avons des terroirs sableux, très stressants, très adaptés au Cabernet Sauvignon et au Cabernet Franc, qui ont besoin de ces conditions pour arriver à maturité. Plus près de la montagne nous avons des terroirs plus argilo-sableux qui permettent à nos Merlots de garder la fraicheur que l’on retrouve dans nos vins.
RH – La culture dans un milieu désertique a des contraintes particulières, au niveau de l’arrosage, avec des hauts taux d’évaporation.
MATHIEU MERCIER – Vous avez raison, nous sommes obligés d’irriguer nos parcelles pour garder un niveau de contrainte hydrique adapté à la culture des raisins de cuve. La gestion de l’irrigation est l’une de nos priorités. Depuis notre arrivée nous travaillons beaucoup sur la fréquence d’irrigation et sur les doses à apporter, pour essayer de rendre la vigne le moins dépendante possible de l’homme. Nous voulons permettre à ce terroir qualitatif de s’exprimer. En lui apportant une plus grande quantité d’eau à une fréquence plus faible, nous forçons la vigne à plonger ses racines en profondeur et nous la rendons moins dépendante de l’irrigation.
JULIE RAPET – De plus, nous avons installé depuis l’année dernière une irrigation souterraine. Nous n’en sommes encore qu’au stade des essais, mais les résultats sont très prometteurs. L’eau étant apportée directement dans le sous-sol, nous n’avons pas de phénomène d’évaporation, et nous pouvons épargner environ 60% de la quantité normalement apportée avec l’irrigation déjà en place.
RH – Quel type d’agriculture pratiquez-vous : traditionnelle, raisonnée, en développement durable, bio, ou en biodynamie?
MATHIEU MERCIER – Un peu tout ça… Depuis que nous sommes arrivés nous n’avons utilisé que des produits biologiques. Nous n’utilisons aucun herbicide puisque nous travaillons nos sols. Cependant nous ne souhaitons pas être certifiés biologiques, pour ne pas courir le risque de perdre un millésime si la pression en oïdium est trop forte.
JULIE RAPET – Nous utilisons également depuis cette année quelques préparations de biodynamie. Je suis persuadée que certaines pratiques peuvent aider au développement de la vie dans nos sols.
RH – Quelle est la proportion dans les cépages que vous cultivez et comment sont-ils distribués?
MATHIEU MERCIER – Nous cultivons 5 variétés qui sont le Merlot pour environ 60%, le Cabernet Sauvignon pour 20% et le reste en Cabernet Franc, Malbec et Petit Verdot. Le vignoble est planté à l’ouest du lac. Ce qui permet d’avoir le soleil du matin et d’être protégé des fortes chaleurs que nous pouvons avoir dans l’Okanagan les après-midis d’été.
RH – Comment se fait la vinification chez-vous de façon générale?
MATHIEU MERCIER – Nous avons au chai des équipements qui nous permettent de respecter l’intégrité du fruit. Nous avons acheté l’année dernière un érafloir de dernière génération qui grâce à un mouvement centrifuge érafle la grappe en laissant les baies intactes. Nous utilisons pour nos vinifications des cuves tronconiques qui nous permettent une meilleure extraction. Tout notre travail à la cave respecte le travail qui est fait durant toute l’année à la vigne et nous traitons le fruit avec beaucoup de soin. Nous voulons faire ressortir notre terroir d’exception dans nos vins, étant persuadés que le vin est principalement créé à la vigne.
JULIE RAPET – Nous avons également investi dans un pressoir vertical. À la dégustation nous constatons que le résultat sur la qualité des presses est impressionnant.
RH – Combien de types de vins produisez-vous?
MATHIEU MERCIER –Notre Terroir est un terroir de vins rouges. Nous en produisons deux : Le Grand Vin qui est un vin complexe, avec une très bonne structure, et un potentiel de garde important, et, Pétales d’Osoyoos est un vin plus sur la jeunesse, un vin plaisir, très fruité.
JULIE RAPET – Nous tenons à préciser que le Pétales n’est pas le second vin d’Osoyoos Larose. Nous utilisons pour ce vin les vignes les plus jeunes avec moins de tanins présents à la base dans le fruit. Le travail au chai est différent, moins d’extractif, pour garder ce côté fruit frais que l’on veut prédominant dans le style du Pétales.
RH – À partir de quel millésime le vin est entièrement produit par vous
MATHIEU MERCIER –Nous avons fait les assemblages du Grand Vin 2010, 2011 et 2012. Mais notre premier millésime complet de la taille à l ‘assemblage sera le 2013.
JULIE RAPET – Il faudra attendre environ fin 2016 début 2017 pour pouvoir acheter le millésime 2013 au Québec.
RH – J’ai participé à une dégustation verticale de votre Grand Vin, de 2003 à 2012 dont pratiquement aucun vin n’avait été encore fait par vous. J’ai remarqué que le vin avait évolué. Dans les premiers millésimes le vin était plus acide et les tanins plus puissants, et dans les derniers l’acidité s’imposait moins et les tanins avaient plus de rondeur. Les premiers comme les derniers étant d’une très grande élégance. Quel sera votre style?
MATHIEU MERCIER – Si les tanins deviennent plus ronds au cours des années, c’est que les vignes prennent de l’âge et les tannins s’assouplissent. Nous ne changerons pas le style du vin. Le Grand Vin continuera à être un vin de garde, d’une grande complexité. Nous souhaitons continuer à améliorer la qualité de nos vins, sans faire de compromis.
JULIE RAPET – Pour moi l’essentiel dans un vin est de reconnaître quels cépages on retrouve et de quelle région viticole il provient. Le Terroir d’Osoyoos Larose nous donne des vins structurés et complexes, notre travail est seulement de respecter ce que la vigne nous donne et de tout faire pour retrouver ces caractéristiques dans le vin. C’est absolument le terroir qui donne le style du vin.
RH – Quels vins du Domaine d’Osoyoos Larose sont sur le marché québécois et quels autres vont arriver dans un proche avenir?
MATHIEU MERCIER – Vous avez en ce moment Le Grand Vin 2009, le millésime 2010 devrait arriver fin mai-début juin.
JULIE RAPET – Quant au Pétales, le millésime 2011 est actuellement disponible au Québec. Vous devriez recevoir Pétales 2012 au début de l’année prochaine.
RH – Qui est votre agent distributeur au Québec?
MATHIEU MERCIER – Nous travaillons depuis juillet 2013 avec Charton Hobbs.
JULIE RAPET – Nous sommes très heureux de ce changement d’agent, parce que Charton Hobbs représente des produits haut de gamme, à l’image de notre Grand Vin.
RH – Nous allons déguster Le Grand Vin d’Osoyoos Larose dans les millésimes 2009 et 2010 et le Pétales d’Osoyoos dans le millésime 2011.
MATHIEU MERCIER – Le Grand Vin millésime 2009, offre les caractéristiques d’un Bordeaux classique. C’est un vin d’assemblage de Merlot à 58%, de Cabernet Sauvignon à 26%, de Cabernet franc à 7%, de Petit Verdot à 7% et de Malbec à 2%; 13,5° d’alcool. Le millésime 2009 a été chaud et idéal pour l’obtention de raisins d’une grande qualité. Le débourrement précoce, et l’excellente condition tout au long de la saison de croissance et de maturation de la vigne ont permis l’obtention de vin concentré avec une maturité optimale.
JULIE RAPET – À la vigne à cause des fortes chaleurs, il a fallu faire une excellente gestion de la canopée et du rendement. Les vendanges ont été faites en sélectionnant soigneusement chaque zone homogène pour apporter à la cave des raisins de même maturité.
MATHIEU MERCIER – Les grappes sont triées puis éraflées dès leur arrivée à la cave. Les vinifications se déroulent dans des cuves tronconiques fabriquées en France. Tous les lots sont dégustés chaque jour pour pouvoir adapter le temps de contact des pellicules et déterminer la concentration optimale en fonction du type de vin recherché et des fruits récoltés. Nous préférons faire de petits remontages très régulièrement afin d’extraire seulement les tanins les plus fins qui vont apporter élégance et structure au « Grand Vin ». De même une longue cuvaison est mise en place afin d’obtenir une concentration représentative d’un Grand Cru. Le vin est élevé de 18 à 20 mois en barriques françaises, avec une proportion 60% de barriques neuves et de 40% de barriques d’un an.
RH – Robe dense, d’un rouge foncé. Le vin fait des larmes dans le verre. Un bouquet ample de parfums de fruits noirs : cerise, prune, mûre, framboise également. Un deuxième nez nous livre des senteurs de chocolat, de tabac noir, d’épices douces, de caramel et de vanille. Puissant en bouche, avec des tanins fermes mais ronds, une belle fraîcheur fruitée; beaucoup d’élégance et une harmonie parfaite entre les tanins, l’acidité et l’alcool. Une fin de bouche gourmande qui se prolonge délicieusement.
JULIE RAPET – C’est un vin de grand repas qui accompagne si bien les viandes, la grande chasse et le petit gibier. Je préfère le faire décanter en carafe et le servir à 17°C.
MATHIEU MERCIER – Il sera à son apogée en 2019. L’Osoyoos Larose Le Grand Vin 2009 est disponible à la SAQ code 10293169 Prix 45,00 $.
RH – Nous allons déguster maintenant Le Grand Vin millésime 2010, 67% Merlot, 20% Cabernet Sauvignon, 6% Petit Verdot, 4% Cabernet Franc et 3% Malbec; 13,8°d’alcool.
JULIE RAPET – Le millésime 2010 a été frais avec des records de pluies au printemps, mais clément à la fin septembre et au début octobre, ce qui a permis aux grappes d’atteindre une parfaite maturité.
MATHIEU MERCIER – Le Merlot était si exceptionnel qu’il a été augmenté dans l’assemblage jusqu’à 67%, ce qui a donné un vin volumineux, suave et long. Pour le reste l’équipe a travaillé au chai avec le même soin que pour le millésime précédent.
RH – Robe rouge rubis intense. C’est un plaisir de tourner ce vin dans le verre à cause de belles larmes qu’il fait sur la paroi. Un bouquet superbe avec des notes de cerise rouge, de framboise, de fraise mûre, de groseille. On perçoit des touches de violette, d’épices douces, de pruneau, de café et de cuir. Ample en bouche, avec des tanins masculins qui tendent à s’arrondir, une belle acidité, jamais agressante, toujours élégante, et tellement charnu, et gourmand. Une fin de bouche, qui se termine comme une caresse.
JULIE RAPET – Ce vin délicieusement complexe, permet de l’accorder à toutes sortes de mets, comme un civet de lièvre aux morilles longuement mijotée, un bœuf braisé, une pintade à la casserole, ou tout simplement avec des grillades, tant il est bon.
MATHIEU MERCIER – Le vin sera à son apogée en 2020.
RH – Le Grand Vin 2010 ressemble à s’y méprendre à un Grand Cru de Bordeaux. Il sera disponible au Québec au début de 2016.
MATHIEU MERCIER – Nous allons déguster maintenant le Pétales d’Osoyoos millésime 2011, un assemblage de Merlot, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, Petit Verdot et Malbec; 13,8° d’alcool.
JULIE RAPET – Le millésime 2011 se caractérise par une période de croissance fraîche présentant un cumul de degrés très bas pour le sud de l’Okanagan. Cependant, la maturité optimale a été atteinte grâce à une arrière-saison longue et clémente.
JULIE RAPET – En raison des basses températures, l’effeuillage et l’éclaircissage ont été nécessaires pour assurer une bonne exposi¬tion des grappes et pour optimiser l’activité photosynthétique de la canopée.
MATHIEU MERCIER – Au chai, la vinification a été adaptée pour extraire unique¬ment les tanins très fins offerts par ce millésime. Nous n’utilisons pas de barriques neuves pour le Pétales dans le but de préserver le fruit.
RH – Robe grenat intense. Un bouquet de fruits rouges, une pointe de vanille et un peu de caramel et un soupçon de menthe. La bouche est ample, fraiche, joyeuse, avec des arômes de cacao, de réglisse et de menthe. Les tanins sont soyeux et la finale est agréablement fruitée.
JULIE RAPET – Le Pétales 2011 est un vin de joie, très convivial, qui peut se prendre en apéritif et qui accompagne toutes sortes de mets, des viandes, des pâtes; il est aussi très agréable avec un plateau de fromages. Je le servirai plutôt frais, autour de 16°C.
MATHIEU MERCIER – Le Pétales est prêt à boire dès maintenant mais peut aussi se garder six ans.
L’Osoyoos Larose Pétales d’Osoyoos 2011 est disponible à la SAQ, code 11166495 Prix 27,95 $
RH – Merci de m’avoir accordé cette entrevue, Mathieu et Julie, vos liens et ceux de votre agent seront placés à la fin de l’article.
MATHIEU MERCIER – Merci Roger, ce fut un plaisir.
JULIE RAPET – Merci Roger. Je suis ravie de cette rencontre.
Mathieu Mercier, responsable de la production Vignoble et Vin
Julie Rapet, assistante de production Vignoble et vin
Représentés au Québec par CHARTON HOBBS
Luc Provencher, directeur Division Vins Fins
Tél. : 514-353-8955, poste 358
Paul Desroches, analyste marketing