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L’estrÉmadure mÉconnue et fascinante, premiÈre partie

L’Estrémadure est la région la plus méconnue d’Espagne. Elle est collée à la province d’Alentejo au Portugal. Ses villes Caceres, Badajoz, Plasencia, Mérida, sont chargées d’histoire et leur richesse architecturale demeure intacte. Mérida a été fondée en 25 av JC par Octave Auguste, Badajoz a été fondée par les arabes, Caceres a eu une vie intense durant tout le Moyen-âge jusqu’aux temps troubles de la Guerre Civile qui se termine en 1939. La longue frontière de l’Estrémadure avec le Portugal a été l’enjeu des tensions entre l’Angleterre et la France pendant des siècles.

L’Estrémadure a été assignée à une vocation agricole, par la volonté de la dictature franquiste, tandis que les grandes villes du nord et de l’Est connaissaient un développement industriel. Loin des courants commerciaux et touristiques, cette magnifique région est en quelque sorte une terre vierge. Elle produit des vins délicieux, des produits maraîchers incomparables, des olives, du liège, et des porcs dont on fait des jambons de première qualité. Les prix sont outrageusement bas.

Dernier appel pour Lisbonne, nous pressons le pas. C’est en effet bien plus simple d’arriver en Estrémadure par Lisbonne que par Madrid. Nous sommes bientôt confortablement installés dans nos sièges de classe affaires où le voyage nous paraîtra plutôt court.

Nous sommes arrivés  à Lisbonne le 17, où nous avons été accueillis par Javier Diaz et Emilio Cartolano, le directeur commercial et le directeur export de Bodega San Marcos, qui produit les vins de Campobarro. Ils ont des liens d’affaires au Québec avec Benedictus.

Notre première visite était pour Amorim, la plus grande entreprise de liège du monde. Grâce au cellulaire et au GPS, nous rencontrons sur la route le Directeur commercial d’Amorim, Jose Manuel Amorim et Miguel Almeida, du service commercial, qui vont nous guider par des routes de montagne jusqu’à Santa Maria de Lamas pour voir les bois de chêne-liège du Portugal. Nous y avons rencontré le propriétaire, Don Antonio Amorim, un  gaillard de 84 ans, en pleine forme, qui dirige personnellement les équipes de coupe de son domaine de 20 000 hectares.


Don Antonio et son équipe technique

Le Portugal produit plus de 50% du liège employé dans le monde. Le chêne-liège dont le nom scientifique est Quercus Suber L est un arbre dont la culture et la coupe sont réglementés depuis le Treizième siècle. En 2011 il a été désigné symbole végétal du Portugal. Le chêne-liège a une capacité d’absorption 5 fois supérieure en CO2 à n’importe quel autre arbre. On calcule que le bois dans lequel nous nous trouvions retient chaque année 14 millions de tonnes de dioxyde de carbone.

La première coupe d’écorce se fait lorsque l’arbre atteint 25 ans, et les suivantes à chaque 9 ans. Le travail de coupe demande une grande dextérité de la part des bucherons pour ne pas endommager le tronc de l’arbre. Ils ont des hachettes avec lesquelles qui font des coupes nettes, toujours le long du tronc jusqu’au pied, mais jamais dans les branches, car il faut que l’écorce cueillie ait une épaisseur entre 3 et 7 centimètres.

L’écorce est détachée en tirant par petits coups saccadés. L’arbre dénudé est marqué en peinture blanche du dernier chiffre de l’année, donc 5 pour 2015. Il indique qu’on devra repasser pour une autre coupe en 2024. Pendant ce temps l’écorce aura eu le temps de se reconstituer. Les bois sont exploités selon les principes de l’agriculture durable, sans utilisation de produits chimiques même contre les insectes qui peuvent s’attaquer au bois, et qui sont heureusement peu nombreux dans la région. Les morceaux d’écorce sont placés en tas, dans des zones de séchage, avant d’être acheminés à l’usine. Il semble que le métier de coupeur de liège soit très bien payé, mais ne dure que trois mois par année. J’avais remarqué des rizières qui alternaient avec les bois de chêne-liège, don Antonio m’a expliqué que le travail du liège demande un si long temps d’arrêt que sans les rizières il ne serait pas rentable. On trouve aussi des bois de pins dont ils exploitent les pignons destinés à la pâtisserie. Après avoir fait nos adieux à Don Antonio, on nous invités à visiter la fabrique d’Amorim dans la localité de Coruche.

Amorim c’est une vaste usine ultra-moderne, qui travaille également selon les principes du développement durable. On y   recycle les eaux usées, et on alimente les turbines avec de déchets de liège, ce qui les rend autosuffisants en énergie pour plus de 50% de leurs besoins.
Le liège est un tissu végétal extrêmement léger, élastique et compressible. C’est le seul solide qui lorsqu’on le compresse d’un côté ne se gonfle pas sur l’autre face. Il a une faible conduction de la chaleur, du bruit et de la vibration. Il est imperméable aux liquides et au gaz. Il a la capacité de retarder le feu, et lorsqu’il brûle, sa flamme n’émet pas de gaz toxique.

L’usine de Coruche en est une de nettoyage et de première transformation. Amorim a une autre usine près de Porto où l’on fabrique des bouchons et des plaques pour différents usages. 

Après la visite, nos amis d’Amorim nous ont invités à déjeuner au restaurant Sabores de Coruche, et nous ont régalés de délicieux mets portugais à base de produits de la mer, avec des vins blancs portugais qui se mariaient très bien.


Sabores de Coruche

Nous avons repris notre route vers Mérida où nous devions loger et nous nous sommes arrêtés à la ville fortifiée d’Elvas, à seulement 12 kilomètres de la frontière avec l’Espagne. Notre ami Emilio qui connaît bien la région nous a conduits jusqu’à une colline intra murs d’où nous avons admiré un immense aqueduc de plus de 10 kilomètres de long qui n’a pas moins de 843 arcs et qui a été commandé par le Roi João III en 1537 et achevé  en 1622.

Nous avons pu contempler aussi le château médiéval.  La petite ville d’Élvas est intéressante. Elle aurait été habitée par les Celtes, mais ce sont les Romains qui y ont construit un château au Deuxième siècle av. JC; les Wisigoths les ont remplacés et ont laissé d’intéressants vestiges. Les Arabes l’ont dominée pendant des siècles et lorsque  les Portugais en ont pris le contrôle, ils en ont fait un fort d’avant-garde face à l’Espagne. La ville est charmante, toute blanche et jaune. La Plaça de la Republica est un bijou. Il y a beaucoup d’églises et des couvents magnifiques. Les rues sont étroites et en forte pente.


Plaça de la Republica

Nous avons traversé la frontière peu après. Ce qui est un grand mot aujourd’hui, car avec l’Union Européenne il n’y a plus de frontière ni même de panneau indicateur vous donnant la bienvenue dans le pays. On s’aperçoit qu’on est en Espagne lorsqu’on commence à lire des panneaux en espagnol. Les routes sont belles, on y circule à 120 km/h.

Nous sommes arrivés à Badajoz par la Porte de la Palma qui est aussi l’emblème de la ville.  Badajoz a été fondée en 875 par le renégat chrétien espagnol Abd al-Rahman Ibn Muhammad Ibn Marwan qui en fait sa capitale. Pendant quatre siècles elle sera musulmane, jusqu’à sa conquête par  Alfonso IX roi de León, en 1230.  À partir de cette date, Badajoz vivra au rythme des conflits avec le Portugal et pendant tout le XIXe siècle subira les effets des relations tendues entre la France et l’Angleterre. C’est une ville fortifiée, avec son Alcazaba qui a de nombreuses tours dont la célèbre Torre espantaperros.


Torre espantaperros

C’est aussi une cité pittoresque extra-muros, elle a une très jolie Plaza Alta qui fut autrefois un marché.


Plaza Alta de Badajoz

Nous sommes arrivés finalement à Mérida où nous avions des réservations à l’Hôtel Parador de Mérida, un ancien couvent de religieuses transformé en hôtel de luxe. Les paradores ont été créés au début du XXe siècle, jusqu’aux années 70, pour accueillir les hauts fonctionnaires de l’état; les chambres inoccupées sont louées aux particuliers. Nous nous sommes dépêchés à déposer nos bagages et à rejoindre Emilio et Javier pour nous lancer à la découverte de Merida, l’ancienne Emerita Augusta fondée par Octave Auguste en 25 avant notre ère.

Elle était destinée à accueillir les vétérans de la Ve légion Alaudae et la Xe Gemina qui s’étaient distingués dans les guerres cantabres. Jusqu’à la chute de l’Empire romain d’Occident, Emerita était la capitale de la province romaine de Lusitanie et un centre juridique, économique et militaire de premier ordre. Les rues sont  pittoresques et lumineuses. Elles suivent les caprices de la géographie. Nous nous sommes retrouvés devant un temple romain qu’on appelle aujourd’hui le temple de Diane mais qui du temps des romains était voué au culte des empereurs.


Temple de Diane

C’est un bel édifice, qui date du Premier siècle de notre ère. Son plan rectangulaire est entouré de colonnes. Sa façade composée de six colonnes corinthiennes est surmontée d’un fronton. Intégré à la rue, ce temple est bien vivant et participe à la vie du quartier.  Nous avons accéléré le pas pour arriver au Forum où se trouvent  le Théâtre romain l’Amphithéâtre et le Cirque qui forment le plus important site archéologique romain de la Péninsule ibérique.

Le théâtre a été inauguré en 15 avant J.C. Il a une capacité pour 6000 spectateurs. Son acoustique est remarquable à cause qu’il est adossé à la colline San Alban. Le plan est simple et classique : la scène qui comprend un mur de scène et un hémicycle de gradins en pierre. Il y a un espace entre les gradins et la scène où autrefois il y avait trois bancs, qui étaient destinés aux magistrats. Les gradins sont eux-mêmes divisés en sections: basse, moyenne et haute. Ce théâtre accueille, chaque été, des troupes qui jouent des pièces d’inspiration antique et des festivals de musique.

Théâtre de Merida

L’amphithéâtre, attenant le théâtre, date de l’an 8 avant notre ère. Il est assez semblable mais en plus grand, puisqu’il peut accueillir jusqu’à 15000 personnes.

Un peu plus loin se trouve le Cirque romain construit à l’extérieur de l’enceinte fortifiée, il date du Premier siècle.  C’est le plus vaste des trois édifices avec 420 mètres sur la longueur et 98 sur la largeur. Il pouvait accueillir 33 000 personnes. C’est là où se déroulaient les courses de chars, les combats des gladiateurs, et les combats de fauves, quelquefois avec des hommes. Pour les combats navals il existait  un dispositif qui permettait de remplir la piste d’eau. J’ai parcouru avec une certaine émotion, les couloirs que devaient parcourir les lions pour se rendre à l’arène. Le cirque de Mérida est le mieux conservé du monde romain. L’Unesco a déclaré la ville de Mérida  Trésor et Patrimoine de l’Humanité en 1993.

Nous avons quitté le site avec regret. Mais lorsque nous sommes passés devant un magasin d’ultramarinos, les visiteurs nous avons perdu la tête devant tant de délices : des vins, des jambons, des olives, des boites et des boites de poivrons et de piments en poudre,  des chocolats. Ce n’est pas pour rien que Mérida a 2060 ans d’histoire et de gourmandise.

Nos amis nous ont amenés dîner dans un endroit connu comme le  13 Uvas qui se trouve à côté du temple de Diane, où nous nous sommes régalés avec des tapas et de jambon serrano, et de bon vin de la région. Après presque 20 heures d’une vie intense, j’ai regagné mon lit avec plaisir.

Le 18 juin, nous nous sommes retrouvés à la salle à manger pour un déjeuner copieux, avec tout un choix de viandes froides et de viennoiseries, mais ce qui m’a ravi le plus c’est la tortilla de patata, cette omelette espagnole faite à la perfection. Nos fidèles amis Emilio et Javier nous attendaient à la réception pour nous amener visiter Campobarro et la Bodega San Marcos.

Avant de sortir de la ville ils nous ont fait faire un détour pour nous montrer l’Arc de Trajan. Bien que Trajan ait été un empereur d’origine ibérique, il n’est pas certain que cet arc ait été construit sous son gouvernement. Il servait de porte dans une voie principale, et était recouvert d’un revêtement de marbre, aujourd’hui disparu. Il demeure néanmoins majestueux avec ses 14 mètres de haut par 9 de largeur.

La campagne d’Estrémadure est pittoresque, car elle est souvent découpée de collines et de tertres. Il n’est pas rare de voir un château-fort  au sommet. Certains sont majestueux. On voit des cigognes partout, et leurs nids sont presque sur toutes les tours. Des vignobles à perte de vue nous annonçaient qu’on approchait de San Marcos. Les premiers panneaux étaient là. À la différence de celui de Venise, le San Marcos ailé de Campobarro porte sa puissante queue pointée vers le haut. Nous nous arrêtâmes devant une belle bâtisse moderne où nous fûmes accueillis par le Président Emilio González Maqueda, qui nous invita à visiter sa bodega et à découvrir tous ses vins.

Nous avons rencontré l’équipe : Wernik Van Haselen pour le Commerce et la logistique internationale,  Antonio Garcia l’œnologue, Javier Gonzalez, chef de production, Máximo Altamirano chef administratif et Guillermo Burgos Directeur Commercial Marketing.

Antonio Garcia nous a guidés à travers son ultramoderne cuverie inox et ses chais remplis de futs. Nous avons visité aussi l’usine d’embouteillage, d’étiquetage et d’emballage, et la boutique.

San Marcos est une coopérative de 200 producteurs de raisin et d’olives de Tierra de Barros qui a été fondée en 1980. Ils représentent 2000 hectares de vignobles et 1800 hectares d’oliviers. Son équipe de techniciens et d’œnologues suit et supporte les producteurs dans tout le processus de culture jusqu’à la récolte, autant pour le raisin que pour l’olive.  

La coopérative produit environ 2,5 millions de bouteilles de vin par année.  Elle vinifie en rouge le Tempranillo qui est largement majoritaire, mais aussi le Merlot, le Cabernet Sauvignon, la Syrah et le Carignan. En blanc, elle vinifie deux variétés locales, la  Pardina, et la Cayetana, et le Macabeu. Ils font des vins mousseux, des rouges, des rosés et des blancs. À la fin de la visite nous avons été invités à parcourir les vignes en cabriolet. Les vignes étaient en admirable bonne santé. Le millésime 2015 s’annonce bien.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

BODEGA SAN MARCOS

Carretera. Aceuchal S/N
 
Emilio Cartolano, Export Manager
 
Javier Diaz, jefe del mercado nacional
 
Représentés au Québec par l’Agence BENEDICTUS inc.
Benoît Lecavalier
Tél. : 450-671-5572

SAMY RABBAT