Colville ou la magie du rÉel

Colville offre, par des œuvres picturales, une réflexion sur le corps, le temps, la condition humaine et l’amour. Colville saisit sans fards, ni concessions, la réalité du monde. Une bicyclette, un homme et un révolver, ou avec son chien, un cheval et un train, un couple sur la plage, une femme nue devant son réfrigérateur ou encore qui enlève des vêtements d’une corde à linge. Le quotidien nous est dévoilé dans sa nudité et sa réalité.*  

Un regard doux, sans cynisme, où se joue au quotidien l’amour des animaux et d’une femme, sa compagne de toujours: Rhoda Wright. Cette distance aux choses et aux êtres a été exprimée par ses peintures. Jamais de fusion avec l’être aimée, deux amoureux restent résolument différents.  Cet amour dans la distance des êtres et des choses recèle peut-être l’une des clés de l’œuvre d’Alex Colville.**

 
Colville incite, en effet, à une réflexion sur le corps, le temps, la condition humaine et l’amour. Rhoda a posé pour lui toute sa vie, dans toutes les positions et même nue sur la tête!   Son corps devient lourd, avec les années qui passent, et Colville la peint encore et documente leurs vies qui avancent vers leur conclusion. L’éphémère des êtres et des choses devient ainsi le fil d’Ariane de Colville.*** L’amour peut-il être plus fort que le temps? Une fin tragique est-elle inévitable?

Colville, artiste de guerre, a été bouleversé par les horreurs du camp de concentration Bergen-Belsen. Le côté sombre, l’éphémère des êtres et des choses ne pourront plus être oubliés.**** La réalité illustrée par Colville est captée dans l’instant et livre un témoignage et une réflexion sur un quotidien transformé. Colville est aussi associé au mouvement du réalisme magique. La réalité décrite recèle un mystère, une hésitation et une tension.***** « As a good realist, I have to reinvent the world. »  (Alex Colville)

L’importante exposition d’une centaine d’œuvres d’Alex Colville, au Musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa, vaut assurément le détour. Ce magnifique musée, ouvert en 1988, est l’œuvre de l’architecte Moshe Safdie, célèbre architecte canadien qui a aussi réalisé Habitat 67. La colonnade monumentale qui joint l’entrée au Grand Hall a une longueur de 85 mètres et constitue un véritable chef-d’œuvre architectural.  Lors de votre prochain séjour à Ottawa prenez le temps d’admirer ce musée qui offre également une très belle collection permanente.

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* Un regard sur ces œuvres : première vidéo
** Ann Kitz parle de ses parents : deuxième vidéo
*** Dans la mythologie grecque, Ariane pour aider Thésée à ne pas se perdre dans le Labyrinthe, a laissé son nom au « fil d’Ariane », un fil conducteur.
**** Les liens éloquents entre Alex Colville et les frères Cohen : troisième vidéo et Kubrick : quatrième vidéo
***** Le réalisme magique se caractérise pour laisser au public, une hésitation qui subsiste et que personne ne peut prononcer, ni pour fantastique ni pour surréaliste, et qui laisse la croyance véhiculer la voyance plus que le regard. Dans une œuvre du réalisme magique «tout ce qu’on est tenté de nommer du « surnaturel » semble parfaitement naturel aux yeux  de l’instance narrative (…) ». Œuvres d’Alex Colville associées au réalisme magique

À voir
L’exposition Alex Colville
Jusqu’au 7 septembre 2015
Musée des Beaux-Arts du Canada
Ottawa

ALAIN CLAVET