La venue mouvementée à Québec, en décembre 1905, de la plus
grande actrice au monde, sert de toile de fond à la pièce de Michel Marc
Bouchard, La Divine illusion,
présentée au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) du 10 novembre au 5 décembre.
Néanmoins, le poids de la religion et l’exploitation sociale constituent le
véritable cœur du propos.
Michel Marc Bouchard le répète à plusieurs reprises au cours
de l’entrevue: malgré le titre (référence au surnom de l’actrice
française, ‘La Divine’) et l’affiche du TNM où Anne-Marie Cadieux, qui
interprète la star, apparaît si grande, « Sarah Bernhard n’est pas le
personnage principal de la pièce ».
Celui-ci est plutôt à aller chercher du côté de Michaud (joué
par Simon Beaulé-Bulman), jeune séminariste passionné par le théâtre, chargé de
porter à l’actrice qu’il vénère la lettre de l’archevêque annonçant
l’interdiction de sa pièce. « Il y a beaucoup
de moi dans ce personnage. Il a d’abord été attiré par tout ce qui brille au
théâtre, avant d’en saisir son potentiel et sa force politique », explique
Michel Marc Bouchard.
La pièce, créée en anglais pour les Ontariens du Festival Shaw
– où elle a été encensée – se base sur des faits réels. Si, à la fin du XIXe
siècle, les différentes venues de Sarah Bernhard à Montréal se sont bien
déroulées, il en est allé bien différemment lors de son passage dans la
capitale québécoise.
UN « UNIVERS
ROMANESQUE »
Ainsi, l’interdit de l’archevêque, qui dénonce l’immoralité du
théâtre et donc de la comédienne, en a poussé plus d’un à revendre ses billets,
rappelle Michel Marc Bouchard. « Réalisant ce qui se passait, Sarah Bernhard va
faire deux déclarations. L’une, assez virulente, à la presse pour dénoncer la
bigoterie. Puis, à la fin de la pièce, elle répond à l’archevêque en rendant
hommage au théâtre », raconte l’auteur des Feluettes.
Sarah Bernhardt par Henry Walter Barnett, 1910
Ce dernier a donc voulu mettre en lumière les dégâts causés
par l’autorité d’un dogme religieux tout-puissant. Un problème qui reste à ses
yeux on ne peut plus d’actualité: « Chaque jour, nous parlons de cette
forme d’extrémisme. Des millions de gens sur cette planète en sont victimes
aujourd’hui. Si les gens qui vont voir la pièce se disent seulement ’ »C’était
comme ça à l’époque au Québec’’, j’aurai vraiment raté mon coup ».
Outre l’art et la religion, un troisième pouvoir, l’argent, occupe
également une place très importante dans la pièce, à l’image de la visite de
Sarah Bernhard dans une manufacture de chaussures où travaillent des enfants. «
La pièce embrasse large, c’est un univers plus romanesque que l’univers du
théâtre tel qu’on le connaît chez moi », conclut Michel Marc Bouchard qui, de Tom à la ferme à Christine, la reine-garçon, ne cesse de rencontrer un grand succès
ces dernières années.