nourriture, des photos et des vêtements qui ont appartenu aux défunts
afin qu’ils soient bien accueillis pour leur retour. À cette fin, les
familles iront au cimetière le 2 novembre pour nettoyer les tombes,
faire de la musique, apporter des fleurs (Campasuchils) et de la
nourriture, dont le Pain des morts. Rien n’est plus important dans la
tradition mexicaine que de célébrer le retour des aimés disparus. La
mort aurait trois étapes, selon la tradition populaire mexicaine: le
cœur qui arrête de battre, l’âme qui fuit le corps, mais, la plus
définitive, lorsque le défunt est oublié.*1
Les
célébrations du Jour des morts (Dia de Muertos) au Mexique remontent à
la nuit des temps. Déjà, les Aztèques avaient conçu des fêtes indigènes
dédiées aux morts et des rituels forts élaborés. À cette fin, de petits
autels sont construits et présentent plusieurs niveaux, en symbole des
différents lieux traversés par l’âme des défunts. On y place diverses
offrandes: des bougies allumées, un crucifix, du papier coloré et
découpé, des roses d’Inde, de l’encens et des têtes de mort en sucre.
Les
rites dédiés aux ancêtres, dans les civilisations mésoaméricaines,
remontent à environ trois mille ans. À l’époque préhispanique, il était
courant de conserver des crânes comme trophées de guerre et les afficher
lors de rituels pour symboliser la mort et la renaissance. Les
Aztèques pratiquaient la Fête des morts, enfants et adultes. Après la
colonisation espagnole, les fêtes étaient célébrées à la Toussaint.
Aujourd’hui, les rituels indigènes préhispaniques subissent l’influence
anglo-saxonne de l’Halloween. Ces fêtes ont inspiré de nombreux livres
et films, dont la légende de Manolo, un film américain d’animation paru
en 1974.*2
Le Jour des morts est une fête populaire. Du 31
octobre au 2 novembre, toutes les familles, du plus jeune aux aînés, se
maquillent et se déguisent pour devenir des spectres! Le 31 octobre est
consacré aux enfants morts (Angelitos) et un goûter traditionnel leur
est offert à 19h. Le 1er novembre, jour de la Toussaint (Todos Santos)
c’est ensuite, pour les défunts adultes, que de nouvelles offrandes sont
déposées sur les autels.*3
Les
rues et les restaurants se couvrent de milliers de chandelles et des
centaines d’autels rivalisent d’ingéniosité pour offrir son respect à un
écrivain célèbre comme feu Gabriel Garcia Marquez, ou un joueur de
soccer décédé. Des musiciens de rues envahissent les places publiques et
des danses macabres s’improvisent dans un rythme endiablé. Salvador
Dali affirmait d’ailleurs que jamais il ne retournerait au Mexique, car
ce pays est encore plus surréaliste que ces œuvres!*4 « Le Mexique est
le pays le plus surréaliste du monde. Notre mouvement artistique n’est
pas nécessaire dans ce pays. » (André Breton, poète et écrivain
français.)*5
La
foule se promène paisiblement dans des quartiers devenus enchantés.
L’effet est saisissant. Les costumes de spectre, les maquillages de
mort-vivant, les tambours aux rythmes hypnotiques, les dessins de sable
coloré dans les rues, les centaines d’autels couvertes d’offrandes et
les milliers de chandelles allumées. Le plaisir manifeste des passants
et des badauds font du Jour des morts une expérience forte pour tous les
sens. Cette fête n’a pas été récupérée par la grande machine
capitaliste. Les costumes et les maquillages sont créés à la maison et
tous se promènent sans rien acheter ou tenter de vendre. Le simple
plaisir de vivre une tradition ensemble et de sentir une communauté, qui
le temps de quelques nuits, vibre au même diapason et se souvient et
honore leurs défunts.*6
La
culture se forge sur l’enclume du temps. La richesse de la culture
mexicaine se fonde sur les civilisations aztèque, maya, hispanique et
européenne notamment, qui ont produit une originalité fusionnée au
creuset de leur diversité. Le Jour des morts du Mexique est inscrit au
patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
*1 Comme l’a si bien écrit Octavio Paz : « Pour l’habitant de Paris, New York ou Londres, la mort est ce mot qu’on ne prononce jamais parce qu’il brûle les lèvres. Le Mexicain, en revanche, la fréquente, la raille, la brave, dort avec, la fête, c’est l’un de ses amusements favoris et son amour le plus fidèle. Certes, dans cette attitude, il y a peut-être autant de crainte que dans l’attitude des autres hommes; mais au moins le Mexicain ne se cache pas d’elle, ni ne la cache; il la contemple face à face avec impatience, dédain ou ironie : “S’ils doivent me tuer demain, qu’ils y aillent pour de bon”. » Le labyrinthe de la solitude, éd. Gallimard, Paris 1972, p. 55-56.
*2 La légende de Manolo (première vidéo)
*3 Le Jour des morts (deuxième vidéo)
*4 « By no means will I return to Mexico. I cannot stand being in a country more surrealistic than my paintings. » Salvador Dali, peintre et sculpteur espagnol.
*5 André Breton, né le 19 février 1896, en Normandie, était un écrivain français, poète et théoricien du surréalisme. Il est surtout connu comme étant le principal fondateur du mouvement surréaliste. Parmi ses écrits se trouve le manifeste du surréalisme de 1924 dans lequel il définit le surréalisme comme de l’automatisme psychique pur. En 1938, Breton a accepté une commission culturelle du gouvernement français pour un voyage au Mexique. Après s’être perdu dans la ville de Mexico après une conférence sur le surréalisme, Breton déclara: « Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Le Mexique est le pays le plus surréaliste du monde. » En 1944, il a voyagé en Gaspésie où il a écrit Arcane 17, un livre qui exprime ses crainte de la Seconde Guerre mondiale, décrit les merveilles du Roché Percé et célèbre son nouvel amour avec Elisa.
*6 Documentaire d’ARTE sur le Jour des morts (troisième vidéo)
Pour fêter avec les Mexicains le retour des morts
Le Jour des morts
Patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO