Hélène Dorion, Mes forêts (Nouvelle édition). Par Ricardo Langlois
L’heure est à la fête. Hélène Dorion sera lue par des milliers de lycéens. Voici « Mes forêts » en livre de poche » (réédition et entretien de huit pages ). Elle a écrit des livres mémorables. L’expérience de l’écriture qui transforme au plus profond de soi. « J’ai tout demandé à l’écriture et d’abord qu’elle me guide vers le centre de la vie, ».(1 )
Pour moi, tout est là.
Je suis toujours dans ma forêt
C’est une métaphore. Ma vie est un bunker au-delà du siècle, des mondes qui m’entourent. Le dernier poème du livre résume bien l’œuvre :
« Mes forêts sont un long passage
Pour nos mots d’exile et de survie
Un peu de pluie sur la blessure
Un rayon qui dure
Dans sa douceur
Et quand je m’y promène
C’est pour prendre le large
Vers moi-même, » (p.114 )
Lire Hélène Dorion est pour moi : une expérience d’un cheminement intérieur. Elle écrit ceci : « Le poème est un incessant mouvement pour tenter de rejoindre un au-delà de lui-même. Là se trouve son accomplissement. Le poème, sans l’altérer, éclaire l’obscur. Il œuvre dans l’inexaucé, l’informulé. Le sens même de la poésie repose sur cette quête incessante qui est celle de l’être, » (2 )
Mes forêts au baccalauréat
Imaginez, le recueil d’Hélène Dorion sera analysé par les lycéens de France. Un grand bonheur : « Vas-y, entre dans ces forêts, tu n’as rien à redouter. Laisse-toi guider par la musique des mots, comme si un oiseau t’invitait à le suivre » ( Bruno Doucey). Il s’agit de son éditeur qui parle d’elle avec la plus grande admiration.
Il parle de celle qui a obtenu un baccalauréat en philosophie à l’âge de 22 ans. Trois ans, plus tard, elle écrira son premier livre de poésie. L’intervalle prolongé suivi de la chute requise en 1983. Le critique et écrivain Pierre Nepveu évoque son œuvre avec admiration : « Nous avons besoin de sa requête intérieure, de cette immensité du dedans, de ce vent de l’âme que sa poésie ne cesse de faire souffler et de faire entendre. » (p.124)
Je n’aime pas les formes fixes, les contraintes, les jeux formels. J’aime la poésie qui chevauche la vie, le cœur qui bat… J’aime les livres de beauté, de création. Les livres qui me font voyager. Je lis pour connaître mon chemin intérieur. Je lis Hélène Dorion avec la même intensité que Christian Bobin. Ils me font vivre.
Décrypter l’essentiel
Ça coule comme une source. Une eau–de–vie intarissable. On va à l’essentiel : rêver, apprendre. Aller vers la Lumière avant la fin. Il est minuit moins une nous disent les scientifiques.
« Du portable au jetable
Le jardin où périt un monde
Ou l’on voudrait vivre. » (p. 65 )
Chaque phrase, chaque poème est une méditation, une métaphore.
Partager le vivant et le Sacré :
« J’attends un geste de lumière
Posé sur l’énigme fragile. » (p. 76 )
Abattre des forêts par centaine. L’anarchie baroque des Consciences s’agite. Cette anarchie d’impatience à civiliser, à changer le monde en un vaste écran. On va même jusqu’à déconstruire la forêt des mots. Le 21esiècle est un déluge de souffrances. L’autrice nous fait réfléchir :
« Un poème murmure
Un chemin vaste et lumineux
Qui donne sens
À ce qu’on appelle humanité. » (p. 111)
À ceux et celles qui n’ont jamais lu Hélène Dorion, ce livre est une représentation intimiste de son œuvre. À la fin de cette poésie pure, une très belle entrevue avec l’autrice. « Mes forêts » est un livre de questionnement : « Comment faire du souci de la terre une question individuelle et collective? Que peut la poésie dans nos vies? » (p.153 )
Dans un monde sans dieux ni certitudes, le chant lyrique de « Mes forêts » nous apprend une certaine manière de vivre. Être lucide dans un univers qui bascule petit à petit. Un livre de poésie presque philosophique qui marque l’époque actuelle. Un incontournable dans la poésie actuelle.
Notes
- Hélène Dorion, « Recommencements », Druide 2014.
2. Hélène Dorion, « Sous l’arche du temps »Typo, essai 2013.
Hélène Dorion, « Mes forêts » suivi de « Le paysage, l’intime, la poésie » Par Bruno Doucey, Éditions Bruno Doucey 2023.
Hélène Dorion est une écrivaine québécoise. Elle a publié plus de trente livres pour lesquels elle a reçu plusieurs prix littéraires dont le prix Mallarmé, le prix du Gouverneur général du Canada, le prix Anne-Hébert, le prix de la revue Études françaises de l’Université de Montréal et le prix Léopold-Senghor.
En 2019, elle reçoit le prix Athanase-David, la plus haute distinction accordée par le gouvernement du Québec en littérature. Hélène Dorion publie en 2018, aux éditions Bruno Doucey, le recueil « Comme résonne la vie« .