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Turin a inventé l’apéritif à l’italienne il y a 200 ans

L’Institut Italien du Commerce Extérieur et le Consortium du Vermouth di Torino IGP nous ont invité à un « Apéritivo à la méditerranéenne » pour nous faire découvrir les grands vermouths de Turin IGP.
L'Institut italien du commerce extérieur et le Consortium du Vermouth di Torino L'Institut italien du commerce extérieur et le Consortium du Vermouth di Torino
L'Institut italien du commerce extérieur et le Consortium du Vermouth di Torino

L’Institut Italien du Commerce Extérieur et le Consortium du Vermouth di Torino IGP nous ont invité à un « Apéritivo à la méditerranéenne » pour nous faire découvrir les grands vermouths de Turin IGP. 

L’histoire de l’apéritif en Italie, remonte à 1786, lorsque Antonio Benedetto Carpano distillateur à la Piazza Castello de la ville de Turin avait pris la recette d’un apéritif allemand à base d’absinthe amère qui était connu comme Vermut.  Carpano l’avait italianisée en mélangeant un muscat cannelle avec une infusion d’herbes et d’épices dont il a gardé le secret, et l’a baptisée vermouth. Cette boisson à faible taux d’alcool est devenue l’apéritif turinois par excellence. À partir de 1800 on parlait de «l’heure du vermouth» comme au Canada nous l’appelons «le 5 à 7»

Le roi Victor-Emmanuel II a consacré le Vermouth en le déclarant boisson officielle de la Maison de Savoie. Au début, dans les maisons bourgeoises et nobles, le vermouth était présenté dans un petit verre juste avant le repas. Il était souvent accompagné d’une tranche de fromage Pecorino di Torino et d’olives, comme une mise en bouche pour ouvrir l’appétit. Très vite il s’est popularisé et il a été aussi servi dans les cafés, les bars et les restaurants, toujours accompagné de fromage Pecorino di Torino, et d’olives, parfois de charcuteries, et même dans ces temps de mondialisation, de véritables petites assiettes savamment dressées. Ce que l’on doit retenir c’est que le Vermouth de Turin est le premier apéritif connu en Italie et qu’il a inspiré la création de très nombreux autres apéritifs.

Le vermouth a été très populaire entre 1800 et 1960 et après une période d’oubli, il connaît aujourd’hui un regain d’intérêt. 

Selon François Monti, l’auteur de «101 cocktails» le vermouth n’est pas un spiritueux, c’est un vin aromatisé. On fabrique le vermouth généralement avec du vin blanc d’un goût neutre, plutôt faible en alcool et assez acide. On le mélange avec du sucre, mais si on veut qu’il ait une couleur rouge, on ajoute du caramel. On ajoute aussi de l’alcool sous forme de mistelle ou de l’eau-de-vie pour élever son niveau entre 16 degrés et 22 degrés. On le mélange finalement avec un extrait aromatique qui est une macération d’herbes, d’épices et de racines. Quelquefois pour augmenter la concentration on fait une distillation de la macération des aromates. Le vermouth doit être filtré pour obtenir sa brillance et sa transparence. Il ne reste plus qu’à verser le vermouth dans des bouteilles stérilisées et scellées avec une capsule et à fixer les étiquettes. 

Dans le vermouth, la saveur dominante provient de l’absinthe qui lui donne une certaine amertume; elle est complexifiée avec un choix de plus de 30 aromates tels que : l’achillée, l’aloès, l’angélique officinale, le baume du Pérou, la camomille, la cannelle, la cardamome, la cascarille, le chardon béni, le colombo, la coriandre, l’églantier, le génépi, la gentiane, le gingembre, la girofle, l’hysope, l’iris, la marjolaine, la noix de cola, l’orange amère, l’origan, le prunelier, la quinquina, la sarriette, la sauge, le sureau, le thym et la vanille. 

Le Vermouth de Torino demeure le vin aromatisé le plus renommé d’Italie. Il a obtenu le statut de IGP du Ministère des Politiques agricoles, alimentaires et forestières en 2017.

En 1919, un groupe de producteurs de vermouth de Torino a fondé le Consortium de Vermouth de Torino IGP, pour protéger le nom et les caractéristiques du produit et le protéger des imitations et des abus. Il regroupe 27 maisons historiques qui le produisent et l’exportent dans le monde entier. 

On classe les vermouths selon leur teneur en sucre, en:

  • Extra dry ou extra secco (extra sec) : avec un taux inférieur à 30 g/l ;
  • Dry ou secco (sec) : avec plus de 30 g/l et moins de 50 g/l, et 
  • Dolce (doux) : quand il contient plus que 50 g/l, jusqu’à 130 g/l.

L’édulcoration doit être obtenue avec du sucre, du moût de raisin, du sucre caramélisé ou du miel. La couleur ambrée doit être obtenue exclusivement par l’ajout de caramel. 

En raison de sa couleur, le vermouth de Torino se classe en Bianco (blanc), ambra (ambre), rosato (rosé) ou rosso (rouge).

Le Vermouth de Torino contient habituellement un taux d’alcool qui varie entre 16 et 22 %. Mais le Vermouth de Torino superiore doit avoir un taux d’alcool de 17% et plus. Le vin utilisé doit provenir au moins à 50% de la région du Piémont et être aromatisé avec des herbes et des racines cultivées ou récoltées dans la même région.

Nous avons dégusté 6 vermouths exceptionnels, dont deux produits par la maison Cocchi. 

Son histoire commence en 1891, lorsqu’un pâtissier florentin appelé Giulio Cocchi installe son commerce de distillateur et de producteur de vins mousseux dans la ville d’Asti.  Il aime proposer en même temps, une gamme de vins aromatisés spéciaux, en particulier, le Barolo Chinato, et quelques vermouths distinctifs, qui connaissent un grand succès.

Giulio a le sens des affaires et établit des comptoirs de revendeurs agréés où les voisins pouvaient déguster ses produits. En 1913, il y avait sept bars de dégustation dans le Piémont et bientôt douze. Très vite les produits Cocchi se sont vendus dans le monde entier. 

Depuis 1978, la maison de Giulio Cocchi est exploitée par la famille Bava qui a connu le désintérêt pour le vermouth il y a trente ans et qui, à partir de 2011 a contribué à la relance du Vermouth di Torino IGP. Leur cave conserve son caractère artisanal et utilise toujours les recettes originales, formulées par Giulio Cocchi en 1891.

Le premier vermouth que nous avons dégusté était donc le Vermouth di Torino extra-dry blanc de la maison Cocchi. Le vin provient de raisins locaux Cortese (le même cépage que celui utilisé pour Gavi DOCG), qui est ensuite marié avec des écorces de citron et de la menthe piémontaise ainsi qu’avec des plantes telles que l’absinthe, l’angélique, la coriandre et la cardamome pour un caractère parfumé et parfaitement équilibré. Tous les ingrédients pertinents pour ce vermouth proviennent du Piémont. L’Artemisia Absinthium, est 100% des montagnes du Piémont. Le profil aromatique est caractérisé par la Menta di Pancalieri, une variété locale de menthe poivrée.

Le Cocchi Extra Dry est un vermouth extrêmement sec et élégant avec des notes fraîches de pomme, de melon et de fleurs blanches magnifiquement équilibrées avec les notes aromatiques de la cardamome, de l’absinthe, de la coriandre et de l’angélique. La menthe piémontaise et les écorces de citron apportent des notes herbacées et de l’éclat au palais, lui donnant  une personnalité unique.

Nous avons aussi dégusté le Vermouth blanc Storico de la même maison Cocchi. Il est toujours produit selon la recette originale de Giulio Cocchi. Ce vermouth appartient à la catégorie des vermouths doux et ambrés. 

« La recette originale de Giulio Cocchi prévoit l’utilisation d’écorce de quinquina et de rhubarbe qui colorent légèrement le vin clair. Pour souligner son ton ambré, on ajoute du sucre bruni au feu qui, lui apporte une note spéciale de barbe à papa, capable d’arrondir tous les goûts amers sans utiliser de vanille. 

Ce vermouth est riche en sensations olfactives. Parmi les herbes et les épices aromatiques on retrouve l’Artemisia et les agrumes comme protagonistes avec leurs notes amères et citronnées équilibrées qui caractérisent le style Cocchi. 

Le goût est riche, avec des notes vibrantes de cacao et d’orange amère. L’infusion de quelques bois nobles et balsamiques, ajoute au final de légers arômes de camphre et de romarin. Parmi les ingrédients mineurs, on retrouve des herbes et des bois aux parfums uniques tels que le santal, le musc, la myrrhe et la muscade. »

Nous avons aussi dégusté le vermouth Bèrto blanc, fabriqué selon une recette historique de la famille Quaglia qui remonte à 1930. Elle a été ressuscitée par le chef italien Federico Ricatto qui voulait créer un vermouth piémontais qui pourrait se suffire à lui-même comme apéritif ou digestif. Bèrto est le surnom d’Alberto, le neveu de Federico, né à l’époque où il recréait la recette. Federico recommande de consommer son vermouth dans des verres larges ou dans un verre avec de la glace et un zeste d’orange.

Il contient de l’Arneis, Cortese, Trebbiano, du moût de Moscato, des herbes et des épices telles que l’orange amère, l’absinthe, la gentiane, la cardamome, la vanille, la coriandre, la menthe, le macis, le houblon, le thym, la marjolaine, le citron, la cannelle, le clou de girofle, la rhubarbe et l’angélique. Le moût de raisin, les herbes et les épices sont certifiés biologiques par Valoritalia. 

Pour son élaboration, les herbes et les épices reposent librement dans un réservoir en acier inoxydable pendant au moins 60 jours. La cuve est vidangée et les herbes sont délicatement pressées. Le jus après pressage est ajouté au vermouth. Sucre résiduel est de 140 g/l et 17 % d’alcool.

Nous avons aussi dégusté deux vermouths de la Maison Chazalettes. 

L’histoire débute en 1876, lorsque Clemente Chazalettes, crée l’entreprise Cte. Chazalettes & Co. Premiata Fabbrica di Vermouth e Liquori, à Turin. Le Vermouth Chazalettes est tellement apprécié, qu’en 1907 la Reine Margherita de Savoie et la princesse Létitia Napoléon, lui accordent le droit de porter le blason de la Maison royale sur les étiquettes de ses bouteilles.

Le succès du Vermouth Chazalettes est alors si grand qu’en 1909 ils doivent bâtir une nouvelle usine de vermouth, de liqueurs, d’amers et de spiritueux de 20 000 m2 à côté de la voie ferrée qui reliait Turin à la France. À partir de ce moment, les produits Chazalettes sont distribués dans le monde entier. 

 En 1935, Alfonso Chazalettes ouvre l’Impera Bar dans la prestigieuse Piazza Castello, de Turin, qui devient le rendez-vous du tout Turin. 

Les modes passent, et dans les années 70 la maison Chazalettes interrompt sa production de vermouth. Il faudra attendre 2016 pour que la mode du vermouth revienne en force et que Giovanni Chazalettes, l’héritier de la dynastie qui gardait précieusement les recettes historiques du vermouth familial, décide de redémarrer la production de son vermouth familial. 

Nous avons dégusté le Chazalettes Vermouth Bianco della Regina, qui est un Vermouth di Torino avec un parfum intense de fleurs et de fruits où, au-delà de l’armoise piémontaise, se distinguent des notes d’agrumes doux, de coriandre, d’angélique et de cardamome. Une touche de gentiane et une autre de rhubarbe font un charmant équilibre avec son amertume et marquent la douceur naturelle du Vermouth Bianco. Il est dédié à la reine Margherita de Savoie et titre 16,5% d’alcool.

Nous avons poursuivi la dégustation avec le Chazalettes Vermouth di Torino Rosso (Rouge) de la Reine, à base de vin rouge, produit selon la recette authentique de Clemente Chazalettes datant de 1876 où, en plus de l’absinthe, on décèle des notes de sarriette piémontaise, de marjolaine ainsi que de la mauve musquée et de la coriandre. Ce vermouth est aussi dédié à la reine Margherita. Taux d’alcool de 16,5%.

Nous avons clos la dégustation avec  le Vermouth di Torino Superiore Excelsior de la maison Bordiga.

La distillerie Bordiga est née en 1888 avec la création de la recette originale de Vermouth di Torino élaborée par le Cavalier Pietro Bordiga, herboriste passionné, grand connaisseur des plantes alpines et des épices orientales. Devant le succès de son premier vermouth, Pietro Bordiga ouvre sa propre distillerie à Cuneo, au pied des Alpes.

Les résultats des études Pietro Bordiga sont jalousement gardés dans le Livre des Recettes Anciennes qui est encore aujourd’hui une source d’inspiration et un point de départ pour la création des produits de cette maison.

Depuis 135 ans, la Maison Bordiga n’utilise que du vin piémontais, des herbes médicinales alpines cueillies à la main, de l’alcool de grain le plus pur, le sucre le plus raffiné et l’eau des Alpes.

Le Vermouth Di Torino Excelsior Superior Reserve a été produit à nouveau à l’occasion du 130e anniversaire de la fondation de la maison, selon une recette artisanale historique avec du Nebbiolo vieilli trois ans en fûts de chêne. Il contient 18% d’alcool.

Les principales plantes qui rentrent dans la production de ce vin sont : coriandre, vanille de Madagascar, clou de girofle, racine de gentiane, quinquina calissaya, cannelle, réglisse, millepertuis, gentiane et sureau.

Le vin blanc employé est le Moscato d’Asti et le rouge est le Nebbiolo piémontais, qui provient de la cave Conterno della Bussia à Barolo d’Alba (Cuneo). 

La production implique une procédure ancienne et traditionnelle de 40 à 50 jours avant la mise en bouteille. La filtration se fait exclusivement par des procédés naturels, par réfrigération et par l’utilisation de filtres en papier naturel. Après la mise en bouteille, le produit est laissé reposer à nouveau dans les caves Bordiga à une température constante d’environ 10 degrés pendant au moins 15 à 20 jours avant d’être prêt à être consommé. 

Sa couleur est rouge rubis profond. Son parfum intense et épicé. Franc en bouche, et à la fois élégant et soyeux. Il évolue de la note sucrée initiale vers une amertume persistante légèrement tannique avec des notes épicées et une très grande longueur en fin de bouche. 

Traditionnellement on boit le vermouth avec un jet d’eau gazéifiée et un zeste de citron. Aujourd’hui on le prend souvent en cocktail, ou avec du gin tonic et une rondelle d’orange ou de citron.

Comme on consomme le vermouth à petites doses, une bouteille ouverte peut durer un certain temps. Le vermouth blanc peut se conserver au réfrigérateur, sans capsule, durant six mois. Le vermouth rouge, doit aussi se garder au réfrigérateur sans capsule et il est bon à boire jusqu’à un an.

J’invite nos lecteurs à essayer un Vermouth di Torino IGP, ils seront charmés. 

Saluti!

Références :

DÉLÉGATION COMMERCIALE D’ITALIE ITALIAN TRADE COMMISSION

1000, RUE SHERBROOKE OUEST, BUREAU 1720
H3A 3G4 , MONTRÉAL

Tel: 001.514/284.0265

E-mail: [email protected]

Pauline R. Rosa :[email protected] 

Giorgio Bava, Gérant Export de la maison Giulio Cocchi Spumanti Srl https://www.cocchi.it 

John Szabo : www.johnszabo.com   chroniqueur à WineAlign.com,

Christian Perreault-Hamel propriétaire de l’Agence de vins Pelican Wines https://www.pelicanwines.ca

Roger Huet

Chroniqueur vins et spiritueux

Président du Club des Joyeux

www.lametropole.com/category/gastronomie/vins  www.samyrabbat.com   

Ce Québécois d’origine sud-américaine, apporte au monde du vin, sa grande curiosité, et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Dans ses chroniques Roger Huet parle du vin comme un ami, comme un poète, et vous fait vivre l’esprit de fête.

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