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Jeanjean, la saga hors de l’ordinaire d’une famille vigneronne française

Jeanjean, la saga hors de l'ordinaire d'une famille vigneronne française Jeanjean, la saga hors de l'ordinaire d'une famille vigneronne française
Jeanjean, la saga hors de l'ordinaire d'une famille vigneronne française

Quelle belle dégustation que nous avons eue sur une des terrasses privées du Port de Montréal, avec Brigitte Jeanjean et l’équipe d’Advini, avec les vins sublimes des domaines Le Pive, Devois des Agneaux d’Aumelas, Causse d’Arboras, et le domaine des Rocs appellation Pic de Saint-Loup.

Brigitte Jeanjean connaît bien le Québec puisqu’elle a obtenu un MBA d’administration des affaires à l’UQAM et a travaillé quelque temps pour Hurricana la course des motoneiges. Rentrée en France en 1993, elle est aujourd’hui la Directrice et ambassadrice des Vignobles Jeanjean.  Elle m’a fait connaître un  magnifique livre qui vient de paraître, dont le titre est : « Jeanjean  Éclaireurs depuis 150 ans », compilé avec le concours et les souvenirs de Bernard Jeanjean, qui a dirigé la maison jusqu’en 1965,  de Brigitte et  Frédéric Jeanjean, d’Antoine Leccia PDG d’Advini, de Patrick de Marien qui a présidé le destin de la Cave de Castelmaure, de Bruno Peyre, directeur commercial des vignobles Jeanjean et des nombreux collaborateurs et collaboratrices qui ont apporté leur concours enthousiaste. 

Le livre parle de la saga des Jeanjean, et de leur incroyable destin de vignerons, ainsi que de l’évolution de la vigne en Languedoc de 1872 à nos jours. 

Magnifiquement illustré, ce livre fait suite à un autre ouvrage de Maurice Jeanjean « Vigne et vin en Languedoc-Roussillon », qui est une référence historique importante, car les Jeanjean ont vraiment laissé leur marque dans l’évolution de la vigne en Languedoc et l’ont vécue avec passion. 

Le fondateur de la dynastie vigneronne est Étienne-Maurice Jeanjean qui dès 1869 s’installe comme négociant en vin, vinaigre, l’huile d’olive, amandes et noix, à Saint-Felix-de-Lodez. C’est ainsi qu’il découvre le métier de vigneron et se passionne pour la vigne.  C’était un personnage rigoureux et dynamique. On le surnommait le ‘Père la minute’. « Il aurait sauté du balcon du premier étage de son bureau dans la rue, estimant que le détour par l’escalier constituait une perte de temps ». Des gens de cette trempe ne peuvent que réussir. 

Étienne-Maurice ouvre bientôt une auberge et propose à la vente, les vins que les commerçants viennent déguster chez-lui.  Sûr de son affaire, il fonde la maison Jeanjean en 1872 avec la location de 23 hectares de vignes et des champs, une cuverie et des foudres. C’est ainsi qu’il commence à produire son propre vin. À partir de là son activité se concentre uniquement sur le vin. 

Son énergie débordante lui apporte tellement des commandes que bientôt sa production ne suffit plus à la demande, et doit s’approvisionner en vin chez d’autres producteurs. En 1874 alors qu’il célèbre ses 54 ans, il passe la main à son fils, Maurice-Vincent, surnommé « le barricailleur » qui va continuer à élargir son réseau et à livrer ses vins avec sa charrette et ses barriques jusqu’à ce que le développement du chemin de fer lui permette de fournir des clients au Massif Central et jusqu’au Lyonnais. 

Malheureusement le phylloxéra arrive en Languedoc et fait des ravages.  Maurice-Vincent se voit contraint de faire venir du vin d’Espagne pour un certain temps. 

Les vins du Languedoc titraient souvent alors 7% d’alcool et on avait pris l’habitude de les couper avec du vin algérien pour augmenter la teneur. Dans les années qui ont précédé la Première Guerre Mondiale, le vin algérien sature le marché et provoque la chute des prix et la révolte des vignerons du Sud. Une nouvelle réglementation veille à un meilleur contrôle de la qualité. Maurice Vincent et son fils Maurice-François qui se joint à lui décident d’ouvrir un magasin en 1911 pour mieux répondre à la demande. À la mort de son père en 1912 Maurice François devient commerçant en gros.  

La Première guerre mondiale amène une pénurie de vin. Les jeunes viticulteurs partent à la guerre. Les vignes ne produisent plus et l’armée envoie des grandes quantités de vin au front pour soutenir les troupes. Maurice François est mobilisé au début de la guerre et confie son entreprise à sa mère, à sa femme et à son comptable; ses affaires ne se sont jamais arrêtées.  Il ne sera démobilisé qu’en 1919. Les camions citernes font leur apparition après la guerre.  Maurice-François dote son entreprise de deux et bientôt de six camions. Il devient négociant expéditeur. Il sélectionne le vin, le collecte, le traite, le vend et réalise l’expédition auprès des négociants distributeurs qui approvisionnaient les détaillants. 

Paul Jeanjean vient seconder son père en 1925 et lorsqu’il se marie en 1929, son père l’associe en créant l’entreprise Maurice Jeanjean et fils.

À la veille de la Deuxième guerre mondiale, des trains complets de wagons-citernes sont chargés avec les vins de la maison Jeanjean à Rabieux et envoyés à la Gare de Bercy dans la région parisienne. En 1936, Maurice-François et Paul Jeanjean achètent deux propriétés : le Mas d’Artémon et le Mas de Lunès, dans les garrigues d’Aumelas qui comprend le Mas d’Encoste et le Château Valoussière. La Deuxième Guerre mondiale arrive, le vignoble languedocien en souffre mais les Jeanjean sont tellement rigoureux qu’ils arrivent à s’en sortir sans trop de dommages. En 1945 ils vendent le Mas d’Artémon pour se concentrer dans le développement vinicole du Mas de Lunès. Paul prend en main les destinées de la maison. Le commerce du vin évolue avec la multiplication des caves coopératives qui vinifient et commercialisent le vin de leurs membres et l’apparition des négociants de l’extérieur de la région qui viennent s’approvisionner directement chez les producteurs.

Paul Jeanjean s’adapte, fidélise sa clientèle et ouvre deux magasins de vente au détail à Montpellier et il associe au commerce son fils Hugues qui démarche inlassablement les clients. Un peu plus tard Bernard le deuxième fils de Paul commence à travailler dans l’entreprise et après son service militaire en Algérie, on l’associe à la commercialisation.  Paul divise le territoire en deux, confiant à chacun de ses fils une partie. Hugues et Bernard voient une possibilité de développement dans le transport du vin et créent la Société des Transports Lodéziens.  Ils prennent en main la maison Jeanjean au décès de leur père en 1965, alors que la consommation du vin a beaucoup baissé en France.

Les vins d’Algérie sont pour 10 ans encore un fléau. Si le Languedoc Roussillon veut survivre, il doit se tourner vers une production plus réduite et plus qualitative. La Communauté européenne admet des nouveaux grands joueurs dans le monde du vin, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, qui sont des concurrents. Le consommateur veut consommer moins et mieux. La Maison Jeanjean emboite le pas.  

« Entre 1965 et 2005 le Languedoc-Roussillon connaît une véritable révolution dans toute la filière du vin ». «Géographiquement le vignoble s’est replié sur les coteaux, gagnant des milliers d’hectares à la garrigue et abandonnant la plaine à d’autres cultures ». La concurrence des vignobles du Nouveau Monde devient une menace à son tour. La guerre commerciale se joue dorénavant à l’échelle du monde.

Lorsqu’Hugues et Bernard Jeanjean qui constituent la 5e génération, arrivent aux commandes de la maison en 1965. Ils ont déjà une expérience de 10 ans et vont donner à l’entreprise, un élan dans tous les domaines en adoptant une politique autour de trois créneaux : le négoce dans la tradition de la Maison Jeanjean, la commercialisation des vins des domaines et châteaux, rigoureusement sélectionnés, et la commercialisation des vins des domaines Jeanjean.

Ils créent une société de conditionnement et d’emballage des vins en 1970 et une entreprise de mise en bouteille des vins sur place, la COMODOC, qui permet aux vignerons de marquer : « Embouteillé au château », dès 1978. En 1990, ils vont ajouter une autre entreprise au groupe, c’est l’Imprimerie de l’enclos qui se spécialise dans les étiquettes des vins. En 1992 Brigitte Jeanjean (6e génération) et Antoine Leccia intègrent l’entreprise. 

Pour faire face aux défis de l’avenir, Jeanjean qui en 120 ans d’existence n’a jamais connu un seul exercice déficitaire, rentre en bourse en 1994, dans le but de se capitaliser. Forte de ses nouvelles ressources Jeanjean SA prend le contrôle de la Société Ogier, négociant en vins à Châteauneuf-du-Pape. En 2000 Jeanjean fait l’acquisition du Clos de l’Oratoire des Papes. Elle s’implante à Cahors en 2003 avec le rachat de la maison Rigal, elle confirme sa présence en Provence par un accord conclu avec la famille Gassier, la même année. En 2005 c’est le tour de la grande maison Cazes du Roussillon de rejoindre le groupe et en 2006, Jeanjean reprend les propriétés du groupe Antoine Moueix et Lebegue qui possèdent des châteaux prestigieux en Saint-Emilion, Bordeaux Supérieur, Fronsac et Haut Médoc. Finalement, en janvier 2010, la fusion entre JEANJEAN SA et LAROCHE SA aboutit à la création d’ADVINI qui se positionne dès lors en leader français des vins de qualité. Antoine Leccia est actuellement le Président du directoire d’ADVINI et contribue grandement à son expansion et à son rayonnement.

Voici la liste des maisons de vins et châteaux Advini : D’abord en France : Maison Laroche, Maison Champy, Clos de l’Oratoire des Papes, Maison Ogier, Caves des Papes, Château Gassier, Maison Victoire, Maison Jeanjean, Vignobles Jeanjean, Domaine Cazes, Antoine Moueix Propriétés et Maison Jules Lebegue. Plus 5 domaines en Afrique du Sud tous situés dans la prestigieuse région de Stellenbosch : Kleine Zalze: L’Avenir Wine Estate, Le Bonheur Wine Estate, Ken Ferrester Vineyards et Stellenbosch Vineyards. Plus 2 maisons importantes en Espagne : Maison Benoît Valérie Calvet (BVC) qui est une Maison de négoce dont les activités s’étendent en France, en Italie et en Espagne, et BVC Bodegas dans la prestigieuse région d’Utiel Requena à Valencia.

Dans le but de segmenter l’activité Jeanjean, deux entités sont créées en 2020 : Vignobles Jeanjean pour mettre en valeur ses propres domaines et Maison Jeanjean pour assurer le négoce, les caves partenaires et le développement commercial.  L’historique de ces deux entités forme un impressionnant conglomérat qui est constitué principalement de terroirs d’exception qu’ils ont su déceler et les réunir soit en les achetant soit en établissant des partenariats fructueux. 

Les Vignobles Jeanjean et partenaires sont constitués chronologiquement du Mas de Lunès et le Château Valoussière Devois des Agneaux d’Aumelas, achetés en 1936. Ils établissent en 1985 un partenariat avec la Cave coopérative de Castelmaure centenaire qui possède 437 hectares de petites parcelles dans des coteaux d’altitude. En 1990 ils achètent le Domaine Le Pive dans les Sables-du-Golfe-du-Lion. Depuis 1992 ils sont partenaires en co-branding de la marque Les Embruns pour un collectif de vignerons indépendants du terroir camarguais.  En 1993 ils reprennent le Domaine de Fenouillet qui est une appellation Faugère. La même année la maison Jeanjean devient partenaire de la Cave de l’Ormarine, au cœur de l’Occitanie. En 1994 c’est le Mas Neuf appellation Muscat de Mireval qui est acheté, et trois ans plus tard le Mas Rouge qui borde le Mas Neuf est intégré. Ces propriétés précieuses, ont été confiées à la gestion des femmes de la maison, Brigitte Jeanjean et sa sœur Elizabeth. 

Au XXIe siècle, les vignobles Jeanjean et partenaires continuent de s’agrandir. En 2010 ils signent un partenariat avec la Cave La Gravette qui regroupe 500 hectares en AOP Pic-Saint-Loup, dans les Cévennes, cultivées par une centaine de vignerons indépendants. 

D’autres acquisitions importantes suivent comme le Domaine de Landeyran acquis en 2012, et le Domaine du Causse d’Arboras, qui s’élève à 848 mètres d’altitude, est acquis en 2013. En 2014 un autre partenariat est signé avec la cave de Castelbarry de la Vallée de l’Hérault, AOP Terrasses-du-Larzac, figure de proue du vignoble languedocien. 

En 2016 la maison Jeanjean achète le domaine des Terres Blanches avec 6 parcelles en AOP Picpoul de Pinet, et en 2020, elle absorbe le Domaine des Rocs, AOP Pic-Saint-Loup. À la même date elle achète le Domaine Lapalu en Médoc, qui comprend le prestigieux Château Patache d’Aux, un cru bourgeois de très ancienne réputation. 

En 2022 Jeanjean célèbre son 150e anniversaire avec la présence de la 5e, 6e et 7e génération. Leur chiffre d’affaires atteint les 300 millions d’euros, ils sont le 5e opérateur de la filière française du vin.  La totalité des vignobles de Jeanjean sont cultivés en bio et 80% de leurs déchets sont recyclés avec une politique de bas carbone très efficace.

Ce qui fascine tout le long de cet ouvrage c’est la passion débordante de tous les membres de la famille Jeanjean, leur énergie incroyable et leur grande faculté d’adaptation à l’évolution de l’agriculture de la vigne, aux changements souvent dramatiques de la production du vin, à l’évolution du climat, et aux techniques de production toujours plus pointues, en respectant toujours les principes de qualité et d’écologie qui sont la marque de la maison. 

Les Jeanjean grâce à leur sérieux, à leur honnêteté et à leur grande disponibilité envers leur clientèle, ont réussi à rebâtir leurs vignobles, à relancer leurs affaires et prospérer après deux Guerres Mondiales et ont réussi à positionner leurs entreprises parmi les plus grandes locomotives du monde vinicole français. 

Si vous êtes intéressé à l’ouvrage Jeanjean Éclaireurs depuis 150 ans, en version française ou en version anglaise, communiquez avec

[email protected]

 

Roger Huet

Chroniqueur 

www.lametropole.com/category/gastronomie/vins   

www.samyrabbat.com

Ce Québécois d’origine sud-américaine, apporte au monde du vin, sa grande curiosité, et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Dans ses chroniques Roger Huet parle du vin comme un ami, comme un poète, et vous fait vivre l’esprit de fête.

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