Les fantômes de Bosnie. Quand l’abîme te regarde. Par Éric Emereux, Rémanier noir, 636 p,
Voici une fiction troublante qui est autant une analyse politique d’un affrontement antérieur qu’un roman d’espionnage coopté à un polar vraiment noir. Comme la mémoire s’enfuit parfois, il faut rappeler que le conflit de la Bosnie-Herzégovine débuta le 6 avril 1992 et se concluait par les accords de Dayton, le 14 décembre 1995. De l’éclatement de la Yougoslavie au massacre de Srebrenica en passant par la purification ethnique et les crimes de guerre qui succédèrent, ce conflit interracial fut l’un des plus meurtriers du XXe siècle.
Si j’ai suivi attentivement le déroulement de cette guerre, c’est par mon ami Maurice Dantec, hélas défunt que je fus mis en contact avec ces horreurs quotidiennes : La sirène rouge (Série noire), puis avec les reportages et le livre du correspondant de guerre, aussi disparu Paul Marchand : Sympathie pour le diable, Lanctôt éditeur 1997 et Ceux qui vont mourir, Grasset, 2001.
Et c’est maintenant qu’intervient Éric Emeraux, romancier au long cours, et plus encore, ancien colonel de gendarmerie qui fut de 2017 à 2020, à la tête de l’Office central de lutte contre les crimes de l’humanité et les crimes de haine. Autant dire que la question si nous pouvons nous exprimer ainsi lui est familière. Les bourreaux il a côtoyé comme les terrains sanglants et les familles anéanties par les atrocités de guerre ainsi que la barbarie humaine oû l’humain ne cède pas un bout de terrain.
Quand l’abîme te regarde se présente comme la chasse d’un criminel de guerre : Vuk par le colonel — Michel Granier-Rinnocci « Rhino « pour les intimes.
Si le roman commence par un casse en plein Paris qui tourne très mal, autant pour les malfaiteurs que pour les forces de l’ordre, l’intrigue va prendre un tout autre sens. En deux volets, souvent par alternance, nous découvrirons la vie de Rhino militaire pendant la guerre de Bosnie, puis comme policier qui va traquer son pire ennemi, soupçonné de crimes de guerre ainsi que de trafic d’armes.
Loin d’être une partie de plaisir, cette enquête soutenue respecte les codes du genre, avec plusieurs analyses politiques/historiques qui vont vous en apprendre beaucoup plus, sur les tréfonds de la nature humaine. Une épopée fascinante, un homme qui doute, mais qui combat, un fils « perdu » qui redécouvrira son père, bref, un roman puissant comme nous en lisons trop peu.
Journaliste depuis 1990, formation en sciences politiques à l’UQAM( relations internationales). Recherchiste, réalisateur et chroniqueur pendant 20 ans à Radio-Canada, au Journal de Montréal pendant 17 ans( jazz, classique et autres). Couverture du Festival de jazz depuis 1990. Collaborateur à Sortiesjazznights depuis 20ans. Auteur des grands noms du jazz en 2000 ( Éditions de l’Homme) et aussi chroniqueur de livres pour le blogue : C’est livre et du bon
