Les Anciens évoquaient l’Esprit Saint ou les Muses, la fureur d’un souffle. Nous parlons d’inconscient malgré notre ignorance. Jean Désy parle d’empathie, de jugement, de bon sens. Il ajoute : « la poésie qui permet de comprendre l’âme humaine » (1). Sa poésie est un chant d’expérience. Il suppose une longue maturation. Un espace de liberté. Une mystique de la poésie.
Aimer la terre, un amour fondamental
En lisant « Aimer la terre », le poète du fond de sa cabane rend témoignage à l’écologie du poème.
« Dans des rivières emmaillotées. Nous sommes mondes neigeux traces de nourriture et de joie » (p. 17). À la dimension sacrée du poème :
« Il existe des lieux sacrés
Il s’agit d’y naviguer
D’y marcher d’y respirer
Pour garder l’esprit aimable
Douce envie d’embrasser
Certains matins de mai
Toutes les fleurs d’un lilas » (p. 36)
La marche à l’amour
Un des plus beaux poèmes de ce recueil finit par le titre d’un des plus beaux poèmes de Gaston Miron dans « L’homme rapaillé » (2)
« Un oiseau fait mon bonheur
Un simple viréo dans son nid
Me chavire l’âme chaque matin
Je sais depuis des décennies
Que ce sont d’abord les oiseaux
Qui ont le don de la joie
Alors si on annonce la disparition
De dix milliards d’oiseaux
En Amérique du Nord
Je m’effondre en silence
Espérant de toutes mes forces
Qu’une volée de bernaches
Me récite la marche à l’amour » (p. 58)
Un exutoire sacré
Très jeune, j’étais convaincu que je parlais à Dieu. C’était ma façon d’être en contact avec le Cosmos. Oui, j’ai cherché Dieu. Il s’est infiltré à des moments inattendus. Le vert des arbres, la lumière du crépuscule, un air de guitare, je suis au cœur de Dieu même si la vie est souffrance de plus en plus. Vous allez toujours me voir à la chapelle Notre–Dame-de– Lourdes. Désy, c’est l’amoureux de la nature. C’est être ébloui dans une forêt, dans l’euphorie d’un exutoire sacré qui n’appartient qu’au poète nomade. Dans cet espace-temps, le poète se met à l’abri du temps présent. La nature a son mot à dire. La faune, les arbres, le sacré d’une rivière, je vous écris tout ça devant un coucher de soleil admirable.
« La poésie ne mourra pas
Bien que nous soyons exténués
Nous qui voulons croire en l’Éden » (p. 73 ).
Note
1. Entrevue à La Presse, 16 avril 2015.
2. Gaston Miron, « L’homme rapaillé », La marche à l’amour, un long poème de 7 pages d’une beauté absolu. « Tu as les yeux pers des champs de rosées. Tu as des yeux d’aventure et d’années-lumières etc »…
Jean Désy est un médecin et écrivain canadien. Il enseigne la littérature et la médecine à l’Université Laval et pratique celle-ci dans le Grand Nord québécois depuis 1978. Outre un doctorat en médecine, il détient une maîtrise en philosophie et un doctorat en littérature obtenu en 1990. Tous ses diplômes proviennent de l’Université Laval, à Québec.
Il a publié plusieurs romans, nouvelles, essais et récits, notamment « L’esprit du Nord » (XYZ, 2010), « L’accoucheur en cuissardes » (XYZ, 2015) et « La route sacrée » (XYZ, 2017). Jean Désy figure dans le top 15 des meilleurs livres de 2021 sur lametropole.com.
Jean Désy, Aimer la terre, Mémoire d’encrier 2024.