Dans ce livre, à la fois essai et roman personnel, l’auteur raconte son parcours de transfuge de classe, c’est-à-dire son passage d’une enfance perturbé par son milieu prolétaire à Drummondville auprès de parents peu éduqués. Ils sont confrontés à un fils qui a une vie intellectuelle, qui a étudié en sociologie. Plusieurs familles du Québec ont vécu comme ça. J’en suis un bon exemple.
Édouard Louis
L’insurrection
Ce livre retrace une époque de petite noirceur (1). Un roman de vérité contre la pauvreté, la classe sociale, l’homophobie, la violence verbale. En lisant Rue Duplessis, on pense à Édouard Louis, son combat face à l’humiliation, la douleur ou tout simplement le droit à la différence. L’auteur lui rend hommage d’une certaine manière (2).
« À la honte s’est ajoutée la colère. Ça fait chier en crisse d’avoir l’impression qu’un enfant né d’un père analphabète et d’une mère peu scolarisée ne devrait pas – enfin si, mais au prix d’un déracinement culturel – devenir animateur d’une émission à réflexion sur les ondes de la radio publique. Ça crée un sentiment d’injustice et une envie violente de venger ses parents et leur milieu. » (p.81)
Écrire la violence
C’est un roman sociologique que je lis. Un roman qui parle du passé. Moi, mon adolescence se passait dans les années 70. Enfermer dans ma chambre à écouter de la musique rock et à lire de mauvais livres de science-fiction. À chacun sa petite révolution. L’auteur dit vrai :
« La misère du monde existe dans la bourgeoisie, c’est vrai, la violence physique, sociale et psychologique également. La sociologie m’a donné des outils pour constater que ça l’est toujours dans des proportions beaucoup plus faibles. Écrire cela est violent, je trouve, même si c’est vrai. Bref, j’ai envie de vous dire que vous méritiez de sortir de votre petite noirceur de la rue Duplessis. » (p.191 ).
Écrire la mémoire
L’auteur (et animateur de radio) réveille la mémoire de notre jeunesse. Cette mémoire qui nous tenaille, nous disloque et nous disperse dans le paysage. Promesses de poésie enfouies dans l’inconscient collectif. Le soleil est partout. À chacun sa destinée, malgré un père qui était alcoolique et une mère qui comprenait ma sensibilité. J’étais amoureux de la vie. Tout n’est pas parfait. Un trop-plein d’être. Moi et Jean-Philippe Pleau, même combat, même origine. L’Ego, l’identité, l’expérience orphique.
Ce livre est à lire et à relire. Après la petite noirceur, j’ai pensé « à la lumière de la conscience critique. » (3)
Bonne nouvelle, Rue Duplessis, ma petite noirceur de Jean-Philippe Pleau est au sommet des ventes (leslibraires.ca )
Note
- J’ai souvent parlé de la grande Noirceur à l’époque de Duplessis. Oui, la petite noirceur, c’est aussi l’ignorance d’une certaine génération.
- Édouard Louis, « En finir avec Eddy Bellegueule » (Points 2019 livre de poche ) La honte de vivre, l’incompréhension du jeune auteur face à son comportement et à ses choix. Prisonnier d’une classe sociale avec ses codes. Attention, c’est mon choix de livre. L’auteur mentionne Édouard Louis, Changer :méthode, Paris Seuil 2021.
- Je fais référence à une citation de Jacques Brault.
Jean-Philippe Pleau est sociologue. Il travaille à la radio de Radio-Canada depuis 2005 où il a coanimé l’émission « C’est fou »… avec Serge Bouchard de 2010 à 2021. Il anime depuis 2021, l’émission « Réfléchir à voix haute. »
Jean-Philippe Pleau, « Rue Duplessis », Lux Éditeur 2024.